La fête de l’amour — Le chant de la rencontre

by Rony Akrich
La fête de l’amour — Le chant de la rencontre

Tou BeAv.

La nuit s’adoucit sur les vignes, le vent effleure les champs, et soudain, le cœur se souvient qu’il est toujours possible de recommencer.

C’est un jour où le tumulte se tait, et d’entre les fissures surgit un chant discret : un chant d’espérance, de réconciliation, d’amour.

Il n’y eut pas pour Israël de jours aussi beaux que le quinze du mois d’Av non pas parce qu’on y célébrait de somptueux rituels, ni pour des prescriptions ou des versets, mais parce qu’au cœur même de l’histoire s’ouvrait un chemin nouveau.

Après les jours de tristesse, après la ruine et la perte, l’homme se lève, aspire à recréer le « nous »: traverser le désert, sortir de la solitude, effleurer la main d’un autre, et y trouver, soudain, son propre reflet, agrandi, vivifié.

L’amour, nous enseigne Erich Fromm, n’est pas une fantaisie éphémère.

C’est un art ; un ouvrage quotidien de soin, de responsabilité, de respect et de connaissance.

Il ne s’achète pas au marché des passions, ne se mesure pas au nombre de « likes », ne se vend pas sur les réseaux et ne se pèse pas sur la balance de l’orgueil.

L’amour est ce don humble, patient, qui naît dans le silence :

Écoute profonde de l’âme de l’autre, courage d’ouvrir son cœur, désir de toucher une âme qui n’est pas la mienne, et pourtant de s’y sentir chez soi.

Martin Buber voulait que nous apprenions à dire « tu » au lieu de « ça ».

À nous dépouiller de la carapace de l’utilité, à regarder le visage d’un être, aimé, partenaire, enfant, peuple, et à dire: « Tu es ».

Je te rencontre, vraiment. Tu n’es plus image, fonction, étape sur mon chemin ; tu es présence, mystère, merveille.

Dans cette rencontre, le « je » et le « tu » cessent d’être deux solitudes: naît un « nous », première marche vers la rédemption.

Lévinas nous rappelle que l’amour commence par un regard, par un choc moral, par l’appel du visage de l’autre: « Tu ne tueras point. »

C’est l’appel à la vie.

Aimer, ce n’est pas s’effacer, c’est s’élargir, s’engager, s’inviter à sortir de l’étroitesse de l’ego vers un monde vaste et nuancé.

En chaque amour, il y a une énigme qui ne se résout jamais, une responsabilité qui ne s’achève jamais.

La Hassidout a dit, « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Aimer, c’est écouter, c’est la bonté, la volonté de céder, de s’adoucir, de s’offrir.

Aimer son prochain, c’est apprendre à aimer aussi son ombre, ses failles, savoir se guérir, se renouveler, puis s’ouvrir au monde, à la rencontre, à la danse des vignes de Tou BeAv.

Au cœur de toute fête de l’amour, résonne cet appel initial :

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul. »

Même si la maison s’est effondrée, même si l’espérance s’est émoussée, il reste à l’homme la force de renaître.

Toujours, après la nuit, l’aube recommence à ajouter sa lumière.

C’est là le secret de Tou BeAv:

Non une fête du passé, mais une fête de l’avenir.

Un jour où chacun est invité à s’ouvrir de nouveau à l’amour, à soi-même, à l’autre, à Dieu, au monde entier.

Où le » je » et le « tu » ne s’effacent pas l’un dans l’autre, mais forgent ensemble un « nous » vivant, cœur neuf, mosaïque de réparation, de réconciliation et de délivrance.

Mais dans la nuit douce de Tou BeAv résonne aussi la gravité sacrée de l’amour, celle qu’avaient chantée Victor Hugo:

« Il n’y a rien de plus fort au monde que la douceur. »

et qu’avait murmurée Paul Éluard:

« Tu es là, lumière sur mes pas, source d’un matin sans fin. »

Et soudain, la voix de Musset s’élève parmi les rires et les chants :

« On ne badine pas avec l’amour. »

L’amour n’est ni caprice ni jeu, mais un don grave, un risque, un saut dans le mystère.

« L’amour est une chose sacrée, l’amour est un mystère ; on l’aime parce qu’on aime. »

Et dans la danse même, dans la légèreté apparente du jeu, il subsiste une vérité profonde.

Un cœur ne s’ouvre pas sans risque, un « nous » ne se crée pas sans engagement.

Car aimer, c’est agir, comme disait Hugo.

C’est s’ouvrir, offrir, pardonner, renaître.

Tou BeAv est le chant de ce miracle:

Même après les ruines, l’amour reste possible, la lumière peut encore croître, et dans la rencontre vraie, entre deux êtres, entre l’homme et Dieu, entre le peuple et son histoire, le monde commence à se réparer.

Related Videos