Il est clair que l’Ombre dans son isolement est significative de la Lumière prête au dévoilement. Le chemin vers soi inspire la lente inclinaison vers les abîmes car l’univers du sombre et de l’obscur est aussi celui où s’accomplit la renaissance de la sphère lumineuse.
Lumière et obscurité se nécessitent mutuellement pour
être fertiles, c’est dans l’opacité de
la réalité que l’on parvient à saisir au mieux une soudaine lueur.
Lumière délicate et frissonnante mais messagère de vie, elle anime la pulsion du retour vers une délivrance des autres aspects de soi-même, méconnus jusque-là.
Cette évocation offre très souvent une couleur
positive à la lumière et négative à l’ombre. Platon confronte le soleil de la
Vérité à l’Ombre de la caverne, Racine unit la Lumière avec le Bien et l’obscur
avec le Mal, le siècle des Lumières marque l’ère où la pensée des philosophes a un effet probant sur l’aménagement de la société.
En revanche l’obscurantisme est le fait de choisir l’ignorance de préférence au savoir. La part d’Ombre d’un individu est toujours menaçante.
Faire de l’Ombre à autrui signifie contrarier sa manifestation. En conséquence certains craindront de révéler leur propre Lumière. La pensée demeure dominée par une définition des relations entre la Lumière: l’authenticité, la grâce, le sensible et l’Ombre: la facétie, l’ignoble, la crainte.
La Lumière est l’étoile de l’existence, un délicieux amour, la splendeur de l’éclat, le domicile bienfaiteur.
L’Ombre c’est la barbarie, le ténébreux, la nuit, l’effroi, la frayeur devant le noir. L’anxiété ancestrale, celle que ressent l’homme, la nuit, tout en espérant que la lumière du soleil se renouvelle.
Parfois la Lumière est le reflet de ces flammes qui dévastent et qui tuent.
L’ombre, par contre, est une aire de détente, elle atténue les brasiers de l’âme et protège des regards quand jaillissent les sanglots d’une vie déçue.
Lumière et Ombre estiment nécessaire la présence de l’objet, ce tiers seul
autorise la transmission de l’un à l’autre. L’Ombre le réclame pour exister,
non seulement de la Lumière mais de l’objet lui-même. Il permet de mieux
distinguer, de mieux appréhender et de mieux connaitre. Peut-on exister dans un univers sans Ombre,
exclusivement prévenu par les Lumières de la logique sur lesquelles l’homme assied toute sa confiance? Une
société sans Ombre est-elle une société capable d’abriter le « tous
ensemble »? Pourquoi vouloir
empêcher la Lumière de se répandre? Comment peut-on résister actuellement aux
violences d’une Lumière exacerbée? Sans cesse, elle nous ramène aux réalités inséparables de leurs zones
d’ombres. Contempler la révolution de la Terre pour confirmer: ce qui est Ombre
devient Lumière! Cette transition et
cet enchaînement démontrent qu’il n’est nulle
opposition entre ces peintures essentielles de la Création. Supposons une
lumière sans ombre, comment attester alors que la Lumière est? Que penser de la Lumière d’Ombre? Notre part d’Ombre est-elle si pénible à
encaisser, à admettre, à saisir? La
Lumière réconforte et console, mais est-elle sans risque ? L’artiste peintre nettoie le verre entre l’Universet nous
avec unlambeaude lumièretrempédesilence. Nous le concevons aisément, toutes deux sont indispensables
à l’existence et nulle autre voie n’est possible, elles
sont immortelles. L’Ombre ne sera jamais une réalité éphémère avant de pouvoir aboutir
à la Lumière. L’ombre est une donnée obligée à la Vie. Les lumières erronées ne génèrent que
désordre, lassitude et exil. Les valeurs pionnières du clair-obscur dévoilent
la singulière aptitude de l’esprit humain à échafauder le dessein d’une vision
encore imparfaite. L’homme édifie ses souhaits dans l’harmonie du pluriel des
choses. Ainsi l’Ombre est-elle puissance novatrice, source de l’imaginaire.
Si la Lumière illustre, l’Ombre offre. L’ombre me sollicite pour un moment de
lecture, mais une autre lecture. Interpréter, déchiffrer, interroger la
finalité de l’existence reste mon dévolu. Les traditions rappellent ce mouvement
de la Lumière et de l’Ombre, de la silhouette répandant l’idée que l’énigme ne se
ruine guère mais qu’elle s’approfondit quand nous l’éclairons.
Nous sommes les enfants de
la Lumière, étincelle d’un destin confidentiel, partie de cette vraie Lumière
qui aujourd’hui me cultive, me relate mon Histoire, celle des Humains.
Loi de dualité mais aussi de symétrie, cette Lumière d’Ombre vit en moi, dans
mes épreuves, dans mes impressions, dans mes démarches. La manière dont mon
prochain se conduit à mon égard, ou répond à mes faits et gestes, sera le reflet
de la Lumière qui émane de ma personne ou bien de l’Ombre qui se dissimule en
moi. J’ai le devoir de créer, d’œuvrer, de parfaire à pleines mains ma Lumière
d’Ombre.
Ma connaissance débute là où l’Ombre et Lumière s’enchevêtrent. Les pièces sont
dispersées, tel l’imbroglio où se risque le jeu de la vie, là où l’on entendra
chuchotements et hurlements. Ce sera
donc la voie médiane, intelligemment proportionnée qui poursuivra le bien et le
mal.
L’essentiel n’est pas de se retrouver dans la Lumière ni de demeurer dans l’Ombre, non, le fondamental reste à jamais de ne pas s’éteindre.