La colère de Jacob contre Simon et Levi éclata lorsqu’ils rentrèrent de leur incroyable opération militaire visant à punir la cité de Sichem.
Dans notre imaginaire collectif les deux garçons trouvèrent leur père dans son antre d’étude penché sur ses ouvrages quand par delà cette pièce mythique les bergers faisaient paître leurs troupeaux autour du puits.
Notre droit moral, en tant que collectif, est ainsi devenu une référence théorique fabriquée dans les laboratoires des maisons d’étude, totalement dissociée du terrain d’exercice et bien souvent de la réalité elle-même.
Nous aurions dû avoir, un tant soit peu, la force de percevoir notre père Jacob ceinturé et armé, sortant à la tète de ses troupes pour combattre l’ennemi, toute la région de Sichem se soulevait contre les Hébreux après l’agression de Simon et Levi.
Jacob s’en va en guerre bien décidé à conquérir ces villes rebelles mais sans se départir de sa foi en une morale profonde qu’il déclame très clairement avant que la bataille ne s’engage.
Précisément, c’est seulement dans un tel contexte que notre monde moral se surélève et peut ainsi nous accompagner depuis l’intériorité de la maison d’étude vers les méandres les plus obscures de la sale guerre.
Mais il y a un autre dommage, né du fossé que nous avons creusé de nos propres mains, et qui est tout aussi grave. C’est notre incompréhension de la guerre elle-même ; suivons les élèves d’Abraham abandonnant leurs études et ce aux seules fins de poursuivre et d’éradiquer, jusqu’au terroir de Dan à la gauche de la ville de Damas, le pouvoir impie et impitoyable d’Amarpel.
Mais pas seulement, ils veulent aussi sauver le camarade Loth neveu d’Abraham et laisser derrière eux les traces d’une leçon de guerre morale pour les générations à venir.
Il dépend de la juste Morale, de cette valeur sans condition aucune, de combattre le mal où qu’il se trouve, refuser d’accomplir nos devoirs serait faire place à tous les maux et tous les malheurs.
Rappelons-nous qu’au moment où de nombreux rabbins coupaient toute relation avec le gouvernement sioniste et laïc, le Rav Goren zatsal se battit pour que Halakha et service militaire ne soient plus inconciliables. Son engagement a permis jusqu’à ce jour à des centaines de milliers de soldats de vivre dans l’environnement militaire israélien sans diminuer leur engagement religieux.
Le mythe, dans la conscience collective, est là pour tramer dans l’imaginaire des certitudes et se substituer au néant des craintes infinies; il est là pour accorder des solutions péremptoires à des interrogations qui demeurent sans explications.
Il cède la parole à des croyances pour répondre aux demandes les plus pénibles : la présence du mal, de la souffrance, la mort, le destin de l’âme, le sens de la vie, l’existence et la nature de D.ieu etc.
Un esprit trop asservi par l’explication mythique du monde est sujet au fatalisme. Il végète dans un total radotage du rituel, il n’entrevoit aucune possibilité de changement créateur, il s’est emprisonné dans le conformisme de la tradition, il n’envisage nul changement.
Il est de préférence conservateur, puisqu’il n’imagine le présent qu’en fonction du passé, qu’en fonction d’un refrain archaïque, de ce qui s’est toujours fait. Il ne saisit pas le temps comme créateur, mais le temps comme un eternel recommencement.
Il n’y a plus rien à instruire, plus rien à prouver: le mythe exprime ce que l’opinion défend.
Ce système cantonne la pensée dans un monologue où la vérité est ce que l’on dit depuis toujours, ce que la tradition raconte. Le mythe, comme unique contenu de la pensée, nourrit la soumission.
En conséquence, il n’y a plus rien à chercher pour la pensée, il suffit de croire.
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