Le Rambam, dans son testament à son fils écrit ceci : « Les prophètes ont prophétisé, les Sages ont prononcé des paroles de sagesse, les philosophes ont approfondi les textes, mais aucun d’eux n’est parvenu à sonder la profondeur des désastres causés par la dispute entre les êtres humains ».
A trois reprises dans l’histoire biblique, Dieu fut prêt à pardonner les fautes humaines les plus graves, comme par exemple, l’idolâtrie.
Mais, il n’en fut pas de même à propos des querelles.
Une question nous vient alors à l’esprit: pourquoi Dieu, qui n’a jamais rien créé en vain, a-t-il doté l’homme de ce penchant pour la polémique, de cet instinct qui le pousse à vouloir toujours avoir raison ?
Comment le Créateur a-t-il pu tolérer que, pour parvenir à ses fins, l’homme puisse à ce point entretenir la discorde, au risque de provoquer des ravages dramatiques sur le plan national et religieux?
Cette propension « naturelle » à la lutte et à la dispute serait donc bénéfique lorsque l’homme sait s’en servir contre les composantes obscures de sa personnalité.
Mais elle deviendrait néfaste s’il s’en servait contre autrui. De surcroît, préoccupé par un intense combat intérieur entre les forces du mal et celles du bien, l’être humain n’aura guère le temps ni l’envie, ni même l’intérêt, de se mettre à polémiquer avec autrui.
Par contre celui qui, par paresse ou par orgueil, n’est pas capable de mesurer ses défauts personnels, pourra plus facilement déverser son mécontentement contre autrui.
Bien sûr, l’idéal n’est pas que l’homme soit déchiré par des divisions intérieures, mais bien au contraire, comme le dit Maïmonide, à qu’il mobilise toutes les forces de sa personnalité dans un seul but: le service divin.
Si la controverse entre les Sages se fait de telle sorte que tous restent obstinément sur leurs positions chacun prétendant détenir toute la vérité ils ne parviendront jamais à une quelconque conciliation créatrice.
Mais si le but de leur discussion est d’atteindre la vérité sublime alors cette controverse aura une suite: à l’issue des débats, elle pourra aboutir à une réconciliation de valeurs apparemment opposées.
Comme le dit le rav Kook dans un commentaire sur la prière, peut-il y être écrit « Les sages multiplient la paix », alors qu’ils sont sans cesse source de débats et de discussion ?
Selon le rav, la réponse ne fait pas de doute : il s’agit là d’une paix qui accorde à chaque opinion, en toute harmonie, sa place précise telle une résidence qui est composée de toutes sortes d’éléments installés à leur place.
Le rav appelle cela « le travail de la paix » : un effort permettant d’exprimer des avis différents dans une harmonie qui est en fait la source de toutes ces opinions.
Il existe toutefois un aspect dans la tolérance, largement développé dans son livre Orot : « dans chaque prise de position se trouve une étincelle de vérité, y compris dans l’attitude la plus mensongère.
Et c’est d’ailleurs cette racine de vérité qui permet à ce mensonge de continuer à exister.
De même que chaque être humain possède dans son âme une étincelle de vitalité divine, de même, il existe une étincelle de vrai dans toutes les opinions, les idéologies, et même dans toutes les religions ».
Pour utiliser le langage ésotérique, nous dirons que les écorces se nourrissent des étincelles de sainteté qui sont emprisonnées en elles, mais lorsque l’on parvient à délivrer ces étincelles de sainteté de leurs enveloppes, les écorces meurent d’elles-mêmes.
En se montrant tolérant avec les êtres, il faut toujours prendre conscience de ce second aspect des choses.
S’il est vraiment pur et absolu, l’amour que nous prodiguons à notre prochain saura éviter les déchirures et les ruptures en nous permettant de poursuivre la controverse avec lui, mais dans le meilleur esprit, celui préconisé par la Torah et qui doit régner entre frères juifs.
En tant qu’instruments de Dieu, c’est à travers l’amour, l’harmonie et la compréhension mutuelle que nous devons permettre au peuple d’Israël de continuer à frayer sa voie difficile.
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