L’existence s’écoule au sein d’une inévitable nature sans jamais rien dévoiler de la vérité profonde des créatures. La nature première de la vie est une matière brute et donc sauvage et aveugle. C’est à l’homme de prendre en main les contours de son existence pour mieux en arrondir les angles, adoucir les traits et peaufiner le tout. Dans le cas contraire, les forces de vie subiront les assauts incessants d’essences étrangères et concurrentes comme, l’avidité, la jalousie, la paresse etc., qui n’aspirent qu’aux troubles de l’ordre de l’individu et ainsi tirer profit de ses doutes.
Le sens élémentaire de la notion de «pureté » est un assainissement de nos caractères si exacerbés offrant aux forces vitales plus intérieures l’opportunité d’exprimer les relents plus profonds de l’origine, nous voilà aux frontons de la « sainteté ». Sans ce drainage essentiel nous ne révèlerions que l’ombre de nous-même, nous ferions ombre et tâche au Dessein céleste. Une vraie nature ombragée par un feuillage dense et opaque, fabriquée par une société humaine croulante sous le poids de sa propre matière et de ses propres normes galvaudées.
Aussi faudrait-il dire que la Morale et la Torah ne sont en aucun cas les dessinateurs, les créateurs de la substance de l’être, ils ne sont que les moyens prodigieux offerts à l’homme pour clarifier ce face à face avec lui-même, laisser place à la pleine révélation de son essence divine. Plus il vient à la rencontre de sa vérité propre plus la vie retrouve ses raisons premières, se matérialise et s’épanche au travers les canaux de l’existence.
La volonté s’éveille et reconnaît ses nouveaux points d’appui, la joie de vivre n’en est que plus probante et plus novatrice, la créativité se fait jour à l’aube de ces nouveaux lendemains. Lorsque l’homme s’engage dans une telle quête de lui-même, il tend indubitablement vers l’essence du projet créateur le concernant et parvient au point tendre et sensible de son originalité c’est-à-dire vers la source unique de la Nécessité et de la Liberté.
Et pourtant voici que les forces vives de la création, bien avant la manifestation complexe de la nature humaine, devinrent confuses et difformes.
L’attention et l’intérêt portés par le premier être humain aux propos pernicieux du serpent l’amène à ne plus s’écouter ni entendre la vérité vouloir jaillir, très vite il se fourvoie dans une situation inextricable et irréversible. L’homme ne peut choisir son chemin guidé par les seules rutilances jetées au visage d’un monde et d’un environnement superficiel, ignorer également l’appel incessant de ses voix profondes avides d’expression. Le premier rendez-vous de l’Histoire sera donc un échec, la réalité vécue ne reflètera que l’inconsistance de l’être, sa méconnaissance totale d’une personnalité propre. D.ieu lui vient malgré tout en aide en l’interrogeant : «Qui es-tu ?» mais nulle réponse chez Adam bien au contraire il préfèrera se cacher et se fuir.
L’autre faute et non des moindres est ce que nous nommons ordinairement : « l’idolâtrie ». Il ne s’agit point d’une simple erreur de destinataire, l’idole en lieu et place du D.ieu d’Israël, mais bien d’une mauvaise estimation quant au dessein Divin pour l’homme. Le cérémonial païen se consacre aux aspects partiels de l’existence sans jamais aspirer au dévoilement du nombre entier de la Création. Il entraine avec lui, dans les torrents de l’extase, nombres d’âmes abandonnées en avidité d’émotions et là très vite, les pulsions sauvages, inhérentes à l’être animal, trouvent le terrain favorable et propice. Que de croyances folles et de fantasmes abusés pour si peu d’illusions qui de toute les façons se perdront à jamais dans les méandres de l’imaginaire fou de l’Homme déçu et dépité.
« Au début de la Création il était destiné que l’arbre ait le même goût que le fruit. Toutes les actions qui ont un but spirituel élevé devaient être ressenties par l’âme avec le même sentiment d’élévation, d’allégresse et de délice que ce que nous imaginons du but lui-même. Mais l’existence terrestre, l’instabilité de la vie, la lassitude de l’esprit lorsqu’il est enfermé dans la corporalité, ont amené à ne goûter que le fruit de la réalisation du but final, qui incarne l’idéal primaire, et de ne ressentir que dans la finalité le plaisir et la splendeur. Mais les arbres qui portent des fruits, avec tout ce qui est nécessaire à la croissance du fruit sont devenus de la matière ordinaire et ont perdu leur goût. Ceci est la faute de la terre par laquelle elle fût maudite, lorsque Adam fût lui aussi maudit ». (Orot Hatechouva 6,7)
Le projet initial de la Création voulait que la Terre produise un « arbre-fruit » et non point un arbre donnant son fruit, dès l’origine, un vouloir à ce que l’arbre soit (être) mais non à ce qu’il ait (avoir), mais voilà que la matière contre façonnait la Volonté divine. Erreur fatale dont l’occurrence allait se reproduire chez l’Homme dans une dépendance maladive à son avenir et sa carrière, entrainé vers l’oubli de soi. Il recherche le grade ou la performance comme preuve.
Ineffable de ce qu’il est en son âme et conscience, il fait de cette obsession la finalité de son existence et celle-ci devient très vite l’essentiel de sa raison de vivre. Sa frénésie aveuglante le rend négligent face à ses autres facultés, aux autres périodes de sa vie, rien ni personne ne pourra se mettre en travers de sa destinée.
La lune quant à elle commit une erreur imparable lorsqu’elle demanda à son Créateur qui du soleil ou de la lune règnerait sur la lumière de la Création. Le verdict ne se fit guère attendre, elle sera réduite et diminuée. Ce commentaire homolytiques du texte biblique nous entraine vers un parallèle étonnant quant aux comportements de l’être humain, sa préoccupation à être reconnu et classée non par lui-même mais surtout par les autres, demeure essentielle. Si l’individu se contente de ce qu’il possède, s’il s’aime raisonnablement, alors il n’aura nul besoin ni nécessité de se questionner à ce sujet, il ne s’y intéressera tout simplement pas. La question récurrente de nos jours concerne la position de l’homme par rapport à autrui, elle atteste certainement le réel vide intérieur de cette personne qui ne pourrait en quelque sorte s’affirmer et trouver une vraie raison de vivre qu’au travers sa victoire sur l’autre. Voilà bien une altérité totalement altérée.
La comptabilité et l’équation des pourquoi et des comment sociaux convoient l’individu vers de sombres desseins, un désenchantement et une rumination anxieuse. Il perd ses propres repères et se déconnecte lentement et sûrement de la seule source qui pouvait encore le sauvait c’est-à-dire de lui-même. Les appréciations de la vie se compliquent et deviennent pratiquement insolubles car dépassées par un trop plein de haine, de jalousie et de compétition, elles éloignent l’homme inconstant de ses espérances décharnées ou de ses satisfactions erronées.
Nous affirmons vouloir édifier, dresser et concevoir pour nous-même et pour les générations à venir, nous désirons corriger la réalité afin qu’elle prenne les tons et les couleurs de nos rêves. Nous exigeons le bonheur, la sécurité, la famille chaleureuse, le conjoint idéal, la réussite matériel, c’est-à-dire tout le meilleur. Pourtant chacune de ses pensées, consciemment ou non, s’accompagnent d’affirmations désespérées comme quoi il nous serait impossible de conquérir les « non »! En d’autres termes, malgré nos ambitions tout nous parait bien trop complexe et effrayant, aussi préférons nous demeurer à notre place!
L’harmonie de l’être, vu comme un concept hybride, est compliquée et en « devenir ». Elle est subtile parce que les immatriculations qui charpentent l’identité du sujet sont multiples. Elle s’accomplit dans le devenir étant donné que les règles motivantes de l’histoire nous évitent l’inertie. Différencions notre modeste moi et ses atouts; ce moi qui soutient en premier lieu le reflet d’une image subjective de lui-même et l’Être comme créature spirituel où se matérialise la Vie de l’âme.
D’une certaine manière je pense être ce que je ne suis pas et ce que je suis, en vérité, attends d’être révélé en dehors de toute reconnaissance de la personnalité consciente. Cette dernière est une, elle reste la substance à laquelle nous offrons l’impulsion nécessaire au devenir de notre entité finaliste.
L’un des drames les plus étonnants de notre société humaine concernent le système éducatif où un nombre insupportable d’enseignants attisent le regard superficiel de l’enfant. Ils engagent notre progéniture à acquérir une quantité de connaissance, une étude mécanique et un savoir-faire pour aujourd’hui. En évitant un enseignement, une pédagogie qui permettrait aux élèves de mieux se rencontrer avec eux même, le corps enseignant jette continuellement de l’huile sur le feu annihilant. Non seulement ils n’éduquent guère, c’est-à-dire qu’ils ne cultivent pas l’être, mais qui plus est ils assèchent la soif de reconnaissance nécessaire à tout un chacun en quête de son essence, de sa nature propre. A force, l’étudiant crois tout bonnement ses maîtres qui affirment avec la véhémence du verbe et de la verve que seuls ceux ayant acquis la ‘quantité’ de connaissances, nécessaires, pourraient espérer en un autre «avenir». Jamais au grand jamais, du haut de la chaire, on n’ose remettre en question de telles inepties et témoigner sans crainte aucune que l’homme avait une autre finalité; celle du «devenir» dans une pleine expression de son être de qualité tout puissant.
La perte de son moi, la mise en exil de son être ne dénonce pas uniquement le crime commis par l’Homme envers lui-même, il s’agit là d’une séparation lourde de conséquences: cette ignorance de ce que nous sommes, de notre densité, de notre tension intérieure, nous interdit toutes rencontres avec le contenu de l’autre. Nulle curiosité, nul intérêt vrai, profond, pour un autre monde que le mien. Sans Moi d’ailleurs comment pourrait-il être un autrui? Plus aucune possibilité d’accéder à la présence intime de l’autre ! Sans «Moi», il n’y aura donc pas de «Toi»
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