Henry David Thoreau (1817-1862) fut un philosophe et écrivain célèbre pour ses assauts contre l’entreprise sociale américaine et ses égards vis à vis de la nature et d’une existence élémentaire. Il fut beaucoup inspiré par l’écrivain Ralph Emerson, qui lui exposa la pensée transcendantaliste, une philosophie qui deviendra au centre de la réflexion et du verbe de Thoreau.
En plus de Désobéissance Civile (1849), Thoreau est d’abord célébré pour son livre Walden (1854), qui brosse un tableau de ses expériences de vie, seul à Walden Pond au bord du lac, dans le Massachusetts, de 1845 à 1847.
Durant son existence, Thoreau insistera sur l’importance de l’individualité et de l’autonomie. Il pratiqua, lui-même, la désobéissance civile de son vivant et passa une nuit en prison suite à son refus de payer des impôts, en signe de protestation à la guerre du Mexique. (Thoreau était opposé à la pratique de l’esclavage dans certains des territoires concernés.) On pense que cette nuit en prison l’incita à écrire Désobéissance Civile. Il présenta la première ébauche du traité en guise d’oraison au lycée de Concord en 1848. Le texte fut publié en 1849 sous le titre « Résistance au gouvernement civil ».
Les deux problèmes essentiels discutés aux États-Unis durant sa vie furent l’esclavage et la guerre américano-mexicaine. Les deux sujets tiennent une place substantielle dans l’essai de Thoreau. À la fin des années 1840, l’esclavage suscita des mouvements opposés à la servitude, dans les années 1850, le pays évolua encore et se concentra autour de lois intéressant la traite des noirs, telle la loi sur les esclaves évadés. Cela encouragea de nombreux abolitionnistes à manifester contre la politique gouvernementale, en empruntant de complexes voies vers une désobéissance civile. (L’esclavage ne prendra fin qu’une génération plus tard, lorsque le Nord abolitionniste gagnera la guerre de Sécession 1861-1865).
La déclaration d’affranchissement d’Abraham Lincoln délivrera tous les esclaves en territoire confédéré. Au bout du compte, le 13ème amendement abolira l’esclavage dans tout le pays.
Outre cette lutte civile, la guerre américano-mexicaine (1846-1848) provoqua de nombreuses polémiques, accentuées par des divergences frontalières, entre les États-Unis et le Mexique. La guerre fut ici menée dans le seul but d’étendre le territoire américain – nombre de citoyens eurent le sentiment que tel était leur destin: celui de saisir autant de terres que possible – et par conséquent les États-Unis conquirent une grande partie du sud-ouest américain actuel, y compris la Californie, le Nevada et l’Utah.
Thoreau, et d’autres adversaires à la guerre, firent valoir que cette campagne signifiait une violente et une vaine agression. L’Etat conduisait ce conflit avec arrogance et sans aucun argument défendable.
La désobéissance civile eut une immense résonnance, tant aux États-Unis qu’à l’étranger. Nombre de personnalités célèbres furent inspirées par cette réflexion : le Russe Léon Tolstoï, le Mahatma Gandhi en Inde et Martin Luther King en Amérique.
Thoreau entame la ‘désobéissance civile’ en déclarant son plein accord avec la devise « Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins. « . En effet, affirme-t-il, les hommes pourront, un jour, avoir un gouvernement qui ne gouvernera pas du tout. En l’état, le gouvernement s’illustre rarement par son ministère ou son efficience, il est souvent « déconnecté de la réalité et perverti », de sorte qu’il ne symbolise plus le dessein populaire. La guerre américano-mexicaine témoigna, de manière probante, du phénomène !
L’administration américaine est nécessaire parce que « le peuple doit disposer de mécanismes compliqués et entendre son bruit pour satisfaire son idée de gouvernement ».
Néanmoins, les rares périodes, où le pouvoir fut nécessaire, furent quand ce dernier se mit à l’écart. Thoreau montre que le gouvernement n’accomplit pas ce que le peuple lui octroie : il ne préserve pas les libertés, décide de coloniser l’Ouest et ne se consacre pas à l’éducation. Ces agissements dérivent plutôt de la spécificité du peuple américain, qui aurait eu beaucoup plus de succès dans ses efforts, si le gouvernement avait été encore moins impliqué.
Thoreau se plaint également des restrictions imposées au commerce et aux échanges. Cependant, il dit ensuite que, parlant « pratiquement et en tant que citoyen », il ne demande pas l’élimination immédiate du gouvernement, pour le moment, il en demande plutôt un meilleur.
Thoreau maintient qu’en répondant à la majorité des nantis, les démocraties cautionnent les ambitions du groupe le plus puissant, et non des plus vertueux ou des plus réfléchis. Un gouvernement, institué sur ce principe, ne peut être fondé sur la justice.
Pour quelle raison n’existerait-il pas un gouvernement où le juste et le faux ne seraient pas décidés par la majorité mais par la conscience ?
Thoreau écrit: « Le citoyen doit-il jamais un instant abdiquer sa conscience au législateur? A quoi bon la conscience individuelle alors ?»
Il affirme qu’il est plus important de développer un respect du droit que le droit lui-même, car les personnes ont pour obligation de faire ce qui est juste.
« Je crois que nous devrions être hommes d’abord et sujets ensuite. Il n’est pas souhaitable de cultiver le même respect pour la loi et pour le bien. La seule obligation qui m’incombe est de faire bien. On a dit assez justement qu’un groupement d’hommes n’a pas de conscience, mais un groupement d’hommes consciencieux devient un groupement doué de conscience. La loi n’a jamais rendu les hommes un brin plus justes, et, par l’effet du respect qu’ils lui témoignent, les gens les mieux intentionnés se font chaque jour les commis de l’injustice. »
Trop de respect pour la loi amène les gens à faire beaucoup de choses injustes, comme l’illustre la guerre : Les soldats ne sont plus que l’ombre de leur humanité ; le gouvernement les façonne en machines. Ils n’ont plus aucune possibilité de vivre leur morale, leurs sens sont réduits à une existence comparable aux reflexes animaux. Pourtant, ces hommes sont souvent appelés bons citoyens. De même, la plupart des législateurs et des politiciens ne font pas passer le sens moral en premier, et ceux qui le font sont persécutés comme des ennemis.
Une des grandes interrogations demeure l’attitude à tenir envers le gouvernement américain, la réponse de Thoreau est d’empêcher toute totale association. Il ne peut guère reconnaître, un seul instant, cette organisation politique comme étant son gouvernement, et, dans un même temps, le gouvernement de l’esclavage. Si tous reconnaissent le droit de soulèvement, face à un pouvoir intolérablement autocratique ou impuissant, la majorité des personnes assurent qu’un tel bouleversement ne serait pas légitime dans les conditions actuelles. Toutefois, Thoreau maintient que nous avons non seulement le droit, mais bien le devoir, de nous rebeller. L’esclavage d’une partie de la population et l’invasion du Mexique démontrent d’énormes injustices que nous refusons d’entériner à court ou long terme.
Il conteste le comportement selon lequel le pouvoir civil devrait être soutenu pour des raisons de bon fonctionnement et le peuple soumis simplement pour préserver les services dont il bénéficie. L’opportunisme n’a aucun privilège sur la justice; les individus doivent faire ce que l’intégrité requiert, peu importe le coût – même si le prix est la vie de chacun. Ainsi, écrit Thoreau:
« Si j’ai injustement arraché une planche à l’homme qui se noie, je dois la lui rendre au risque de me noyer. »
« Ce peuple doit cesser de maintenir l’esclavage et de porter la guerre au Mexique, même au prix de son existence nationale. »
Concrètement, les adversaires à toute réforme dans le sud-américain ne sont pas toujours ces politiciens du Sud décriés, généralement, comme coupables de traditionalisme extrême. Non, ce sont le plus souvent ces masses populaires qui acceptent passivement le statu quo, par intérêt, exemple: les marchands, les agriculteurs, de ce sud, qui refusent de se battre pour la justice à tout prix. Beaucoup viennent et confirment que la plupart des citoyens américains ne seraient pas disposée aux bouleversements de société conséquents à une abolition de l’esclavage. Thoreau réplique à cela en avouant qu’ils auraient besoin de, seulement, quelques sages pour éduquer la majorité et, ainsi, la préparer à ces changements. Des milliers de personnes s’opposent à l’esclavage et à la guerre avec le Mexique, sans pour autant s’engager pratiquement, espérant que les autres le feront.
C’est bien cette expectative passive que Thoreau condamne.
Son ouvrage est, tout à la fois, une œuvre abstraite de théorie politique et un exercice pratique et d’actualité abordant les problèmes du quotidien.
D’un côté, Thoreau soutient plusieurs théories sur la nature de la démocratie et les relations entre citoyen et gouvernement. Il insiste, par exemple, sur le fait que celui-ci devrait être fondé sur la conscience juste et que les citoyens devraient se retenir de collaborer à un pouvoir politique injuste. Ainsi, son propos doit-il être apprécié comme un traité de philosophie politique, alléguant des idéaux et proclamant des revendications sur la manière dont le gouvernement et la société devraient être façonnés. Nonobstant tout cela, il n’écrit pas uniquement sur la théorie. Son essai est, aussi, une clameur envers ses compatriotes résidents du Massachusetts sur les questions d’actualité du jour. Il confère de l’esclavage et de la guerre avec le Mexique comme de véritables périls pour leur vie et encourage ses lecteurs à devenir des activistes. Il use de la théorie pour dépeindre l’attitude générale des personnes, puis l’adapte aux drames actuels. Les devoirs sont consubstantiels du monde dans lequel on vit et Thoreau est sincèrement soucieux de l’ensemble des injustices qui ébranlent son temps.
L’un des thèmes les plus notables de son œuvre est la notion d’individualisme. Extrêmement défiant vis-à-vis de l’exécutif, il récuse l’opinion selon laquelle une personne doit abjurer, ou exclure, ses valeurs par fidélité avec son gouvernement. En outre, il affirme que si un individu supporte le pouvoir politique, de quelque manière que ce soit, même en honorant sans façon son autorité comme dirigeante, il devient alors complice des injustices commises par ce dernier.
En conséquence, la responsabilité s’impose, elle est extrêmement lourde pour l’individu car composer, marchander ou admettre passivement, c’est sacrifier sa maturité et perpétrer une infamie. Admettons pourtant qu’une telle communauté humaine deviendrait rapidement une société précaire si elle suivait ce seul point de vue.
Le peuple pourrait-il être fonctionnel si tout le monde revendiquait « l’homme d’abord et le sujet ensuite »?
Même si le principe de Thoreau s’avérait inconcevable une fois universalisé, cela signifierait-il qu’il ne puisse intéresser les actions d’une personne en particulier?
Thoreau dirait « non ».
En effet, il savait pertinemment que tout le monde ne le suivrait point sur ses vertus individualistes. Il fit valoir, alors, que son devoir était de se fixer une règle de valeurs.
Si sa conduite put être entendue comme hasardeuse ou généreuse, il nous faut toutefois déclarer ici, haut et fort, que ce sentiment éloquent, de l’individualisme et du scepticisme à l’égard du gouvernement, servit de base à de nombreux mouvements de réforme importants. Tous, sans exception, tentèrent d’apporter à l’Homme le mieux et le meilleur du sens obvie de l’Humain!