Au lendemain de notre quatrième élection nationale en moins de deux ans, demandons-nous si ce tohu-bohu politique, cette saga dramatique va se poursuivre. Contre vents et marées, l’ex Premier ministre, déféré devant la justice, insiste lourdement à reprendre le pouvoir, durant son propre procès pour malversation.
Soyons judicieux et affirmons qu’il s’agit en vérité d’un mélange des deux. Le système électoral israélien est depuis belle lurette en retard, de plus d’un train, concernant une véritable réforme, lucide des intérêts du peuple. La mise en examen de Mr Netanyahu avait laissé notre système judiciaire et politique paralysé depuis un long moment, et malgré une crise pandémique bien gérée, tout entier en péril socio-economique. Il serait de bon aloi, dorénavant pour les politiques en Israël, de prendre des mesures radicales à même d’endiguer une hémorragie de la gouvernance qui dure depuis bien trop longtemps.
Même si Mr Netanyahu n’a jamais été jugé et condamné, le système israélien aurait sérieusement besoin d’un nettoyage de pâques et d’une réelle sortie d’Egypte.
Depuis 1996, Israël a tenu des scrutins nationaux tous les 2,3 ans, les élections anticipées sont monnaie courante dans les démocraties parlementaires. Le classement range Israël au premier rang des pays, dotés de systèmes similaires, tels que l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Italie.
Les coalitions de partis multiples deviennent indispensables à toute formation de gouvernement, elles sont aussi, cet agent inhérent à toute précarité politique. Il y a un certain temps, déjà, que les deux partis traditionnellement au pouvoir, les travaillistes et le Likoud, perdent du terrain parmi les masses. Le premier en particulier s’est tristement réduit à une peau de chagrin depuis le milieu des années 1990. La quantité de partis présents à la Knesset, nombre exigé pour établir un nouveau gouvernement, s’est fatalement accrue.
Si le retour au scrutin actuel en 2003, après une sordide tentative de suffrage universel pour le Premier ministre, a quelque peu réduit le nombre de partis représentant les Israéliens dans leur parlement. Aujourd’hui, fin juillet 2022, il n’y aura pas moins de neuf factions pour siéger au Parlement, les bulletins de vote des quatre élections précédentes racontent l’histoire de la campagne électorale actuelle. La Knesset des « partis pris » témoigne pour la cinquième fois, de l’impasse politique, du scandale d’un état déliquescent, d’un peuple sans chef affiché, d’une démocratie désuète.
Concrètement, cette crise, cette incertitude, dépouillent un système politique meurtri, livrant chaque Premier Ministre à la vindicte des élus, à une vulnérabilité, au chantage politique de ses partenaires de coalition, le forçant à la capitulation devant les petits spéculateurs représentant l’infinitésimal du public israélien. Tout cela se faisant dans un souci de conserver une sacro-sainte ‘majorité’ de 61 sièges, de pouvoir demeurer en fonction et gouverner.
Autre « Commedia dell’arte », les nominations de ministres!!
Elles ne se font guère sur une base de compétences, de qualifications, ou tout du moins comme représentants d’une frange non négligeable de la population, mais comme des avantages accordés pour mieux garder ceux qui pourrait menacer la coalition et le mandat du Premier ministre. Malgré tout, ces ministres sont souvent déménagés, ou démis de leurs fonctions, avec un préavis de plus en plus à court terme, pour assurer les derniers besoins politiques du Premier ministre ou de ses partenaires.
Plus imbuvable encore!
Ces éléments assez radicaux, et souvent jusqu’au-boutistes de la société israélienne, se verront garantir un siège à la table du cabinet ou du moins, à la présidence de certaines commissions de la Knesset où leurs idéologies pourraient devenir la politique selon laquelle les Israéliens devraient vivre.
Les conséquences de ces états de fait sont encore plus sombres.
Tout ce qui est de près ou de loin sujet à controverse est repoussé, par crainte de bouleverser la subtile stabilité de la coalition. Concernant les questions économiques et sociales, l’agenda à long terme est rarement tenu, et les différends, exigeant une coopération entre les ministères et les agences gouvernementales, sont régulièrement remis aux calendes grecques. Les questions les plus cardinales, comme l’élaboration d’une constitution ultime pour le peuple d’Israël et l’engagement d’un débat nécessaire à propos des rapports entre la religion et l’État, sont abandonnés, laissés orphelins, nulle esquisse d’un nouvel ordre du jour.
Voici un exemple récent: la Haute Cour de Justice a légiféré, l’année dernière, sur la validité des conversions non orthodoxes en Israël après que les juges, quinze années durant, ont sollicité la Knesset afin d’adopter une législation prenant position à ce sujet. Mr. Netanyahu, Premier ministre durant douze ans, a nommé de nombreuses commissions qui ont toutes proposé des compromis largement acceptés, mais en raison de son alliance avec les partis ultra-orthodoxes, cette question fut de tous temps, également écartée.
Nombreux sont-ils à nous mettre en garde: si la législation israélienne consent à son gouvernant de poursuivre l’exercice de ses fonctions malgré une inculpation, les effets secondaires dus à une telle situation livreront le pays à une absurde et impuissante gouvernance.
Poussons le bouchon de nos questions encore plus loin.
Serait-il possible d’envisager une seule raison pour laquelle Israël se dirige encore et encore vers d’autres élections?
Mr. Netanyahu n’ayant toujours pas obtenu gain de cause, grâce à une coalition qui mettrait un terme à ses problèmes juridiques, le jeu politique doit se poursuivre! Le souffre-douleur imminent à cette réalité est la fonction publique du pays, où les charges essentielles des hauts fonctionnaires sont laissées vacantes, car le chef du gouvernement vise des candidats qui, selon lui, seraient dévoués à sa cause, ou bien, par défaut, accepter le rôle de marionnette au creuset de l’échiquier politique. Pour toutes ces mêmes raisons, les citoyens israéliens continuaient de faire face à l’une des pires crises économiques de l’histoire du pays, sans budget d’état adopté par le gouvernement et la Knesset depuis 2018. Heureusement l’interlude du gouvernement Benett remis à flot, autant que faire se peut, un navire qui prenait l’eau.
Une telle conjecture pourrait bel et bien porter un coup fatal à la démocratie israélienne. Si et je dis bien si, Netanyahu réussit à former un gouvernement de coalition constitué de partis consentants à ce qu’un Premier ministre reste en fonction alors qu’il demeure justiciable pour corruption, nous nous engageons sur une voie risquée. Il y aurait une réelle possibilité que ces derniers cherchent à faire avancer une législation accordant l’immunité à Netanyahu ou retarde son procès jusqu’à ce qu’il soit démis officiellement de ses fonctions. Ensuite, si la Cour suprême annulait cette loi comme étant dérogatoire, cela offrirait à la Knesset l’occasion de casser la décision de la Cour. Avec un seul parlement et une branche législative, dans laquelle – à dessein – le gouvernement détient la majorité, une clause de dérogation de grande envergure supprimerait en fait le seul véritable contrôle qui existe sur la branche exécutive d’Israël.
Donc, que pouvons-nous faire?
Premièrement, cette réalité a prouvé qu’un Premier ministre ne peut pas simultanément remplir son devoir d’élu tout en étant également jugeable.
Une telle législation peut ne pas exister dans d’autres démocraties, Israël a besoin d’une sorte de mécanisme juridique obligeant un Premier Ministre inculpé à démissionner ou à se suspendre temporairement de ses fonctions, jusqu’à ce que son nom soit blanchi au tribunal, ou encore il soit condamné.
Indépendamment du fait des éventuels changements ci-dessus, apportés ou non, les arguments en faveur d’une réforme électorale en Israël sont plus clairs que jamais. Le désordre de ces dernières années aurait pu être évité si deux réformes politiques fondamentales avaient été mises en œuvre.
Premièrement, si seul le plus grand parti à la Knesset formait la coalition au pouvoir grâce a un scrutin majoritaire pour le chef de l’executif. Cela remplacerait la loi actuelle selon laquelle le président charge le député qui, selon lui, a les meilleures chances de réussir à constituer une coalition.
Une telle loi éliminerait le chantage politique des petits partis qui exigent désormais un paiement initial en échange de la recommandation du président.
Cette réforme inciterait également les Israéliens à voter pour un parlement composé de deux principaux partis politiques, ainsi que d’un nombre beaucoup plus restreint de partis satellites. Lors des élections 2019-2020, cette théorie a été mise à l’épreuve lorsque, dans leurs campagnes, Netanyahu et Benny Gantz ont assuré aux électeurs que le chef du plus grand parti à la Knesset formerait le prochain gouvernement. Ce ne fut pas techniquement vrai, mais les Israéliens pensaient qu’un vote pour les grands partis déterminerait le poste de Premier ministre, cela a abouti au plus grand nombre de sièges pour seulement deux partis au parlement depuis le début des années 1990.
Deuxièmement, une fois en place, un nouveau gouvernement ne devrait pas exiger un vote de confiance pour commencer son mandat. Une fois la coalition formée par le chef du plus grand parti, le nouveau gouvernement devrait se mettre au travail – en évitant le genre de postures et de demandes déraisonnables trop souvent proposées par les partenaires potentiels de la coalition. Comme c’est le cas dans la réalité actuelle, une telle administration ne bénéficierait pas d’une majorité automatique sur sa législation, le besoin de coalitions ad hoc pourrait en fait forcer les gouvernements israéliens à sortir des sentiers battus, et non à avancer avec une rigidité dogmatique sur tous les problèmes, afin qu’ils finissent par mettre en œuvre de véritables réformes auxquelles aspirent une majorité d’Israéliens.
La jeune démocratie israélienne a déjà enduré d’innombrables guerres, des assassinats politiques, des attentats de civils innocents et une société fragmentée et souvent divisée, il ne fait aucun doute que les trois dernières années ont constitué la pire crise politique du pays. Ce système électoral a été mis en place lors de la création de l’État, et la réforme attendue depuis si longtemps semble maintenant avoir mis le pays dans une impasse; une situation où une fonction publique forte garantit au moteur diplomatique et économique de fonctionner de manière neutre, sans leadership avant-gardiste capable de mettre en œuvre des plans pour faire avancer Israël dans un monde de plus en plus difficile.
Ajoutez à cette réalité un Premier ministre ne reculant devant presque rien pour assurer son siège, il devient trop clair que le pays a cruellement besoin des réformes décrites ci-dessus. La question est maintenant de savoir s’il y aura une constellation politique et un leadership capable de garantir de tels reformes fondamentales.