Au début de la leçon enseignée le soir du Shabbat du 30/09/23, le grand rabbin d’Israël (?!) Yitzhak Yosef a prononcé un certain nombre de paroles, au cours desquelles il a sévèrement critiqué la communauté laïque en Israël et a affirmé: « Ils nous envient, je vois tout ce qui se passe dans le public laïc. Ils sont dangereux. Ils n’ont aucune satisfaction dans la vie. Tout cela à cause de leur appétence pour ce monde », a déclaré le rabbin. « Une personne qui ne mange pas casher, son cerveau devient stupide. Des organisations qui les amènent au repentir, c’est ce qu’il faut. Ils nous envient. »
Il n’est pas nécessaire d’être un grand clerc en psychologie pour rappeler que ce mépris de l’autre n’est que le reflet du mépris de soi. Et il est étonnant de voir que l’arrogance des « commissaires – inquisiteurs » (rabbins de toutes sortes) cache, de manière incorrecte, une profonde souffrance existentielle. À mon humble avis, le dogmatisme est toujours un substitut à ceux qui ne sont pas sûrs d’eux-mêmes. L’agressivité verbale ou physique, dans n’importe quel domaine, est en effet une attitude infantile qui ne peut se situer que dans le déni d’autrui. Les militants fondamentalistes, pour quelque raison que ce soit, sont toujours narcissiques, impuissants, ayant besoin du soutien de leurs camarades conformistes pour assurer leur existence et vice versa. Ils sont obsédés par la pratique rituelle de la classe rabbinique, mais, à Dieu ne plaise, jamais par l’exigence constitutionnelle de la Torah qui traite de la renaissance du « peuple » à Sion, jamais par une exigence législative et une recherche qui traite de la dimension nationale! Ces héros, dont la foi est présentée comme la seule et unique vérité, sont totalement incapables d’être attentifs aux forces volcaniques souterraines qui réveillent, en profondeur, le corps social de la religion et de sa croyance, et transpercent de plus en plus l’épaisseur de la religion, membrane de la doxa orthodoxe. Dans ce contexte, ces « justes incroyants »: (traité de Sota dans TB 18B) : C’est-à-dire ceux qui observent pieusement et religieusement toutes les mitsvot, mais qui se considèrent néanmoins comme des exilés de l’histoire. Ils refusent de croire que l’exil se termine et donc que des concepts tels que peuple, nation, pays sont des concepts bibliques erronés qui ne s’identifient nullement avec leur religiosité cultuelle, démonstrative.
Ils ne laissent aucune place à l’introspection, ne savent pas s’extirper de leurs certitudes, ne sont pas attentifs à ce qui se passe réellement dans leur monde. C’est-à-dire faire une révolution dans le regard, savoir localiser le lieu où les mots, les actions et les paroles trouveront une correspondance plus synchrone dans le temps et dans l’espace. C’est-à-dire une revendication a priori, non pas une loi rigide conditionnée à une obéissance à sens unique ou plus précisément une exigence morale et consciencieuse stricte, mais un dialogue honnête et constructif rétrospectivement qui permet de parvenir à un accord, d’une manière ou d’une autre, à un compromis compréhensible par et pour tous. Le juif est revenu dans son pays, nous sommes à nouveau le peuple d’Israël et pas seulement une communauté juive, l’État-nation hébreu est à nouveau sur la scène de l’histoire, qu’est-ce que cela signifie? Le Juif doit cesser de se replier sur lui-même, de s’enfermer dans un radicalisme extrême, l’exil lui a demandé de survivre, aujourd’hui nous avons besoin d’entendre et de comprendre, de réaliser et de savoir quel est le sens profond et essentiel de revivre, comme peuple, comme nation souveraine. Dans le monde du rabbinat, on entend une agitation en arrière-plan, le mépris et les calomnies contre ces « pauvres laïcs » selon son opinion présomptueuse qui sont véhiculés et annoncés, de manière pompeuse et publique. Les élites rabbiniques sont diffamées, et cela est dû au fait qu’elles ne parviennent pas à se rassembler et à élaborer un « shulhan aruch » en hébreu (constitution nationale) dont a besoin la nation contemporaine d’Israël. Ils n’incarnent pas la responsabilité publique du monde de la Halacha, à la lumière de la réalité actuelle : politique, économique, sociale, religieuse, militaire et plus encore. Donner une forme harmonieuse au pluralisme tribal, tel est la vocation principale de toute cette élite, si tant est qu’elle existe. Répondez à tous les défis de l’époque, à toutes les questions nées de notre tout nouveau statut, revenez à l’hébreu (la domination israélienne) et ne vous contentez pas d’un judaïsme communautaire et rituel.
La tolérance, comme nous le savons bien, n’est pas une donnée comportementale acquise en phase terminale, elle ne répond point à un besoin physiologique tel que la faim ou la soif, ni une valeur universelle généralement admise. La tolérance reste le fondement de la culture démocratique, où les vérités sont fondamentales pour les désaccords relatifs et légitimes. Elle n’est pas d’accord avec les régimes totalitaires qui prônent un système de pensée uniforme dans un monde en quête de paix et où la démocratie se répand, elle n’est pas présente partout, au contraire, on assiste à la montée du racisme, de la xénophobie, du nationalisme radical, du fanatisme religieux, de l’exclusion sociale et des discriminations de toutes sortes. La paix, l’harmonie, la démocratie présupposent un compromis par rapport à la vision commune, quoique partielle, du passé, du présent et du futur. Pour établir des valeurs partagées, tous les acteurs doivent savoir ce que signifie la parole. La parole semble contenir une profonde ambivalence, non pas en elle-même, mais par rapport aux humains qui l’utilisent et à leurs imperfections. C’est une source de rapprochement, voire de communion, c’est aussi une source de désunion. Fragile, éphémère, elle tire sa puissance et sa valeur au mieux du respect de celui qui la prononce, ou au pire des moyens de manipulation utilisés. C’est sa consommation et son mauvais usage qui l’indiquent ainsi que la nature des utilisateurs, et donc leur responsabilité. Les humains sont responsables de ce qu’ils disent et ce qu’ils disent a des conséquences. Une parole peut non seulement combattre, guérir, élever, mais elle peut aussi meurtrir et parfois tuer, symboliquement bien sûr, mais tuer néanmoins.
Rabbins, méfiez-vous de vos paroles!!
Le conflit sur l’image de l’État d’Israël a duré plus de soixante-dix ans et se poursuit toujours avec force tant du point de vue social, orthodoxe que libéral, le conflit est justifié, mais des deux côtés, toutes les actions et déclarations ne sont pas sont légitimes. Dans la lutte autour de la réforme juridique, l’identité et la foi ont franchi les lignes rouges et se sont répandues dans le sens de la diffamation. Lorsque des hommes d’État ou des personnalités publiques s’expriment de manière insultante, ils pèchent et déshonorent leur position et leurs électeurs. Les « rabbins » se comportant ainsi sous le slogan « au nom de dieu », profanent certainement le sacré au sens plein du terme. Ces luttes, même pour des raisons pratiques, ne permettent à personne de dire des choses qui ressemblent à des insultes, du dédain et des calomnies. Les paroles des « rabbins » doivent être entendues par la nation entière comme des paroles qui inspirent l’amour et l’affection au nom de la Torah et non l’inverse, que Dieu nous préserve de nos « tartuffes » si nombreux et si présent sur la scène publique.