Il y avait foule, ce matin-là, sur le quai du tramway à Jérusalem. Etonnant, certes, au vu et su des nombreux convois de ces débuts de journée, transports incessants des masses laborieuses et étudiantes. Quand il pointa son nez tous se mirent en position de pénétration, attendirent le signal d’ouverture des portes et malgré eux durent d’abord laisser sortir les oppressées à l’air libre. Les wagons toujours bondés cédèrent aux nouveaux une niche délétère où ils s’engouffrèrent à contre cœur. Personnellement je m’y refusais, rien au monde ne pourrait m’obliger à vivre un tel entassement accablant et tyrannique. Les portes se refermèrent tant bien que mal sur leurs compartiments, j’attendais impatient le tempo, signal de son départ, espérant un nouveau tram plus humain. Mais rien! Il restait à quai, les portes se rouvrirent, le conducteur apparut cherchant vraisemblablement à résoudre un problème, une panne, lui interdisant de poursuivre. Les masses, elles, demeuraient ensemble, serrées les unes contre les autres, nul ne s’étonnait, nul ne questionnait, nul ne sortit se rendre compte, nul ne rouspétait, nul ne se révoltait, tous restèrent bien en place dans ce gouffre déshumanisé. Durant plusieurs minutes les portières s’ouvrirent et se fermèrent, le conducteur, lui, vérifiait consciencieusement la machine qui devait transporter les masses à bon port. A l’intérieur des wagons, même soumission, même renoncement, seules deux personnes réussir à s’extraire du lot docile et servile. En passant près de moi elles me déclarèrent, abattues: « c’est irrespirable!!». Aucune autorité humaine ou animale n’avait pourtant limité le libre arbitre de chaque-un! Les larmes m’envahirent, la peine me contristait, nous étions le 22 novembre 2021 et devant moi ces scènes impensables, inimaginables, étaient d’un réel affligeant, d’un message dramatique et d’une nature misérable. Les portes se refermèrent enfin, le tempo résonna et le convoi s’élança sur ses rails. Un autre tram arriva, pratiquement vide, je trouvais un siège, je m’assis songeur, attristé, dépité par une condition humaine inexorablement déterminée!Le peuple d’Israel est prisonnier de la sacralisation du consumérisme, de la religiosité radicale, du nationalisme fondamentaliste et d’autres plus encore… Peut-on s’opposer à la dictature de tous ces phénomènes qui assèchent l’âme démocratique d’Israel? Le tout jeune français de 18 ans, Etienne de la Boétie, nous a laissé un message empli d’espoir : «Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres»! Il est clair pour moi qu’il a délibérément pensé à composer cet ouvrage anarchiste pour la résistance civile. Son livre sera ensuite publié comme un appel à la rébellion civile (« Ralph Waldo Emerson » et probablement aussi « Henry David Thoreau » se sont inspirés en grande partie de ces écrits quand ils ont promu leurs réflexions à ce propos). Encore aujourd’hui, il est permis et il faut le dire à haute et intelligible voix: si vous refusez d’accepter tout aveuglément, si vous ne tenez absolument rien pour acquis, alors vous serez témoins de l’effondrement, comme un château de cartes, de ces pouvoirs annihilants.