Il n’y a aucune trace du 33ème jour de l’Omer (entre Pessah et Shavouot: Lag Ba’Omer) ni dans la Bible ni dans la Loi Orale. Elle transparaît soudainement pour la première fois à l’époque des Guéonim (septième siècle). Certaines traditions prétendent qu’un jour de jeûne y fut instauré en raison de la défaite d’Israël à Aïe (Josué ch. 7), peut-être la mort de Josué survenue ce jour-là, d’autres assurent que le 18 Yaar la manne commença à tomber pour Israël. Un grand nombre de chercheurs estiment que la date du 17 Yaar reste la plus probante: il s’agit du premier soulèvement des Juifs contre les Romains sous le gouvernement de Gessius Florus. La nuit suivante, donc le 18 Yaar, on alluma des feux, à travers le pays, afin d’annoncer cette première victoire. (La guerre des Juifs: livre 18, Flavius Joseph). Cela pourrait aussi expliquer l’ambiguïté du nom donné à cette ‘fête’, ses rapporteurs n’ont signalé aucune date du calendrier pour ne point éveiller la colère des romains. Ils laisseront une appellation équivoque, 33 ème de l’Omer.
D’autres commentaires lient cette date au retournement de situation durant la révolte de Bar Kochba, ce qui nous amène tout naturellement à Rabbi Akiva et la mort de tous ses élèves. Selon Maïmonide, il était l’aide de camp de Bar Kochba et considérait celui-ci comme le “roi messie”, symbolique d’une tradition où jouer avec un arc et des flèches serait porteur de sens pour les juifs exilés. Ces traditions relient très clairement Lag Ba’Omer à un événement militaire, au centre duquel vibrent et vivent des fondamentaux d’Israël qui donnent à ce jour une dimension nationale. Ce n’est donc pas par hasard si le caractère de cette ‘fête’ est devenu sombre et ténébreux pendant les années d’exil, nos législateurs exiliques, surtout en Europe centrale, n’ayant plus la moindre idée du national comme du militaire. Ainsi on institutionnalisa la mort des élèves de Rabbi Akiva au cours d’une soi-disant épidémie de diphtérie. On annihila toute probabilité de penser que les propres élèves de notre cher Rabbi et maître eussent le désir de le rejoindre aux côtés du chef Bar Koch’ba jusqu’à y laisser la vie. La montée vers Meron avait un autre sens à une certaine époque.
Des témoignages du 12ème siècle indiquent que c’était le jour «fête de la crue des eaux», autour de la grotte où furent enterrés Hillel et Shamai. Au fil des ans, un certain nombre de questions se posèrent quant à la mort de Rabbi Shimon Bar Yochai. A ce sujet, il existe une version des écrits de Rabbi Haïm Vital élève du Ari zal où il est noté « Yom Simhat Rashbi » (le jour de joie du Rabbi), et non comme on peut le lire: » Yom shemet Rabbi » (le jour de la mort du Rabbi) probablement dû à une erreur du copiste. Ceci nous fut révélé par Rabbi Avraham Kosman. Ce dernier a suggéré une hypothèse intéressante au sujet d’un tremblement de terre qui aurait frappé Jérusalem au quatrième siècle (342), exactement le jour où une tentative fut faite pour construire le Troisième Temple avec un permis du souverain romain. Ce jour est un jour de jeûne, et d’après cette thèse, il est possible d’y relier le feu comme souvenir de cette nouvelle destruction.
En revanche, certains voient dans ces festivités autour du feu de camp, une fête païenne célébrée à cette époque de l’année dans de nombreux pays européens. Au centre de ces célébrations nous trouvons les pays scandinaves où le feu était destiné au caractère sacré de l’être féminin nommé Valborg. On le célèbre encore jusqu’à aujourd’hui. Lag ba’Omer est un jour où règne l’opacité des réponses, une tradition qui nous laisse blême si ce n’est blafard. C’est peut être précisément du fait qu’il n’y avait aucun événement constitutif porteur d’une signification métahistorique que le jeûne, la joie, l’eau ou le feu y soient mêlés. Mais il est raisonnable de supposer que chacun d’entre eux reflète une vérité plus sourde. Comment est-ce possible? Eh bien répondons: «La vérité est multiple, la raison, ouverte d’esprit! »
Le mythe a bien une fonction, il occupe un rôle spécifique dans la conscience collective. Il est là pour tramer dans l’imaginaire des certitudes et se substituer au néant des craintes infinies; il est là pour accorder des solutions péremptoires à des interrogations qui demeurent sans explicationsIl cède la parole à des croyances pour répondre aux demandes les plus pénibles la présence du mal, de la souffrance, la mort, le destin de l’âme, le sens de la vie, l’existence et la nature de Dieu…. Son chargement tranquillise considérablement tous ceux qui ne désirent surtout pas questionner, mais se satisfaire des interprétations qui ont obtenu la bénédiction de la tradition. En fin de compte, le mythe donne un commentaire de la réalité qui va de soi pour celui qui y croit, il permet d’échapper aux questions, d’introduire une recherche sur la complexité de l’Être. Il infirme l’étonnement devant ce qui est, parce que l’interprétation mythique se situe hors du temps, elle ne laisse pas non plus prise à une remise en question historique. Un esprit trop asservi par l’explication mythique du monde est sujet au fatalisme. Il végète dans un total radotage du rituel, il n’entrevoit aucune possibilité de changement créateur, il s’est emprisonné dans le conformisme de la tradition, il n’envisage nulle mutation.
Il est de préférence conservateur, puisqu’il n’imagine le présent qu’en fonction du passé, qu’en fonction d’un refrain archaïque, de ce qui s’est toujours fait. Il ne saisit pas le temps comme innovant, mais le temps comme éternel recommencement. Si la pensée mythique tend à isoler l’intelligence dans une appréciation ordinaire, elle alimente aussi la croyance, elle préserve de prétendues vérités qu’il suffit de radoter. Il n’y a plus rien à instruire, plus rien à prouver: le mythe exprime ce que l’opinion défend. Ce système cantonne la pensée dans un monologue où la vérité est ce que l’on dit depuis toujours, ce que la tradition raconte. Le mythe, comme unique contenu de la pensée, nourrit la soumission.
En conséquence, il n’y a plus rien à chercher pour la pensée, il suffit de croire. Tous les hommes ont en droit un même pouvoir de décider et tous les hommes sont aussi portés à croire. Néanmoins, entraîner son esprit critique est une chose qui s’étudie et qui se pratique. La croyance est-elle plus active et plus attentive? Nous sommes souvent résignés à l’immobilisme du spirituel, une inertie qui est relative à notre projection aux compositions psychiques de notre propre esprit. Généralement nous ne pouvons-nous défendre de croire en notre manière de penser. L’immobilisme du spirituel fait que l’apathie peut ankyloser l’intellect, de sorte qu’au lieu d’avoir à l’esprit des pensées légitimes, fermement établies en conscience, nous conservons par habitude des pensées embrouillées et pas forcément nécessaires qui n’ont guère d’explication. La routine entretient le spirituel dans des ornières dont on ne sort que très péniblement. Cela requiert une prodigieuse acuité d’esprit, un vif éblouissement, une perpétuelle appétence intellectuelle et spirituelle pour que l’esprit reste inlassablement acéré. Sinon, il oserait appréhender ce qui lui est purement familier comme une certitude sans appel, ce qui est communément perçu comme ce qui devrait être intellectuellement acceptable. En résumé : croire en des préjugés de manière incongrue et étourdie.
C’est la flemme spirituelle qui encourage le conservatisme des idées reçues, ce conservatisme que nous ne remettons jamais en question car inquiets de tout bouleversement dans notre quotidien. Nous évitons de trop réfléchir par nous-mêmes, nous préférons dire et penser ce qui se dit et ce qui se pense. Le conservatisme est une tournure de la foi où l’esprit s’est assoupi dans la routine. Plus insidieuse est la nécessité de croire à tout prix, l’épuisement de l’esprit critique abandonne le champ libre à la crédulité et la crédulité peut adopter un aspect pour ainsi dire pathologique dans certains cas. Qu’est-ce que la crédulité? Un comportement dans lequel l’esprit ingurgite des idées reçues sans aucune interrogation. On raconte que l’enfant est naturellement candide. Sincèrement il est aisé de le duper et l’adulte le berne souvent. L’enfant est solitaire avec son exigence de comprendre chaque chose et c’est grâce à ce qu’il nous entend lui répondre qu’il se construit au fur et à mesure. Toutefois, l’enfant en vrai est plutôt naïf, ce qui fait qu’il ouvre de grands yeux pour tout ce qui est nouveau. Ce qui est véridique dans son rapport à la société, c’est sa naïveté. Une conscience naïve est sans aucune pensée préétablie, innocente de tout préjugé.
La naïveté consent à une relation innocente, neuve au monde. La naïveté seule peut abriter ce qui est toujours neuf, en Hébreu il s’appelle « Tam » mais veut surtout dire Intègre.La crédulité est tout autre, elle est une figure illogique de la pensée, disposée à croire plus ou moins à tout et à n’importe quoi, en clair le crédule accepte sans explications, mais pas forcément gratuitement.L’adulte est un crédule mais à l’opposé de l’enfant, il a interrompu depuis longtemps son lien avec la naïveté. Le naïf est surpris devant le monde sans pour autant ressentir de nécessité à se rassurer; or la majorité d’entre nous, bien au contraire, sommes crédules quand il y a en nous une exigence émotionnelle de croire pour être tranquille. Or, c’est une chose que de vouloir entendre ce qui nous surprend, ce qui engage la fraîcheur de la naïveté vis-à-vis de ce qui est, tout cela est très différent pour ceux qui s’évertuent à se consoler entre les bras de la croyance. Si je ne cherche qu’à me soulager, je suis donc à priori disposé à accepter tout ce qui garantit mon opulence spirituelle, ce qui veut dire contenter mes inclinations, donc très souvent à m’offrir des illusions. Ma croyance est là pour m’éclairer, elle n’est pas là pour me réconforter !
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