Nous remarquons chez les Asmonéens, acteurs de la révolte célébrée à Hanoucah, une combinaison exceptionnelle entre deux dimensions vraisemblablement contradictoires : la bravoure et le mérite.
Avec la ruine du Premier Temple de Jérusalem, le peuple d’Israël perd son armée nationale, son indépendance et sa souveraineté et ce, jusqu’à l’avènement des Asmonéens au pouvoir. De retour en Eretz Israël, soixante dix ans après la destruction de la Maison de l’Eternel, les Juifs cohabitent avec les nouveaux autochtones sous autorité Perse, puis sous autorité Grecque.
L’origine de la révolte ne se trouvait pas uniquement dans leur seule volonté de libération nationale du peuple d’Israël, bien que, admettons le, cela réalisait en soi une exaltante finalité et une grande Mitsvah («commandement»), mais aussi et surtout se soulever contre les desseins assimilationnistes des Grecs.
Ils voulaient nous soumettre à leur «culture», c’est-à-dire leurs us et coutumes mus par une conscience absolument dépravée.
Les Grecs briguaient une double victoire : détruire l’esprit fidèle du peuple Hébreu et conjointement satisfaire leurs inclinations les plus basses.
Dans son étude sur la liturgie (Olat Râya, Vol. J, pp. 332-333), le Rav Kook met explicitement en lumière que l’on pouvait rencontrer des philosophes grecs voisins des «sentiers de la foi», sans contredire d’ailleurs l’idéal d’une tourbe grecque prônant la perversion, la corruption et la jouissance jusqu’à la lie des délices de la terre.
Notre plus mauvais souvenir reste la «loi du droit de cuissage», «Jus prima noctis», qui notifiait que les gouverneurs grecs devraient bénéficier de la virginité des nouvelles mariées juives au soir de leur nuit de noces. Le but: profaner le corps et l’esprit de celles qui portaient le devenir des Hébreux.
C’est du reste cette sinistre loi qui exhorta les Maccabim à se révolter, la fille de Matitiahou l’Asmonéen, avait choisi de se rendre au banquet de son mariage dénudée, durement critiquée par les invités, elle répondit qu’il ne s’agissait pas de sa nudité mais de sa pureté brisée. Ces hommes, ses frères en particulier, rougissaient de sa nudité présente mais ne rougissaient pas de la honte faite chaque nuit aux femmes d’Israël!
Maïmonide explique dans son «Traité des Huit chapitres (IV)» que les Juifs ne sont guère contemplatifs, il n’est point question d’abominer le corps humain, quant au Rav Moshé Haïm Luzzato, le Ramh’al, il nous explique, dans son introduction au «Sentier de la rectitude», que les plaisirs de ce monde-ci ne sont en aucun cas bannis, mais qu’il existe une légère distinction entre l’être ignoblement soumis aux sensualités de ce monde, sans aucune limite, et celui considérant ceux là uniquement comme le moyen de parvenir à un idéal des plus recherchés.
L’esthétique n’est pas une valeur en elle-même, c’est un outil permettant à l’homme de se sentir au mieux sur la planète Terre et ainsi de parfaire ses devoirs, d’affiner sa conduite. Comme le dit le Ramh’al, l’idéal humain est de faire le bien, et cela est son bonheur véritable.
A l’inverse, le plaisir, toujours éphémère, appelle sans cesse à plus de plaisirs, de plus en plus violents et dominants, lui et lui seul ouvre des plaies peu ragoutantes, comme ce fut notamment le cas lors du décret abject de «Jus prima noctis»!
Ces espèces d’«us et coutumes» sont sources de provocation et de conflit entre notre conception Juive du monde et celle des païens Grecs. Au final, ce sont les Hébreux qui ont remporté la victoire, à la fois sur le plan national et sur le plan spirituel.
Les assauts de Juda Macchabée ont été estimés avec un grand discernement, tenir bon avec quelques milliers de soldats non aguerris contre cent vingt mille mercenaires, il fallait être un éminent stratège!
Le fameux combat d’Emmaüs fut l’un des événements probants de sa carrière militaire, en effet il sut, à cette occasion, utiliser avec sagacité la topographie du sol, manœuvrer ses troupes avec une formidable mobilité et extraire le meilleur de tous les avantages dont il disposait.
Lors de cette légendaire aventure Juda Macchabée, son père Matitiahou, ses frères et leurs compagnons étaient tous pourvus, sans exception, d’une grande détermination, d’une grande vigueur et d’une grande aisance tactique. Conjointement, ils éprouvaient une foi loyale envers D.ieu, fréquentaient une sainte et saine société qui leur permettait d’étudier les saintes écritures et d’être versés et bercés par la Torah d’Israël.
Nous distinguons chez ces Asmonéens une osmose assez exceptionnelle: celle de la félicité, de la droiture des mœurs et de la pensée, de la grandeur d’âme associées au courage et à la force.
Retenons que d’ordinaire, et ce tout au long des générations, les genres humains confrontés au peuple d’Israël furent rarement porteurs de ces deux valeurs à la fois.
Quant aux Juifs religieux, scrupuleux et intègres, ils étaient généralement vulnérables et passifs, les hommes vigoureux et puissants étaient en général loin de connaître l’éclat d’âme des Sages et des Justes.
Pourquoi cette dichotomie ?
L’exil avait annihilé toutes les forces vives de la nation, il ne restait aux miséreux Juifs qu’un combat, celui de survivre physiquement ou bien religieusement, unique inquiétude qui se devinait ici chez les uns ou chez les autres.
Il est surprenant que face à une telle déchéance incessante, des hommes courageux et d’autres d’une grande sainteté soient parvenus à se sortir du lot et réussirent à honorer le nom d’Israël.
Vouloir rassembler ces deux ressources simultanément restait une visée chimérique pour un peuple en exil.
Tout au long de notre Histoire nationale et collective, de ses origines jusqu’à la période des Asmonéens, cette double capacité fut un label déterminant pour la majorité des illustres héros qui dirigèrent les chroniques des Hébreux.
Le Livre des Maccabim dont l’auteur demeure inconnu, nous raconte avec probité les annales de cette époque tourmentée, Juda Macchabée y est comparé à un lion d’une force indomptable quand ses compères incarnaient la vigueur et la résolution. Car sinon comment appréhender la victoire d’une poignée d’hommes sur une armée grecque impitoyable, le petit peuple réussit à décontenancer et faire battre en retraite une puissance qui, à cette époque, allait de victoire en victoire à travers le monde.
Toutefois, après ce triomphe on s’attendait à des réjouissances où l’on aurait festoyé et fait ripaille, tel ne fut pas le cas, les Asmonéens préférèrent dédier les premiers moments de libération nationale à la réparation du Temple de Jérusalem, humilié et saccagé par les forces grecques.
Au lieu de fêter leur victoire dans la débauche, ils estimèrent urgent de rétablir la lumière de la spiritualité du peuple d’Israël, cette flamme provenait d’une seule source, celle de la Torah qui, sous la dictature hellénique, fut insidieusement mise en berne.
Dans son ouvrage, Ner Mitzva, le Maharal de Prague affirme que le miracle de Hanoucah établit une espèce d’attestation divine révélant que l’épopée glorieuse des Maccabées était non seulement un énorme succès militaire, mais aussi le résultat d’une assistance de la Providence.
Assurément, toutes les phases de ce soulèvement triomphateur sont épluchées et analysées par les stratèges et les politiques de l’Histoire, mais envers et contre tout, le Projet divin demeure omniprésent dans le tissu complexe de l’existence humaine.
Ne négligeons point un fait important, à cette époque le peuple d’Israël vivait quantités de discordes en son sein, de nombreux adversaires s’opposaient aux Asmonéens et jugeaient leur démarche totalement irréfléchie, périlleuse et vouée au pire.
Même lorsque les soldats hébraïques s’en sont retournés tout couronnés de succès, on remarquait encore des médisants et autre donneurs de leçon, jugeant la victoire contre l’oppresseur grec comme une méprise et prétendant que celle ci n’était rien de plus que la conséquence d’un chanceux concours de circonstances.
II était donc indispensable et nécessaire de clouer le bec aux corbeaux diffamateurs, c’est à ce moment là et de manière opportune que l’Eternel apporta ouvertement son soutien.
Avec le miracle de la fiole, le Créateur voulut nous instruire sur la dimension spirituelle des évènements guerriers vécus par les Maccabées.
II devait convaincre le peuple tout entier qu’il avait lui-même contribué au combat de ces héros, particulièrement pour leur bravoure et leur sens tactique.
Il s’agit en fait d’un seul et même miracle, Hanoucah c’est cette « lumière » qui vibrait au plus profond de la conscience de Juda Macchabée et de ses soldats.
Leur chef était indiscutablement lucide, il n’était pas moins pragmatique que tous les hésitants, il connaissait mieux que quiconque les réalités du terrain. Il avait, à en croire le Livre des Maccabées (IV, 7; IV, 29), ouï dire ce genre d’inconstance, de la bouche même de ses soldats. Sa vision embrassait les nombreuses générations à venir, il expliqua à ses hommes que si le «rationalisme» avait dû diriger l’Histoire d’Israël, jamais nous n’aurions pu incarner Israël, sortir d’Egypte et David n’aurait sûrement pas terrassé Goliath, un triomphe utopiste par excellence …
En bref, dit Yehouda Maccabi nous ne pouvons que nous incliner devant tant d’évidence, notre vécu est métahistorique, en d’autres termes, nous réalisons notre Histoire humaine animés par une confiance indélébile en l’Eternel.
En effet, affirme t-il, notre fidélité à D.ieu n’est pas un de ces thèmes usités de la pensée littéraire ou philosophique où la spéculation des idées en deviendrait divertissante, nous parlons d’événements tangibles et vécus nécessitant une attention particulière aux desseins guerriers et diplomatiques.
Depuis la conclusion du manifeste prophétique, voila qu’un homme se levait et déclarait que la confiance en D.ieu restait une donnée patente et c’est à cette source qu’il nous fallait assouvir notre soif des lendemains.
Juda ne sollicita jamais tous ces infâmes conseillers, il se lança corps et âme dans une laborieuse bataille où le mot fin n’avait rien de précis.
Il savait que bien des événements étaient définis indépendamment des actes contingents; dans une bataille le chiffre n’est pas la norme essentielle, l’opiniâtreté, la volonté, la conviction, le moral de l’armée et l’espérance ont un impact considérablement plus puissant sur la menée des événements.
Le Talmud pose la question suivante : Pourquoi ne dit-on pas le Hallel [cantique de joie] à Pourim, alors que nous l’entonnons à Hanoucah?
La réponse est sans ambigüité: à Pourim, le miracle eut lieu en exil (la Perse), quant à Hanoucah, le miracle advint en Terre d’Israël.
En ces périodes de troubles, de confusions et de pressions professées à notre égard par la communauté internationale, il nous faut surtout, ne pas plier le genou devant des ennemis féroces et des amis faibles et intéressés. Il nous faut tout au contraire décupler nos résistances et pousser notre fidélité vers nos convictions, vers notre vérité intérieure.
Yehouda Maccabi nous montra la voie du courage, de la détermination et de la foi inébranlable.
L’une des activités primordiales des prophètes était indubitablement de nous enseigner à saisir le fil d’or de la Providence divine entortillé dans les événements, en un mot: à déchiffrer le manuscrit du Projet divin. Durant prés de deux mille ans, malgré nos larmes et le sang versé en exil, de toute part, le miracle de Hanoucah resta présent à notre bon souvenir.
Ainsi gardions-nous l’eternel espoir de revivre un jour sur notre Terre, tous ensemble au milieu de la foi et du courage. Merci mon D.ieu, nous revoilà sur la scène de ton Histoire, plus vaillants, plus déterminés, plus confiants et t’aimant plus que jamais.
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