L’EMOTION TROUBLE LA RAISON par Rony Akrich

by Rony Akrich
L’EMOTION TROUBLE LA RAISON par Rony Akrich

Le pouvoir actuel de l’émotion mérite une profonde réflexion et une critique sérieuse ! Il faut cesser l’inquiétante omniprésence des larmes et de la colère, qui entravent notre faculté d’analyse et mettent en danger le fonctionnement optimal de notre démocratie. Les événements récents, tels que les enlèvements à Gaza, mettent en évidence l’importance accordée à la compassion pour les victimes dans l’actualité, reléguant au second plan tout sujet susceptible de susciter un débat. Cela nous empêche d’aborder les véritables enjeux.

La philosophe Hannah Arendt avait déjà mis en garde contre le danger que représente la pensée non critique lorsque nos émotions l’influencent. Selon elle, la capacité de penser de manière critique s’avère essentielle pour éviter de se laisser manipuler. Les émotions exacerbées par les médias ne font que renforcer cette dynamique, remettant en question nos valeurs fondamentales. Cette toile de larmes ne suscite pas un véritable engagement civique, mais plutôt de graves erreurs d’appréciation où le jugement et la raison cèdent la place à la tristesse, la compassion et la colère. Cette question revêt une importance cruciale : jusqu’à quel point pouvons-nous laisser les émotions influencer nos décisions sans compromettre notre capacité d’analyse et de compréhension des causes profondes de ces crises ?

La sociologue Elisabeth Badinter a également mis en évidence les dangers d’un sentimentalisme exacerbé, en soulignant que l’idéalisation de la victime peut entraîner une inversion des valeurs et l’émergence d’une société centrée sur la victimisation. Nous observons donc un renversement des valeurs, où la victime devient le héros de notre époque. En effet, pendant des siècles, notre civilisation a célébré des héros qui ont librement choisi leur destin à travers un destin collectif. De nos jours, la glorification des victimes, qui semblent subir le destin du peuple d’Israël, renforce une forme de résignation inquiétante. Est-ce réellement le modèle que nous voulons suivre ?

Le célèbre économiste et sociologue Amartya Sen met en évidence, dans ses recherches sur le développement humain, l’importance des capacités et de l’autonomie individuelle. Dans ce sens, on peut percevoir l’hyperémotivité actuelle comme une forme de déni de l’agence humaine, qui désincarne les personnes de leur pouvoir d’action. Cela s’exacerbe en présence de groupes aux intérêts politiques exclusifs, qui contournent les véritables revendications politiques et les solutions durables. Les manifestations actuelles peuvent ainsi être interprétées comme une expression d’un sentiment vague et impuissant, qui ne propose aucun programme de changement. Au lieu d’avoir des conversations productives, nous supprimons des échanges importants. Nous devons absolument ramener la logique au centre de nos échanges publics pour inverser cette tendance. Nous devons favoriser les discussions qui tiennent compte de la complexité des situations, et non pas seulement de la douleur immédiate. L’exemplaire civisme d’Eliyahu Libman et de Zvika Mor, dont les enfants sont retenus en otage à Gaza, est un modèle à suivre. Leur sagesse face aux épreuves nous rappelle l’importance de l’identité et de la responsabilité partagée envers notre communauté et son passé.

Nous devons absolument rétablir l’équilibre entre émotions et raison en reconnaissant et en célébrant les actions héroïques de ceux qui se battent pour l’intérêt commun. Ce défi politique exige que nous nous assurions qu’Israël n’oublie jamais, tout en engageant des débats éclairés qui combinent empathie et analyse critique. Nous pouvons nous inspirer des idées de penseurs tels que John Stuart Mill, qui prônait un débat libre et ouvert comme condition nécessaire à la vérité. Il revient à nous de reprendre le contrôle de notre destinée personnelle et collective en nous guidant sur le chemin de la conscience nationale pour bâtir un avenir meilleur.

Related Videos