Israéliens, il est temps de regarder la vérité en face. Le Hamas n’est pas une organisation politique avec laquelle on pourrait composer par le biais de compromis diplomatiques ou de gestes humanitaires. Ce n’est pas un partenaire potentiel pour des accords de cessez-le-feu ou de coexistence. C’est une barbarie nue, proclamée, qui transforme la mort en idéal et le massacre en liturgie. Ceux qui torturent, violent, égorgent, incendient et kidnappent ne cherchent pas une solution de compromis, ils cherchent notre effacement pur et simple. Leur objectif n’est pas de vivre à côté de nous mais de nous arracher de cette terre et de nous abolir de l’histoire. Et pourtant, au cœur même de la société israélienne, se lève une réponse étrange, faite d’hésitations, de culpabilité, de fuites dans l’illusion, comme si nous étions incapables d’assumer la radicalité de l’ennemi que nous affrontons. Ce n’est pas seulement de la faiblesse : c’est ce que Nietzsche appelait le nihilisme, cette maladie d’une civilisation qui ne croit plus en elle-même, qui doute au lieu d’affirmer, qui se décompose dans le confort et se paralyse devant la brutalité. Nous en voyons les symptômes chaque jour : au lieu de nommer la barbarie pour ce qu’elle est, nous cherchons à l’habiller d’explications psychologiques, sociales ou humanitaires. Nous préférons croire qu’elle est le produit d’une misère qui se corrigerait avec des aides économiques, plutôt que de voir qu’elle est un choix idéologique, théologique, volontaire. Nous préférons imaginer que l’ennemi cache derrière ses atrocités une rationalité politique avec laquelle nous pourrions marchander, plutôt que de reconnaître qu’il s’agit d’une guerre totale contre notre existence. C’est ainsi que l’illusion remplace la lucidité et que le doute remplace la fidélité.
On nous répète que tout peut se régler par la négociation. Comme si la barbarie était une opinion parmi d’autres, comme si les assassins pouvaient être amadoués par des gestes de bonne volonté. Mais Thomas Hobbes, au XVIIᵉ siècle, avait déjà mis à nu la réalité de la condition humaine : quand l’autre choisit la guerre de tous contre tous, il n’y a pas de paix possible sans souveraineté ni puissance. Penser qu’on peut pacifier le Hamas par des accords revient à nourrir le loup en espérant qu’il se transforme en agneau. Cette illusion a déjà coûté des vies, et elle en coûtera encore tant que nous la chérirons comme une croyance commode. Croire que la paix se fabrique dans le seul langage du compromis est une trahison de notre propre expérience historique, car nous savons, mieux que quiconque, qu’il existe des ennemis qui ne cherchent pas à vivre mais à tuer, qui ne veulent pas d’un partage mais d’un anéantissement.
Beaucoup en Israël ont été séduits par l’idéologie humanitariste importée d’Occident, qui enseigne que le mal n’existe jamais en tant que tel, qu’il n’est que le fruit de la pauvreté, de l’exclusion, de la frustration. Mais Hannah Arendt nous a appris que le mal pouvait être radical, qu’il pouvait être choisi librement et revendiqué comme vocation. Le Hamas ne tue pas parce qu’il est acculé : il tue parce qu’il croit que tuer est une forme d’adoration, que détruire Israël est une obligation religieuse, que le massacre des innocents est une offrande à son dieu. Refuser de voir cette vérité, c’est devenir complice involontaire de sa propagation. C’est accepter de se laisser piéger dans un discours de justification qui finit par excuser l’inexcusable.
Carl Schmitt, le grand théoricien du politique, rappelait que toute communauté se définit par sa capacité à distinguer l’ami de l’ennemi. Un peuple qui perd cette distinction se condamne à disparaître, car il se prive de la lucidité vitale qui lui permet de se défendre. Israël, peuple ressuscité après deux millénaires d’exil et après Auschwitz, n’a pas le luxe de brouiller les lignes. Le Hamas est l’ennemi désigné. Il l’écrit dans sa charte, il le crie dans ses mosquées, il l’enseigne dans ses écoles. Feindre de ne pas l’entendre, c’est trahir nos morts et condamner nos vivants. C’est se mettre soi-même dans la position du coupable en face de celui qui a juré votre destruction.
Raymond Aron, penseur lucide du XXᵉ siècle, a montré que l’histoire est tragique et que le rêve de paix perpétuelle est une illusion dangereuse. Les conflits ne disparaissent jamais, il y a toujours des ennemis, toujours des forces hostiles à la liberté. Spinoza, dans son réalisme politique, écrivait déjà que la liberté d’un peuple ne se conserve que par sa puissance. Israël, s’il veut rester libre, doit être fort. Non pas pour dominer ni pour humilier, mais pour protéger la vie, car la vie sans puissance est à la merci du premier assassin. Croire qu’on peut s’en remettre à la seule bienveillance des autres, c’est refuser d’assumer la responsabilité de sa propre survie.
Notre société contemporaine, obsédée par le confort, la consommation et le divertissement, a parfois du mal à accepter cette dimension tragique. Beaucoup aimeraient vivre « comme toutes les autres nations », sans vocation particulière, sans charge historique, sans devoir de fidélité. Mais la barbarie du Hamas est venue rappeler que ce rêve est illusoire. L’histoire ne nous laisse pas le choix. Nous n’avons pas le privilège de vivre comme si nous n’étions pas Israéliens. Nous sommes le peuple qui porte en lui une mémoire de persécutions et de renaissance, et c’est précisément cette mémoire qui nous impose de ne pas céder au nihilisme.
Car le nihilisme israélien est aujourd’hui la plus grande victoire du Hamas. Il n’a pas besoin de nous battre militairement s’il réussit à nous faire douter de nous-mêmes, à transformer notre peur en culpabilité et notre indignation en doute. Chaque hésitation, chaque concession dictée par la nostalgie d’une normalité introuvable, chaque croyance naïve en une paix qui n’existe pas, nourrit sa conviction que le temps joue pour lui. Ce n’est pas sa force militaire qui le rend dangereux, c’est notre faiblesse morale.
Israéliens, rejetons le nihilisme. Assez de compromis illusoires qui nous enferment dans un cycle sans fin de concessions unilatérales. Assez d’illusions humanitaires qui nous aveuglent devant la cruauté de nos ennemis. Assez de culpabilité qui nous empêche d’assumer le droit élémentaire à la défense de nos vies. Nous ne combattons pas pour la gloire, ni pour l’orgueil, ni pour le pouvoir. Nous combattons pour la vie. Nous combattons pour nos enfants. Nous combattons pour que l’avenir d’Israël ne soit pas un futur interrompu, mais la continuation vivante d’une histoire déjà millénaire. Le Hamas veut nous réduire au néant. Nous lui répondrons par l’affirmation d’un peuple qui dit oui à la vie, oui à la fidélité, oui à son histoire, oui à sa dignité.
C’est le seul chemin qui mène à la victoire, non pas une victoire passagère sur le champ de bataille, mais une victoire de civilisation. La victoire de ceux qui refusent le néant, qui refusent le nihilisme, et qui affirment clairement que l’histoire d’Israël ne s’arrêtera pas.