Israël est unique parmi les démocraties occidentales – il dispose d’un pouvoir juridique autoproclamé qui est à la fois législateur, exécutif ainsi que rédacteur et créateur d’une pré constitution pour le pays.
Cet énorme pouvoir prospère sans aucun contrôle, contrepouvoirs ou supervision absolue.
En conséquence, les réformes débattues depuis près de trois décennies vont pouvoir commencer à prendre forme et se concrétiser. Après presque trois ans de chaos politique, alors qu’Israël a intronisé son nouveau gouvernement de droite, la réforme juridique est devenue une question clé de la coalition. Parmi les réformes soumises à l’administration, figurent des modifications du système de nomination des juges, une délimitation claire des conditions dans lesquelles la Cour suprême peut annuler des lois et une clause dérogatoire. Cette dernière permettrait à la Knesset d’adopter une loi annulant une décision de la Cour suprême annulant la loi.
‘L’establishment’ juridique et ses alliés, en grande partie de la gauche politique israélienne, assure que ces réformes provoqueront la mort de notre démocratie et la fin des droits des minorités.
En vérité, ces réformes sont indispensables pour rétablir un équilibre foncier dans le système politique israélien, car, durant des décennies, sur presque toutes les questions de la vie politique, le pouvoir ultime fut, de facto, entre les mains de l’aristocratie juridique autoentretenue et non élue. Elle prétend diriger le pays, au nom du bien suprême, non selon une loi édictée par les élus du peuple, mais selon sa propre sacro-sainte vision.
« Commissaire politique » ! Tel est le paradigme de base à travers lequel la « nomenklatura » juridique voit son rôle.
Les juges et les conseillers juridiques se considèrent comme l’avant-garde de la défense de la démocratie israélienne, refoulant les « barbares » de toutes approches.
En ce qui nous concerne, nos députés à la Knesset et nos politiciens complotent ardemment ou peuvent, ni plus ni moins, être facilement tentés de limiter ou d’ignorer les libertés civiles fondamentales et les droits de l’homme. Alors que tout système démocratique exige des freins et contrepouvoirs entre ses pouvoirs, la doctrine du « gardien » a un effet pernicieux et corrosif sur la démocratie israélienne. Au lieu de servir de représentants des citoyens, les élus sont considérés avec méfiance et dédain.
Comme aiment à le dire les partisans du statu quo : la démocratie n’est pas seulement la règle de la majorité ! La démocratie n’est peut-être pas uniquement la règle de la majorité, mais elle est avant tout, et fondamentalement, la règle de la majorité.
Plutôt que de servir de freins dans les circonstances extrêmes, les « gardiens » se sont érigés en souverains alternatifs aux citoyens et à la Knesset.
Malgré tous les discours sur les freins et contrepouvoirs, les citoyens israéliens se retrouvent avec une Knesset faible et une Cour suprême presque omnipotente et omniprésente. Une règle fondamentale de la démocratie demande que chaque pouvoir doit être contrôlée et limitée.
Ces limitations existent déjà vis-à-vis de la Knesset.
Chaque gouvernement en Israël est composé d’une coalition de plusieurs partis, chacun ayant ses propres intérêts et visions du monde. La nature de la politique de coalition est faite de compromis et de concessions mutuelles.
De plus, la Knesset et l’exécutif sont limités par les élections et sont directement responsables devant les citoyens israéliens, qui peuvent faire campagne, protester ou descendre dans la rue.
Si la Knesset adopte des politiques qui restreignent les droits du peuple, ils seront rapidement expulsés lors des prochaines élections.
Cela contraste avec la Cour suprême.
A l’abri de la responsabilité populaire, elle ne fait face à aucune conséquence pour la législation juridique ou la création de politiques. Son rôle omniprésent dans l’arène politique israélienne est une histoire (ou une tragédie) racontée à plusieurs reprises.
Lors de la fondation d’Israël, on a adopté le système parlementaire originaire du Royaume-Uni. Contrairement aux Américains, le pouvoir exécutif siège et est choisi au sein du parlement. Semblable au Royaume-Uni, un principe de ce système est la suprématie parlementaire, ce qui signifie que la Cour suprême n’a pas le pouvoir de contrôle juridique et ne peut pas annuler la législation.
Le rôle de la Cour suprême est de résoudre les différends spécifiques entre les parties et de veiller à ce que le gouvernement respecte la loi. La Knesset est le lieu des décisions politiques.
Jusque dans les années 1980, cette institution s’est abstenue d’intervenir dans certaines questions, en s’appuyant sur la doctrine de la « justiciabilité ».
Cette doctrine signifiait qu’il y avait certaines questions pour lesquelles le tribunal n’avait aucune expertise, pour lesquelles aucun paramètre juridique n’existait et pour lesquelles une intervention juridique serait inappropriée.
Les questions non justiciables comprenaient les décisions politiques, les questions politiques, les procédures interparlementaires et les affaires étrangères. Le tournant crucial a été la décision Ressler de 1988, où la Cour a invalidé la politique du ministre de la Défense consistant à exempter les étudiants ultra-orthodoxes de yeshiva du projet de Tsahal. Elle avait précédemment jugé la question comme étant une question politico-sociale et non justiciable.
Le juge Barak a expliqué qu’il n’existe pas de vide juridique et que toutes les questions sociales ont des réponses juridiques. Comme la Cour a limité l’utilisation de la non-justiciabilité, elle a élargi la doctrine du ‘caractère raisonnable’. Dans le même temps, elle s’est débarrassée de l’exigence de « qualité pour agir », ce qui signifiait que seules les parties directement concernées pouvaient saisir la Cour. Cela a créé la porte ouverte aux ONG et à divers « protestataires publics » contre les lois et les politiques auxquelles ils s’opposaient.
La Cour a commencé à se prononcer sur des questions diverses : le montant investi par le gouvernement dans les abris anti-bombes près de la frontière de Gaza, la mise en place d’une enquête publique sur les échecs de la Seconde Guerre du Liban et la voie appropriée pour la barrière de sécurité de Judée-Samarie.
En 1992, survient l’étape critique de l’activisme toujours croissant de la Cour avec l’adoption de la « loi fondamentale sur la Dignité humaine et sa liberté « et la « loi fondamentale sur la Liberté d’activité ». Il s’agissait des premières ordonnances destinées à servir de base à la future constitution d’Israël consacrant les droits de l’homme, les lois fondamentales antérieures ne faisaient qu’énoncer le fonctionnement institutionnel.
Le juge suprême Aharon Barak annonça qu’une « révolution parlementaire » s’était produite, dorénavant, celles-ci auraient un statut constitutionnel et donneraient au tribunal le pouvoir d’annuler toutes lois qui leur seraient contraires. A SUIVRE…