De Paris à Kiryat-Arba
Rony AKRICH, de Trotski à Abraham

Au fond, je suis un professeur d’amour, dit Rony Akrich.

J’enseigne à mes élèves que l’important pour un juif c’est de s’intéresser aux siens avant de se préoccuper des autres. De préserver la paix dans sa maison avant de regarder ailleurs. Et d’être conscient, à chaque seconde, que notre vie tout entière est fondée sur une trilogie indissociables : le peuple, la terre, la Torah.

Réanimateur à l’hôpital Hadassah de Jérusalem, Professeur de pensée juive dans une école religieuse de jeunes filles et résidant de la colonie de Kiryat-Arba, Rony Akrich, 54 ans, 7 enfants, est né loin des arides collines de Judée qui forment aujourd’hui son horizon.

C’est dans une cité de la banlieue parisienne qu’il a grandi et commence à militer, au sein de l’OCI (Organisation communiste international), la branche la plus dogmatique du trotskisme français. 

À la fin des années 70, j’ai eu envie de tourner le dos à tout ça. J’hésitais entre deux solutions : partir comme soignant au Cambodge où aller en Israël. J’ai choisi Israël et j’ai commencé à militer au Mapam (Gauche sioniste socialiste) jusqu’au jour où j’ai rencontré à l’hôpital le rabbin Kook. 

Son enseignement m’a profondément transformé. J’ai découvert avec lui une osmose pouvait exister entre le saint et le séculier. Et je suis passé du sionisme révolutionnaire au sionisme prophétique.

Intarissable, jovial, chaleureux, Rony Akrich n’est pas l’un de ces Rambo bibliques Que l’on peut croiser à Kiryat-Arba. 

S’il a voté Nétanyahou aux dernières élections, c’est, dit-il, pour des raisons religieuses plutôt que politiques. 

J’ai voté contre la laïcisation de la vie, entamée par les travaillistes. 

Et pour la conception religieuse du sionisme défendue par nos rabbins. 

René Backman – Nouvel Observateur

Rony Akrich est un cas dans le monde particulier de l’enseignement juif supérieur. Oui, Rony Akrich est un cas car l’atmosphère dans laquelle il vit et grandit à Paris aurait dû le conduire naturellement sur les bancs de l’Assemblée nationale , mais Il fait tout simplement son Alya en Israël en 1979.

Il rencontre le Rav Tsvi Yehouda Kook, le maître du Judaïsme israélien, religieux et sioniste. Il le soignera par ailleurs durant les deux dernières années de sa vie et est-ce ce mérite qui sauvera la vie de Rony quelques années plus tard, en 1995, quand le propre cœur de Rony, celui qu’il consacre à sa passion de l’Hébreu et de l’enseignement, oui ce cœur bégaie puis s’écroulera trois fois en quelques heures. Rony entre-temps, a participé au mouvement “Judaïsme rouge” au sein du parti ouvrier israélien – le Mapam puis il fait la découverte des autres maîtres israéliens, le Rav Aviner, le Rav Tao, le Rav Shilat, puis des maîtres francophones comme le Rav Léon Ashkénazi, Manitou, et André Neher qui vont le conduire à une profonde évolution dans son existence, sa pensée et sa réflexion.

Il consacre alors sept années aux études juives. Puis on lui propose de partir convaincre la diaspora francophone via des conférences et autres rencontres afin de faire toucher l’essentialité de l’Alya et de l’identité juive. Son verbe et sa verve feront mouche. D’expérience en expérience, la vie le mène, le malmène aussi mais il est guidé par sa passion inaltérable pour l’enseignement et la transmission de la tradition juive. Ce père de sept enfants qui soigne et réanime le jour à Hadassa, enseigne le soir dans 4 Instituts supérieurs d’études juives, et la nuit, il écrit comme il respire, c’est à dire sans relâche. Il ne cesse de parcourir, de courir les routes d’Israël pour apporter la lumière des textes sacrés mais son cœur à nouveau explose et s’arrête de battre en janvier 2006. Rony, qui conserve un certain sens de l’humour, s’effondre dans son propre service (de réanimation) à l’hôpital Hadassa ; il aurait pu tomber plus mal.

Rétabli, conscient que l’éternel lui redonne une chance, il reprend très vite la route pour porter la bonne nouvelle, celle du peuple juif, de la terre d’Israël et de la Torah d’Israël, une trilogie miraculeuse, faire savoir et connaître “cet Hébreu qui se cache dans le juif que nous sommes”. Si le mot n’était pas empreint d’une connotation étrangère, on pourrait parler de Rony Akrich comme d’un missionnaire pourvu d’un don oratoire exceptionnel où transparaissent dans un lyrisme ébouriffant de maîtrise, et fleurant bon la France, toute la poésie et la profondeur de la Bible.

Andre Darmon – Israel Magazine