Mémoire vidée, vigilance trahie : à quoi bon commémorer la Shoah après le 7 octobre? Rony Akrich

by Rony Akrich
Mémoire vidée, vigilance trahie : à quoi bon commémorer la Shoah après le 7 octobre? Rony Akrich

La société israélienne et le monde juif s’apprêtaient à commémorer une fois de plus l’Holocauste. Discours cérémoniels, minutes de silence, lecture des noms, cérémonies d’État. Mais, depuis 1945, on n’a jamais organisé de cérémonie sous le poids d’une telle contradiction, d’un tel sentiment d’absurdité et d’un tel bourbier moral. Le 7 octobre 2023, un massacre d’une brutalité sans précédent a eu lieu en Israël. Des Juifs ont été violés, assassinés, démembrés, brûlés vifs, on a détruit des familles entières — femmes, enfants, personnes âgées — au cœur de leur pays, dans leurs maisons, dans leurs kibboutzim. Les images de l’Holocauste réapparaissent, non pas comme un lointain souvenir, mais comme une réalité contemporaine, sanglante et insupportable. Et qu’est-ce qu’on fait ? Perpétuer la mémoire, répéter le slogan : « Plus jamais ça » comme un mantra vide. Nous pleurons les morts du passé et enterrons les morts du présent. La mémoire d’Auschwitz est honorée, tandis que les kibboutzim de « Kfar Aza, Be’eri et Nir Oz » sont eux-mêmes devenus des lieux de deuil et de souvenir.

Quelle société qui sanctifie la vigilance et la mémoire, qui refuse d’oublier, peut être impuissante à protéger ses enfants et aveugle au retour du mal absolu ? Quel genre de leadership préfère le culte de la mémoire à la vérité, les cérémonies de commémoration à la justice contemporaine ? À quoi bon promettre « plus jamais » si nous n’avons pas la force et le courage de l’empêcher ? À quoi bon se souvenir si l’on refuse de voir, de comprendre et d’agir ? Commémorer l’Holocauste aujourd’hui, sans y inclure le 7 octobre, sans exiger justice et sans mener une véritable introspection sur la sécurité, la pureté morale et la responsabilité, est une profanation de la mémoire que nous prétendons préserver.

Le temps est venu de dire : la mémoire sans sobriété, sans courage et sans action est une mascarade. Cela engourdit, obscurcit, nous permet de continuer à ne pas voir, à ne pas comprendre, à ne pas changer. Pire encore : devenir complice du crime. Oublier la vulnérabilité du Juif ici et maintenant, refuser d’appeler l’ennemi par son nom, accepter le mépris de la vie juive, c’est préparer le terrain pour le prochain désastre. Où sont les responsables ? Où sont les enquêtes, les non-lieu, les poursuites ? Où sont les voix qui crient « Assez ! » ? Combien de temps encore la justice et la vérité seront-elles sacrifiées sur l’autel de la fausse unité, de la peur et de l’indifférence ? On a fondé l’État d’Israël pour protéger les Juifs — et non pour permettre passivement ou impuissamment le retour des pogroms. Un pays qui ne protège pas son peuple perd sa légitimité.

On doit refuser la mémoire des morts. Refusez les commémorations vides, les larmes sans action, les promesses sans justice. Le temps est venu d’exiger des comptes, d’exiger la vérité et de briser le confort des rituels qui nous bercent. Se souvenir – ce n’est pas seulement pleurer ; C’est voir, voter, juger, protéger. Nous devons agir pour que l’histoire ne se répète pas. Le 7 octobre doit rester gravé dans la mémoire juive et universelle comme un signal d’alarme, comme un choc moral, un moment de rupture. L’Holocauste n’est pas terminé tant que le mal renaît, tant qu’un Juif n’est pas en sécurité, tant que l’État échappe à son destin. Le temps est venu de redonner à la mémoire ses droits : une mémoire qui réveille, qui fait mal, qui oblige – une mémoire qui sauve, non une mémoire qui anesthésie.

J’ai écrit ces mots avec beaucoup de chagrin et de tristesse. Je n’aurais jamais pensé que nous serions à nouveau appelés vers ces meandres si sombres!!

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