Certains affirment qu’il devient de plus en plus difficile d’aimer ses frères Juifs, ou plus précisément, il devient de plus en plus difficile d’aimer ces Juifs qui ne nous ressemblent guère.
Nombreux sont-ils parmi les orthodoxes à estimer que le reste de la communauté juive est obnubilée par le dénigrement de l’orthodoxie et l’abandon de la Torah.
Les non-orthodoxes estiment que l’État d’Israël, sous l’emprise des orthodoxes, refuse toute autre forme de Judaïsme tout en devenant la proie d’une politique communautariste.
Les porte-paroles officiels de l’orthodoxie exhibent une caricature grossière des différentes mouvances au sein du Judaïsme.
Chaque minorité juive se pose en victime de tous, d’une part, mais d’autre part, et dans un même temps, ne se gêne pas pour les agresser toutes. Liaisons dangereuses pour un devenir commun. Les victimes peuvent cultiver leur rage sans fin, et demander réparation sans souci. Si chaque Juif persiste à vouloir revendiquer son seul particularisme, sans aucune adhésion, pleine et entière, au mouvement national, il accroîtra sa souffrance d’état victimaire.
Dans une telle conjoncture sociale et politique, si nul n’y remédie, nous allons une nouvelle fois vers le fratricide.
Quand les différences se vivent impitoyablement aspirées dans le creuset commun, ou contraintes d’abandonner leurs spécificités, alors, le ressentiment s’installe parfois, produisant, ainsi, l’effet inverse de celui escompté : le refus à retardement de s’intégrer davantage.
Par ailleurs, devenir le citoyen à part entière de son pays répond à une quête inlassable et voulue, cela suppose donc d’oublier son exil et réprimer, en soi, ce vouloir comparer l’incomparable.
Quelle que soit la profondeur de nos blessures,
Quelle que soit la force de la rhétorique,
Il n’est jamais trop tard pour prendre du recul, pour affirmer notre unité et notre désir de lien au ‘tous ensemble’. Au service de l’unité d’Israël, dans l’intérêt de Tsion, je m’offre quelques réponses à quelques-uns de mes principaux ressentis victimaires. Ils affligent tout ou partie de notre peuple aujourd’hui, bien que la réalité des choses ne soit pas aussi mauvaise qu’il y paraisse subjectivement.
Le Judaïsme séculier, en revanche, occasionna et généra un fort engouement et une énorme innovation dans la propension à plus d’égalité et dans la mise en œuvre de la sagesse du Judaïsme auprès des multiples maux, sociaux et intellectuels, pressants de notre quotidien. Ses travaux ont eux aussi abouti à des traductions et à des éditions critiques du Midrash, de la Pensée juive et de la Théologie et utilisent la connaissance laïque pour accroître notre entendement de l’existence et des valeurs juives.
Ils créent et produisent de nouvelles approches des études juives qui n’émergent pas forcement de l’apprentissage du ‘Daf Yomi’ (étude quotidienne du Talmud). Ces rabbins, ces maitres, ces professeurs, personnalités connues et respectées dans nombre de grandes communautés, auteurs d’une littérature originale et créative, contribuent promptement à façonner les organisations et les réponses des populations juive et non juive.
Un membre influent de la communauté juive profane, qui milite actuellement pour la levée de la ségrégation des femmes dans les bus, déclare ne vouloir tout simplement que des droits égaux pour l’ensemble des Israéliens.
Les calendriers des différentes communautés semblent divers et leur pratique du patrimoine culturel semble très éloignée.
Avons-nous dorénavant, et encore, quelque chose en commun?
Il existe deux manières nécessaires de considérer l’unité d’Israël: l’héritage et la vocation.
Notre patrimoine: les éléments constitutifs à partir desquels nous construisons notre identité juive sont identiques.
Nos racines sont les mêmes, même si nous clarifions notre compréhension à travers différents objectifs contemporains.
En cela, l’unité d’Israël est rapidement apparente.
Celle-ci est également claire en termes de vocation : nous partageons un avenir commun, les antisémites renommés ne font guère de distinction entre tel ou tel juif.
De graves défis nous interpellent, et nous confrontent : la gouvernance et la souveraineté d’un Etat d’Israël Juif et démocratique, sauver les communautés de Diaspora, défendre, en tout temps et lieux, les Juifs opprimés, renforcer les liens entre les communautés juives et le Judaïsme… Ils demeurent des questions parmi tant d’autres qui transcendent les frontières de ‘l’appellation contrôlée’ ou non.
Soit nous aborderons ces problèmes ensemble, soit nous échouerons ensemble, nul n’est à l’abri des défis et des discordes de notre époque, notre destin reste concrètement entre les mains de chaque-un, c’est-à-dire qu’il relève d’une responsabilité collective.
Beaucoup parmi nous déclarent régulièrement qu’il devrait y avoir une unité dans notre pays, arguant qu’en raison d’un manque d’harmonie, nous subissons les conflits et les tensions.
Mais parfois je me demande si les gens comprennent vraiment ce qu’ils disent.
Je pense qu’un certain nombre de personnes confondent sérieusement l’unité avec l’uniformité. Les deux sont en fait très différents dans leur valeur et sens.
À mon humble avis :
L’uniformité représente le passé: dictature, restrictions sociales et manque de démocratie.
Elle ne tient pas compte des différences d’idées, de croyances, de formes et de couleurs. Au lieu de cela, elle cherche à éliminer toutes les diversités en créant une société «unique». Le système d’uniformité repose sur la force pour provoquer un changement ou atteindre certains objectifs. Dans les cas extrêmes, cela signifie utiliser la violence pour atteindre un objectif particulier. L’un des aspects de cette thèse est d’exiger qu’une autre partie change ou se conforme afin de parvenir à un accord, à la paix ou à la prospérité. La conformité ne permet ni négociation ni compromis.
En revanche, l’unité valorise les différences.
Elle reconnaît que les gens ont des croyances, des cultures et des opinions politiques différentes. Cela envoie le message que, même si nous sommes différents à bien des égards, nous pouvons travailler et vivre ensemble de manière avantageuse pour nous deux. L’homogénéité authentique est basée sur les valeurs démocratiques, l’ouverture d’esprit et le concept de multiculturalisme. La cohésion est un environnement stimulant où tous cohabitent harmonieusement et reposent sur les principes d’égalité et de respect mutuel.
Etre totalement dépossédé du sentiment d’unité humaine interpelle un sujet essentiel, la légitimité de l’altérité pour l’altérité. Il s’agit d’une réponse contre toutes les hégémonies, la raison actuelle parvient lentement à reconnaître que la conscience d’autrui se fonde sur l’obligation de vivre mon prochain et sa différence.
Mis face à face avec notre ordinaire, avec les maux du racisme, du communautarisme, de la religion et du politique, nous sommes devenus très irascibles quant à la déférence due à cette différence.
L’autre, sous couvert de couleur, de formes, de croyances, doit pouvoir s’exprimer parmi nous. Refusons d’émettre toute sorte de sentence vindicative. Sinon les effets seront terribles et la sécession engendrée par la couleur de peau, la foi, l’accent, la culture, les manières de vivre… source de violence. La diversité doit être accueillie pour ce qu’elle est, reçue comme un fait, de la même manière que nous admettons les réalités de notre univers, aussi plurielles soient-elles, au sein de la Nature. Par la seule variété des instruments, des sons et des accords, le concert devient l’œuvre harmonieuse par excellence.
Ce sont les contrastes qui offrent à l’image, au tableau, le reflet d’un ensemble soutenant le beau, la richesse, la densité, la gaieté et la vie.