Dieu dit alors : « Inutile de m’implorer davantage ! La seule chose qui leur reste à faire, c’est de se mettre en marche dans les flots ».
Nous pouvons deviner dans le texte biblique les terribles hésitations des Enfants d’Israël.
Mais en fin de compte, l’un d’eux: prit l’initiative et sauta courageusement dans les flots : « Lorsque les Enfants d’Israël se trouvaient au bord de la mer, les tribus rivalisaient les unes avec les autres pour ne pas pénétrer la première dans la mer.
C’est alors que Nahshon Ben Aminadav, prince de Juda, se leva et se précipita dans les flots. A ce moment-là, Moïse priait vers l’Eternel.
Dieu lui dit: ‘Mes bien¬aimés se noient dans la mer, et toi tu pries longuement devant Moi ?!
‘ Moïse répondit: ‘Mais que puis-je faire ?’ Il lui dit: ‘Parle aux: Enfants d’Israël et qu’ils avancent !’ ‘ » (Traité talmudique Sota, p. 37/a).
Nahshon n’a pas hésité et a plongé dans la mer ! Et c’est grâce à son mérite que le peuple tout entier a pu franchir la mer Rouge.
Pourquoi Moïse s’était-il contenté de donner un ordre, au lieu de donner l’exemple?
Et bien, précisément, parce qu’il s’agissait là de l’épreuve ultime du peuple hébreu: les flots ne se sont pas entrouverts instantanément.
L’eau leur est montée aux chevilles, puis aux genoux, à la taille, et enfin jusqu’au cou.
Mais ce ne que lorsque les flots leur sont arrivés au bord des lèvres que le miracle est intervenu !
A cette occasion, les Enfants d’Israël ont fait la preuve d’un suprême dévouement envers Dieu: il s’agissait d’une transfiguration profonde de la nature humaine, laquelle, égocentrique par nature, a pu s’élever là à un niveau de dévouement total pour le Créateur.
Cette révolution intérieure est le fondement de la révolution cosmologique des ordres de la nature, ainsi que l’explique le rav Kook (Lettres 1, p. 175).
Avant que la nature physique devienne intelligente et morale, il faut tout d’abord que la nature psychique de l’homme devienne intelligente et morale.
Le sommet de cette révolution sera couronné à la fin des temps par une victoire totale sur la mort, et par la résurrection des morts et la vie éternelle, grâce à la disparition radicale du mal.
Cette élévation sublime du peuple hébreu lors du passage de la mer Rouge, est la source même de ce cantique d’amour et de proximité avec Dieu que tous les Enfants d’Israël ont chanté.
En entonnant cet hymne en un plein choeur, ils ont élevé le « Cantique de la Mer » au niveau d’un chant prophétique, comme l’ont souligné nos Sages: « Une servante a vu [au moment de la traversée de] la mer, ce que n’a pas vu Ezéchiel ben Bouzi, le grand prêtre » (Mehilta Bechalah).
La totalité du peuple, et jusqu’au plus humble parmi les Hébreux, se trouvait alors à un degré prophétique que le grand prophète Ezéchiellui-même n’a jamais atteint!
Depuis ce geste courageux: d’un prince d’Israël, chaque homme de notre peuple, de génération en génération, est appelé à manifester, d’une manière ou d’une autre, sa « messirout Nefesh » – son dévouement- et son sens du sacrifice pour l’ensemble de la nation, pour la terre d’Israël et pour la Délivrance. ( ecrits du rav shlomo aviner )