Entre Guerre d’Usure et Otages : repenser notre responsabilité. Par Rony Akrich

by Rony Akrich
Entre Guerre d’Usure et Otages : repenser notre responsabilité. Par Rony Akrich

Mr Binyamin Netanyaou, il est temps pour nous de résoudre cette guerre infructueuse.

Depuis des mois, notre pays est embourbé dans un conflit sans fin. Ce conflit ne nous apporte aucune victoire décisive, seulement la mort, la souffrance et la destruction. Chaque jour, on compte de nouveaux morts, de nouvelles familles brisées, de nouveaux visages ajoutés à la longue liste du deuil national. Nous poursuivons une stratégie dont la logique s’est perdue en route, une guerre qui n’est plus animée que par l’inertie et le refus d’admettre l’impasse.

C’est un constat douloureux : la victoire totale s’éloigne, la paix véritable semble hors d’atteinte, et la société israélienne s’épuise, physiquement, moralement, politiquement. Croire que la persistance de nos efforts suffirait à vaincre l’ennemi est une illusion. C’est plutôt notre propre résilience collective qui diminue chaque jour davantage. Il est temps de cesser d’entretenir le mythe d’une issue héroïque : la stratégie actuelle ne fait que prolonger l’hémorragie, sans perspective, sans horizon, sans honneur véritable.

À cela s’ajoute une évidence que nous devons tous admettre : le Hamas refuse catégoriquement de restituer les otages, vivants ou morts, en dépit de nos efforts diplomatiques ou militaires. Cette organisation fait de la captivité de nos concitoyens un levier central, une carte politique cynique, un instrument de chantage et de division. Leur objectif n’est pas la négociation, mais l’instrumentalisation de la souffrance israélienne pour obtenir reconnaissance, impunité et désunion dans notre camp.

Espérer qu’une partie prenante, qui vit du chaos, montre de l’humanité, c’est se leurrer. La prise d’otages est devenue le centre d’une guerre psychologique, méticuleusement planifiée dans le but de semer le doute, de diviser la population et d’affaiblir sa cohésion. Chaque silence, chaque image, chaque rumeur vise à ébranler notre confiance et à miner notre détermination.

Jérémie, prophète visionnaire, avait déjà mis en garde contre l’illusion du pouvoir et la tentation de l’évasion : « Ils prétendent guérir le malheur de mon peuple avec des paroles creuses en proclamant la paix, alors qu’il n’y a pas de paix » (Jérémie 6:14).

Le moment est venu d’aller au-delà de la superficialité et de dire la vérité. Que se passerait-il si nous cédions à toutes les pressions et abandonnions notre résistance ?

Nous sortirions de Gaza, abandonnant toute présence israélienne. Nous restituerions au Hamas l’intégralité du pouvoir, lui permettant de reconstruire son autorité sur les ruines. Nous ouvririons grand les portes à toute l’aide humanitaire internationale, sans aucune restriction, sous l’œil attendri de la communauté mondiale. Nous irions même jusqu’à destituer M. Netanyahou, accédant à l’exigence de renouvellement politique : de nouvelles élections seraient organisées, l’opposition prendrait les rênes du pouvoir, tout serait refondé au nom de la démocratie et du changement.

Et pourtant, au terme de toutes ces concessions, de toutes ces révolutions internes, la réalité la plus crue demeurerait : jamais le Hamas ne rendrait les quelques otages encore détenus.

La logique du chantage, la culture de la haine et le calcul politique resteraient inchangés. La question des otages, loin de se résoudre, continuerait d’empoisonner notre vie nationale, de diviser notre société, de hanter nos consciences, quel que soit le gouvernement, quelle que soit la politique adoptée.

Voilà le cœur du piège : croire que notre propre métamorphose suffirait à changer la nature de l’ennemi. Croire que le problème réside d’abord chez nous, alors qu’il s’agit, tragiquement, d’une impasse voulue et orchestrée par l’autre camp.

« La folie, disait Einstein, c’est de faire toujours la même chose et d’en attendre un résultat différent. »

N’est-il pas temps, justement, de sortir de cette folie collective, de rompre avec le cercle vicieux du sacrifice répété, et de retrouver le courage d’une pensée neuve ?

Cette double impasse, militaire et morale, devrait nous forcer à l’introspection et à la lucidité. L’histoire d’Israël est faite de renoncements courageux et de renaissances inattendues. À chaque grande crise, notre force fut d’oser la remise en question, de ne pas confondre obstination et héroïsme, sacrifice et lucidité. Comme le disait Ben Gourion au lendemain des pires épreuves :

« Ce qui importe, ce n’est pas ce que les goyim disent, mais ce que les Juifs font. »

Aujourd’hui, persister dans une logique sacrificielle, accepter de laisser nos enfants grandir dans l’ombre d’une guerre sans fin, ce n’est plus faire preuve de force : c’est trahir l’idéal même d’Israël.

La tradition juive nous enseigne, dès la Genèse, que l’homme n’est pas condamné à la fatalité :

« Si tu t’améliores, tu pourras te relever, sinon le Péché est tapi à ta porte: il aspire à t’atteindre, mais toi, sache le dominer! » (Genèse 4,7)

Nous avons la responsabilité, non pas d’endurer indéfiniment, mais de choisir la vie, de reprendre l’initiative, de refuser que la dignité et l’avenir de notre peuple soient éternellement pris en otage.

Nous n’avons pas à choisir entre la résignation et l’aveuglement. Il existe d’autres chemins, d’autres formes de courage : réinventer notre stratégie, retrouver l’unité nationale, refuser de céder à la logique du chantage et du deuil perpétuel. Il est urgent de redonner sens et direction à notre action collective, de rappeler que la souveraineté israélienne n’est pas d’être condamnée à réagir, mais de savoir reprendre l’initiative.

Comme l’a écrit Hannah Arendt dans « La crise de la culture »:

« La chose la plus importante, c’est de ne jamais se laisser entraîner par les événements comme par une fatalité. » Cette formulation est fidèle à sa pensée : elle invite à refuser la passivité, à résister à l’esprit de fatalité, et à rester maître de ses choix, même dans l’adversité.

Ce manifeste n’est pas une invitation à la reddition, mais une demande de responsabilité et d’éveil à la réalité. La véritable loyauté envers l’histoire d’Israël consiste à savoir dire « Stop ! » et à oser explorer de nouvelles voies pour nos enfants, pour nos otages et pour la dignité d’une société qui mérite de vivre la tête haute, et non dans l’attente du prochain désastre.

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