En Israël, renoncer au combat n’est pas une démarche morale, mais une attaque directe contre l’essence même de la coexistence. L’État d’Israël est né d’un traumatisme collectif et d’un espoir prophétique inimaginable. On l’a construit non seulement comme un refuge physique pour un peuple opprimé, mais aussi comme un espace éthique, culturel et autonome dans lequel le peuple hébreu a repris sa place dans l’histoire. Dans ce contexte, le service militaire dépasse sa dimension technique : il est une réalisation pratique du consensus social qui constitue l’État-nation.
Selon Thomas Hobbes, l’État est comme un « leviathan » – une entité qui unit toutes les aspirations privées en une seule force, unissant l’existence individuelle et collective. Ceux qui refusent de servir pendant les hostilités, non pas pour de véritables raisons, mais dans un esprit de défiance, violent précisément cet accord fondateur. La subversion dépasse les limites de la souveraineté et met en péril la légitimité même de l’autorité. Ce refus est parfois présenté sous des termes tels que « objecteur de conscience », « moralité personnelle » ou « liberté de pensée ». Mais qu’est-ce que la conscience en dehors du contexte historique ? Qu’est-ce que la morale qui néglige ses conséquences ? Une telle morale s’avère téméraire, car elle incarne un individualisme déraciné. Elle refuse de reconnaître que, dans les situations extrêmes, la véritable vertu se révèle précisément en abandonnant le confort et en ne résistant pas aux exigences individualistes. Emile Durkheim soulignait déjà l’importance de la solidarité mécanique en temps de crise. Dans les moments difficiles, la cohésion sociale n’est pas un luxe, c’est une condition de survie. Refuser de servir en temps de guerre n’est pas seulement une décision personnelle, mais aussi une rupture dans la conscience collective, une rupture dans le lien de confiance entre les citoyens. Lorsque chacun agit dans son propre intérêt selon des principes égoïstes, le peuple n’existe plus : il ne reste qu’une collection d’individus. L’État est également en faillite. Max Weber soutient que le souverain est celui qui détient le monopole légitime du pouvoir. Lorsque les individus décident de mettre fin à ce monopole – d’exercer leur pouvoir discrétionnaire à la place de l’autorité légitime – un dangereux processus de destruction des fondements du gouvernement moderne commence. Cela ne constitue pas un acte de liberté, mais un retour à un état de fait antérieur pour l’État.
Israël ne peut plus se permettre d’incarner le bon philosophe, le bon Samaritain dans les couloirs universitaires, ni même l’étudiant de yeshiva entièrement spirituel. Il est entouré d’adversaires, fait face à des dangers constants et se bat pour sa survie dans les limites de l’espace et du temps. Par conséquent, un refus public de servir ne représente pas une conversation éthique, mais plutôt une arme dans la conscience publique, une arme psychologique entre les mains de nos ennemis. La démocratie israélienne est essentielle : c’est un miracle, et les miracles exigent de la responsabilité. La démocratie doit être critiquée, mais remettre en question le contrat social lui-même en temps d’urgence viole l’accord moral le plus fondamental entre une personne et son État. Les soldats qui rejettent une idée politique ne sont pas des prophètes. Ils ne se conforment pas à des principes universels, mais au droit à l’existence de leur peuple. Ils remplacent la tragédie de la guerre par un mélodrame personnel. Ils ignorent la leçon de l’histoire juive, qui nous a coûté si cher : si nous ne nous défendons pas, personne ne le fera à notre place.