Il est des hommes dont la simple manière de se tenir rappelle que l’hébraïsme n’est pas une identité culturelle, ni une appartenance folklorique, mais une verticalité. Dr Tzvika Mor fait partie de ces rares, de ceux qui ne plient pas, non par orgueil mais par fidélité. On l’a vu apparaître sur les plateaux, ferme, clair, inébranlable, parlant sans trembler, sans se justifier, sans adopter ce ton plaintif auquel on réduit toujours les familles d’otages pour les rendre acceptables aux yeux du monde occidental. Beaucoup l’ont mal supporté : ils auraient voulu un père brisé, cherchant l’approbation des journalistes, quémandant la compassion internationale. Ils se sont retrouvés face à un Hébreu qui ne mendie pas le regard du monde, et cela, dans une époque d’exposition systématique de l’intime, est devenu presque scandaleux.
Pendant deux ans, son fils a été avalé par l’obscurité, tenu captif dans les entrailles du Hamas, sans image, sans voix, sans preuve de vie. Deux ans d’un silence lourd, sans délai légal de deuil, sans certitude ni tombe, dans cet intervalle cruel où l’on ne sait pas si l’on doit espérer ou pleurer. Là où tant auraient sombré dans la supplication, invoquant la communauté internationale, les institutions humanitaires, les larmes publiques comme arme médiatique, Tzvika Mor a choisi une autre voie : celle de la dignité souveraine. Il a cofondé le Forum Tikva, non pour supplier, mais pour affirmer une vérité sèche : seuls la pression militaire, la force assumée, l’écrasement stratégique peuvent contraindre le Hamas à céder. Aucune illusion humanitaire, aucune croyance naïve dans les larmes comme langage politique. Ses mots furent nets, pas de libération par prière adressée aux nations, mais par coup de bélier hébraïque dans les portes du camp ennemi.
Ce langage a choqué les esprits domestiqués, ceux qui ont oublié ce que signifie être héritier. Ils l’ont jugé dur, rigide, presque insensible. L’insensibilité, disaient-ils, en évoquant sa présence digne sur les plateaux. Et puis vint l’instant que même les caméras n’ont pu travestir. Quand son fils revint, non pas par la grâce d’une résolution onusienne, ni par une compassion mondiale mise en scène, mais par la percée implacable des forces israéliennes dans les tunnels de l’ennemi, ce père que certains traitaient de bloc de pierre s’écroula en larmes, non pas devant le monde, mais dans les bras de son fils, et pour lui seul. Ce jour-là, il ne restait ni posture, ni message, ni discours. Il n’y avait qu’un père et un fils. Et dans les larmes jaillies d’un seul coup, non versées devant les médias pour obtenir reconnaissance, mais offertes comme une bénédiction intime à la chair revenue, toute la vérité de sa verticalité s’est révélée.
Ce n’était pas l’effondrement d’un homme mais l’accomplissement d’une retenue. Il avait refusé de pleurer pour convaincre, de se montrer vulnérable pour émouvoir, de céder à cette religion moderne de la victimisation qui exige des larmes publiques comme preuve d’humanité. Il a réservé ses larmes à la seule scène qui les méritait : celle de la vie rendue. Ainsi se tient l’Hébreu véritable : droit devant le monde, effondré seulement devant l’essentiel. Aucun pathos, aucune mise en scène humanitaire, aucune recherche de légitimité. Seulement la ligne droite, cette tenue intérieure qui vient de plus loin que l’État, plus loin que les institutions, plus loin que la morale spectatorielle des nations. La fidélité de Tzvika Mor n’est pas doctrinale : elle est ontologique. Il ne défend pas un concept, il habite une alliance.
C’est cela qui dérange tant : il ne parle pas en “représentant d’une cause”, mais en héritier d’une promesse. Il ne proteste pas, il confirme. Il ne supplie pas, il affirme. Il ne réclame pas de place, il se tient dans celle qui est déjà sienne. Et c’est précisément parce qu’il n’a jamais transformé la douleur en spectacle que, le jour où il a pleuré, ce fut vrai, irréfutable. Ceux qui confondent verticalité et dureté n’ont rien compris : la verticale ne nie pas la larme, elle la consacre.