Aussi simple ce fut, Israël avait une constitution, sans que les membres de la Knesset, le gouvernement ou le public en soient conscients.
Bien évidemment, les Lois fondamentales ne mentionnaient nulle part un quelconque pouvoir d’annuler les décisions de la Knesset.
Grace à ce ‘fait d’armes’, le juge Barak gagna les titres, que lui octroya le célèbre juge américain Richard Posner, de « pirate juridique » et « despote éclairé.
Trois décennies d’activisme juridique ont laissé un système fondamentalement déséquilibré où un tribunal tout-puissant fait face à une Knesset affaiblie.
Dans la célèbre décision concernant la banque « Mizrahi », Barak a fait valoir que les Lois fondamentales étaient la norme constitutionnelle suprême d’Israël et justifiaient donc un contrôle procédurier. Cependant, en 2018, la Cour a accepté d’entendre une requête contre la loi fondamentale de l’État-nation, en dépit de son affirmation antérieure leur accordant le statut de normes les plus élevées.
La Haute Cour de Justice a flirté avec des théories juridiques radicales, telles que « l’amendement constitutionnel inconstitutionnel », lui permettant de décider en premier lieu de ce qui entre dans la constitution d’Israël.
C’est bien au-delà de tout ce que les tribunaux peuvent faire dans les démocraties occidentales !
C’est une usurpation supplémentaire et extrême du mandat de la Knesset !
Cette justice autoritaire engendre une instabilité politique chronique.
Les questions politiques dont traite la Cour sont contraires aux décisions de justice et au langage du bien et du mal. Ils exigent des compromis et des concessions, le pain quotidien du travail parlementaire. Par exemple : l’annulation répétée des lois d’exemption d’enrôlement des ultra-orthodoxes dans l’armée israélienne n’a en aucune façon fait progresser l’intégration des ultra-orthodoxes. Les relations avec cette communauté sont un enjeu social majeur qui ne peut être réglé légalement ou juridiquement.
L’influence de la Cour va bien au-delà de l’annulation des lois. À toutes les étapes de la législation et de la prise de décision, les décisionnaires doivent se demander si la loi ou le décret résistera à son examen.
Le gouvernement est en outre désavantagé par rapport à la Cour en raison de réclamations faites par les conseillers juridiques du gouvernement dont les conseils sont juridiquement contraignants.
Les tribunaux ont par ailleurs refusé d’autoriser des avocats privés à représenter des ministres, mettant le gouvernement est à leur merci. Ils peuvent ainsi exposer des arguments plus conformes à leurs idéaux personnels.
Les opposants à la réforme juridique s’emportent très souvent « et si la Knesset annulait les élections démocratiques ».
La Cour suprême s’en est dangereusement rapprochée en 1993. Dans la tristement célèbre affaire « le précédent Deri-Pinhasi » (une décision de la Cour suprême selon laquelle un ministre du cabinet inculpé de graves accusations doit être démis de ses fonctions), elle avait statué.
Le Premier ministre fut obligé de licencier le ministre faisant l’objet d’une enquête.
La Cour, pourtant, a reconnu qu’il n’y avait aucun fondement à cette affirmation dans la loi fondamentale du gouvernement, mais le maintenir à son poste serait « un acte déraisonnable ». Bien sûr, ce genre de propos est un pur sophisme, personne d’autre que les juges eux-mêmes n’étant capable de prédire ou de définir son sens.
En tant qu’expert juridique, la regrettée professeure Ruth Gavison avait averti que ce précédent était « une étape dramatique subordonnant le système politico-officiel au contrôle juridique ».
En mai 2020, la Cour suprême a débattu de l’opportunité d’appliquer ce précédent au statut de Premier Ministre de Mr Benyamin Netanyahu. Cette proposition faisait suite à une élection, et après avoir réussi à former un gouvernement d’union nationale et gagner la confiance de la Knesset.
En Israël, cette institution a même le dernier mot pour décider qui peut exercer une fonction publique, sur la base de l’indolence du « raisonnable » et sans assise légale explicite.
A propos des réformes, une grande partie de la discussion nationale se concentre autour de la « clause de dérogation » exigeant 61 membres de la Knesset sur 120. Celle-ci permettra, enfin, au gouvernement, d’annuler plus aisément toute décision émanant des Juges.
Au Canada, la clause dérogatoire peut être activée à la majorité simple.
En Israël, une clause dérogatoire existe déjà dans la Loi fondamentale sur la « liberté d’activité » (qui garantit à chaque ressortissant ou résident israélien le droit d’exercer n’importe quelle occupation, profession ou commerce), exigeant également une majorité simple.
Dans le système politique polarisé d’Israël, gagner le soutien de 61 membres de la Knesset n’est pas une mince affaire. Le précédent gouvernement Bennett-Lapid avait une coalition de 61 membres excessivement fragilisée. Il y a presque consensus général au sein de la droite israélienne pour affirmer qu’exiger toute sorte de super-majorité transformera la clause de dérogation en lettre morte.
Cette anomalie ne peut être corrigée simplement en appelant à la retenue juridique.
Les juges de la Cour suprême d’Israël sont nommés par un comité composé de neuf membres. Cinq membres sont issus du monde de la justice, trois juges de la Cour suprême et deux membres du barreau, les quatre autres membres sont des élus nationaux.
Cela signifie que les juges ont essentiellement un droit de veto sur les nominations juridiques.
Cette situation est unique par rapport à d’autres démocraties.
Dans de nombreux pays comme les États-Unis et le Canada, les juges sont choisis par les élus du peuple. Au Royaume-Uni, où ils sont nommés par un comité professionnel, ils n’ont pas le pouvoir de disqualifier les lois.
La gauche israélienne soutient que si les réformes sont adoptées, les citoyens israéliens se retrouveront avec un tribunal castré incapable de défendre leurs droits.
Cette affirmation ne tient tout simplement pas la route !!!
Israël était certainement une démocratie au cours de ses 50 premières années avant la Révolution constitutionnelle.
Aujourd’hui encore, la Knesset pourrait révoquer la loi fondamentale sur la dignité humaine à la majorité simple, dissoudre le tribunal et adopter les lois qu’elle souhaite.
Leur scénario cauchemardesque est purement alarmiste pour la simple raison qu’Israël est une démocratie dynamique avec une culture politique tolérante et libérale.
Il suffit de regarder vers le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande, où la Cour n’a aucun pouvoir de contrôle juridique, ces pays peuvent difficilement être qualifiés d’antidémocratiques.
Après des décennies de tergiversations, le gouvernement israélien a enfin le pouvoir de rétablir l’équilibre indispensable au système politique israélien.
Les réformes proposées sont un contrepouvoir tardif à des décennies d’appropriation juridique et de pesanteur partisane.
Le rôle originel de la Cour doit être restauré – statuer sur des différends concrets et garantir l’état de droit.
Les réformes proposées vont au cœur même de la démocratie israélienne.
La question fondamentale en jeu est de savoir qui décide en dernier ressort, s’agit-il des citoyens d’Israël ou de ses juges ?