En finir avec le sioniste et le sémite – Par Rony Akrich

by Rony Akrich
En finir avec le sioniste et le sémite – Par Rony Akrich

Vos croyances sur le sionisme sont gravement déformées !!

Je veux que vous considériez comment la façon dont une large partie de la communauté de gauche réagit vis-à-vis d’Israël reflète et perpétue à la fois l’antisémitisme.

Militant à l’OCI trotskyste durant les années (1974-78), nous avons manifesté contre Israël d’innombrables fois et dénoncé le « terrorisme sioniste ».

Je croyais que les Sionistes avaient collaboré avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale ! Il n’y avait rien de mal à comparer Israël à l’Allemagne nazie ou à l’Afrique du Sud de l’apartheid. Jumeler la Magen David avec une croix gammée était une manière irréprochable d’indiquer leur équivalence morale.

Je sais combien il est agréable de prendre parti pour « l’opprimé » contre « l’oppresseur », et de jeter l’anathème sur ceux qui remettent en cause cet objectif louable.

Je veux que vous y réfléchissiez à nouveau….

Pensez à l’expérience d’Eve Barlow, jeune journaliste juive écossaise talentueuse, désormais basée à Los Angeles. Elle écrit, entre autres, sur l’antisémitisme.

Pour la seule année dernière, elle a écrit :

Sur les Juifs battus, poignardés et délibérément percutés par des voitures ;

Sur les synagogues vandalisées ;

Sur une Torah profanée ;

Sur une maison Chabad incendiée.

Elle a fait un reportage sur un convoi de voitures, traversant des quartiers juifs à Londres, leurs conducteurs agitaient des drapeaux palestiniens en criant « Fuck the Jews ! « Violez leurs filles ! »

Elle a écrit sur les explosifs jetés sur une foule de Juifs dans le Diamond District de New York, sur une foule de manifestants pro-palestiniens qui ont battu les clients d’un restaurant de Los Angeles après leur avoir demandé s’ils étaient Juifs.

Ces horreurs qu’elle nous décrit devraient susciter l’indignation, l’inquiétude et une démonstration de solidarité de la gauche !!!

Sauf que…. Ce n’est pas le cas ! Eve Barlow est sioniste.

En mai dernier, pendant le conflit entre Israël et le Hamas, l’antisémitisme montant en flèche en Occident, une foule de trolls s’est abattue sur elle dans le but évident de l’humilier et de la réduire au silence.

Une horde puérile composée de ‘défenseurs autoproclamés’ des palestiniens a raillé et traqué une jeune femme juive qui écrit sur la montée de l’antisémitisme, la façon choquante dont il se normalise.

Dans un article, elle a répondu en décrivant comment, pendant les hostilités, les Juifs comme elle, défendant « eux-mêmes et leurs frères et sœurs en Israël et en palestine », ont été soumis à une expérience en ligne, déshumanisante et abusive, si extrême qu’elle l’a qualifiée de « premier pogrom des médias sociaux au monde ». Un tweet juvénile est pathétique, mais multiplié par des milliers, c’est un moyen terriblement efficace de cibler les Juifs et toute autre personne qui proteste contre l’antisémitisme. Et, comme le note Barlow, les insultes véhémentes en ligne conduisent à des attaques violentes contre les Juifs dans le monde réel, comme l’ont démontré les événements de mai.

On accuse la journaliste de narcissisme et de solipsisme, par ailleurs, on cherche à la discréditer. Barlow prône une solution à deux États et qualifie de « tragédie » la perte de chaque vie dans le conflit israélo-palestinien ! Mais, elle, prône « une itération féroce du sionisme ».

Nul n’en parle pas, mais elle a fourni un récit poignant de l’antisémitisme, souvent violent, aux États-Unis et en Europe. Après avoir brièvement noté ses conséquences désastreuses, à l’époque de la publication de l’article – une brique lancée à travers la vitrine d’un commerce juif de Manhattan, une croix gammée gravée sur une synagogue de Salt Lake City, elle se lance dans une exposition sur « l’effort réussi du projet politique sioniste ». Barlow se transforme d’un Juif qui dénonce l’antisémitisme en une métaphore d’un « projet politique » que tous les bons progressistes savent être réactionnaire et raciste.

L’antisémitisme ne compte pour rien lorsqu’il est dénoncé par les sionistes !

Dans mon parti, le mot était prononcé avec un sifflement : « Sionistess … Dans son attitude d’hostilité totale, il rejette avec désinvolture le fait que le sionisme était, entre autres, une réponse juive à un antisémitisme extrême et violent, atteignant son point culminant avec l’Holocauste.

Israël a été fondé. Il est devenu un refuge pour les hommes, les femmes et les enfants juifs ayant survécu aux camps de la mort, dont toute la famille a été exterminée, ou les deux.

En gardant ce fait à l’esprit, je veux que vous réfléchissiez vraiment, ne serait-ce qu’un instant, à quel point il est obscène de prétendre qu’Israël est un État de « colons blancs ».

Comment cette vision du monde franchement dérangée et haineuse a-t-elle proliféré ?

Pour moi, la haine était, perversement, le corollaire de l’amour. J’aimais mon parti et les individus qui le composaient avec une dévotion si insondable que je la ressens encore ! Pourtant, je les ai quittés depuis des années. Au-delà de cela, je les respectais. Certains camarades étaient extraordinairement intelligents, beaucoup étaient très cultivés et tous étaient manifestement bien intentionnés. J’estimais particulièrement plusieurs camarades, juifs honteux, haut placés, l’un d’eux était considéré comme un expert du Moyen-Orient. Lorsqu’ils fulminaient contre « la botte sioniste » dans des articles pour le journal du parti, j’étais chargé de le vendre, je n’avais pas remarqué combien le ton était étrangement écumant. Par leurs actes, ils m’ont donné la permission de haïr le Juif, je veux dire le Sioniste. Il ne fait aucun doute que cela répondait à un vilain besoin intérieur. Après tout – j’aurais pu penser, si j’avais pensé – qu’ils étaient Juifs, donc ça devait aller.

Certain de la pureté de nos cœurs, mes camarades et moi avons apprécié le réconfort facile de convictions communes. Je n’aurais peut-être jamais remis en question cette attitude envers le Sionisme si je n’avais pas été aux premières loges de ce que l’on appelle de manière euphémistique la « querelle sur l’antisémitisme » à l’OCI. Je vivais à Paris lorsque j’ai quitté le parti, pour des raisons que je n’expliquerai pas, et je décidais d’aller en Israël.

J’ai finalement convenu de faire quelque chose d’extraordinaire : j’ai soumis mes convictions à une vérification empirique rigoureuse des faits.

Au lieu de lire uniquement les sources d’information approuvées sur lesquelles je m’appuyais depuis des années, j’ai enquêté, seul et sur place, sur des points de vue opposés.

Je peux l’attester : c’est très difficile à faire.

Quand vous êtes un gauchiste convaincu, le simple fait de demander « La gauche pourrait-elle avoir un sérieux problème avec l’antisémitisme ? » semble déloyal. Vous avez l’impression de calomnier votre propre peuple, de faire de vous une personne désagréable.

Si vous poursuivez dans cette voie, vous rencontrez des arguments de la droite politique – même si d’autres ne le seront pas – et dans votre haine de la droite, vous voudrez tous les rejeter.

Vous rencontrez des femmes et des hommes juifs qui croient au droit à l’existence d’Israël et qui aiment peut-être même ce pays – c’est-à-dire des Sionistes – et vous aurez envie de fuir.

Vous ressentirez une peur intense et étrange.

Vous la ressentirez car vous avez longtemps entendu et finalement cru que le Sionisme est mauvais, réactionnaire et raciste. Ce n’est pas le cas. Cette croyance reflète l’antisémitisme.

Mais – me répondrez-vous – l’antisionisme n’est pas de l’antisémitisme.

Très bien, alors réfléchissez-y.

Posez-vous la question, jamais venue à l’esprit lorsque j’étais antisioniste :

Qu’est-ce que le Sionisme ?

A ce sujet, je vous invite à lire une personne qui ne le compare pas au nazisme, mais la réponse courte est : le Sionisme est le mouvement pour l’autodétermination et l’État du peuple juif dans sa patrie ancestrale, Israël. Toutes les nations ont le droit à l’autodétermination.

Ce principe est largement reconnu, y compris par les marxistes comme le parti auquel j’appartenais.

Alors pourquoi est-il, non seulement acceptable, mais obligatoire à gauche d’adhérer à un programme qui, par son étymologie même, dénie ce droit à une nation et une seule nation, la nation juive ?

Ce n’est pas de la sémantique.

« Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre » exprime une indifférence terrifiante au sort des millions de Juifs, vivant sur cette Terre.

C’est l’hymne sinistre de l’antisionisme.

D’accord, me direz-vous, je suppose qu’Israël a le droit d’exister, peut-être

qu’« antisioniste » est un terme malheureux parce qu’il suggère le contraire. Pourtant, cela ne signifie pas qu’Israël ne peut pas être critiqué ! C’est vraiment tout ce que nous faisons !

Ce à quoi je réponds, aussi poliment que possible : c’est de la foutaise !

Dire qu’Israël est particulièrement mauvais,

Prétendre qu’Israël procède à un nettoyage ethnique,

Placer Israël – un petit pays d’environ 9 millions d’habitants – au centre de toutes les malversations dans le monde : ce n’est pas de la critique.

C’est une diabolisation qui s’appuie sur des siècles de haine des Juifs !!!!

L’antisémitisme est ancré dans la structure de notre société d’une manière souvent inaperçue – du moins pour la personne qui en est victime. Pour la personne qui en est victime, la perception est très différente.

Lorsque des Juifs disent que votre langage et votre comportement leur font du mal, il est de votre responsabilité de les écouter et de vous renseigner sur l’antisémitisme !!!

D’envisager la possibilité que certaines des choses que vous croyez soient empiriquement fausses.

Voulez-vous un aperçu effrayant de la gauche quand elle déclare à guerre aux Juifs au lieu de les écouter ? Il suffit, pour les gauchistes du Monde entier, de regarder la Grande-Bretagne et la France.

L’antisémitisme de la gauche occidentale s’est métastasé.

Corbyn et Mélenchon, par exemple, ont commencé comme une célébration du socialisme et se sont transformés en un festival de l’antisémitisme. Ce dernier a toujours été présent – et plus particulièrement dans les mouvements de solidarité avec la Palestine, dont les dirigeants étaient une figure de proue – mais leur ascension au leadership politique a également inspiré de nombreux membres de l’extrême gauche à rejoindre le parti. La chasse aux « sionistes » était ouverte !

« Qu’ont fait de bien dans ce monde les Juifs ? »

Les calomnies rituelles de style médiéval, le négationnisme, les excuses d’Hitler, les théories du complot accusant Israël d’être responsable de tout, du 11 septembre à la pédophilie en passant par l’État islamique…

Il est incroyablement difficile de voir des faits mettant en péril votre sentiment d’appartenance. Nous avons tous besoin de cette prescience, d’un refuge chaleureux de camaraderie et de sens. Nous avons tous besoin, surtout, d’un leader aimé et respecté, pour nous donner un sentiment de sécurité. Remettre en question les croyances fondamentales de votre communauté antisioniste sera difficile et douloureux. Cela pourrait remettre en question tout ce en quoi vous croyez et votre place dans le monde.

Faites-le quand même.

L’antisémitisme est ignoble et il augmente partout, y compris à gauche.

Je vous invite à y réfléchir !

L’antisémitisme ne vient pas seulement des antisémites.

Le monde ne se divise pas si facilement en antisémites et non-antisémites, en noir et blanc. Particulièrement en venant de la gauche, l’antisémitisme existe dans des nuances de gris : des sentiments et des croyances nébuleuses qui se transforment en fonction des circonstances.

L’antisémitisme oppose, parfois, les gens à leur propre identité juive.

Il fait écho à d’anciens mensonges sur les Juifs et, par ailleurs, il fait que certaines personnes bien intentionnées les croient à un certain niveau, même si elles proclament sincèrement qu’elles ne les croient pas.

Cela m’effraie et me met en colère qu’il y ait si peu de volonté à gauche pour réfléchir à cela, ou à l’Histoire.

L’Holocauste a été possible parce que les nazis ont décidé d’exterminer les Juifs, mais pas seulement ! Cette horreur a été possible parce qu’une partie suffisante de la société allemande partageait suffisamment les croyances des nazis sur les Juifs pour trouver leur « solution » acceptable.

Quant au reste, une partie de la population ne se souciait pas du tout du sort des Juifs, tout simplement. Il a fallu des perceptions troubles et déformées de longue date sur les Juifs pour que l’Holocauste soit non seulement conçu mais aussi horriblement réalisé. Il a fallu une myriade de nuances de gris.

Je ne sais pas où va l’antisémitisme d’aujourd’hui, mais il me fait terriblement peur !! Je vous en conjure, antisionistes : pensez qu’il est possible que vous vous trompiez….

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