LE RAFFINEMENT DU CARNIVOIRE

by Rony Blog

 viande

Les rapports de l’homme vis-à-vis de la créature animale sont souvent symptomatiques de sa personnalité, nombre d’humains réduisent fréquemment l’animal au simple objet, rejetant de ce fait tout obligation morale envers ces « êtres vivants » (Baalé Haïm). Certains soutiendront que les liens qui nous unissent aux animaux et notre nécessaire délicatesse de comportement ont un rôle éducatif pour l’Homme. En effet la brutalité et l’atrocité envers la bête pourraient entacher les relations entre les êtres. D’autres pour finir octroient une telle place à l’animal qu’ils contraignent les hommes à adopter une attitude morale. Cette approche est celle de nos maitres et elle conteste totalement les deux précédentes.
Tous les êtres sensibles, capables de ressentir de la souffrance, du plaisir et d’autres sensations et émotions, sont égaux en un sens moral et en conséquence, les intérêts d’un animal à ne pas souffrir ou à vivre une vie heureuse et satisfaisante ont autant d’importance que les intérêts équivalents d’un humain. Adam symbolise l’archétype humain, il était végétarien puisque l’Eternel ne l’avait pas autorisé à manger d’autres aliments que les fruits du « Jardin d’Eden » (Gan Eden). Cette information biblique nous enseigne que la consommation de viande ne peut être comprise comme un idéal puisqu’elle était bannie dans l’absolu du Monde suprême.
Ce n’est qu’après, suite à la déchéance du genre humain, que Noé reçut l’autorisation de se nourrir d’aliments carnés. La Torah se sert à ce sujet d’une expression très singulière : « Selon ton désir, tu mangeras de la viande ». Habituellement l’écriture biblique se manifeste par des ordres ou des interdits sans référence aucune à la nature humaine, toutefois en ce qui nous concerne, l’attention portée à l’appétence de l’homme reste étrange. On doit pouvoir déchiffrer la critique sous-entendue des écritures : si l’être est dominé par une envie irrésistible de dévorer de la chair animale, on lui permet d’y succomber. Cependant au moment venu, lorsque l’avidité disparaitra, il lui faudra se défendre d’en consommer.
Le rav Kook estime que nous sommes encore loin d’être prêts pour cet « état de grâce », et considère qu’avant de propager la théorie végétarienne parmi les humains, nous devrions leur apprendre à ne plus se dévorer entre eux. C’est un objectif prioritaire! Il est toujours très risqué et chimérique pour l’homme de tenir ses promesses de spiritualité transcendante alors qu’il est à peine parvenu à réaliser ses impératifs moraux primaires. Selon Rabbi Yossef Albo, le premier végétarien du monde fut Caïn, qui avait apporté des végétaux en offrande à l’Eternel alors que son frère avait sacrifié des animaux.
Assigner l’homme et l’animal dans un même espace d’interdiction, nous expose à ne plus savoir comment interpréter la hiérarchie qui gouverne l’univers. En parallèle le professeur Henri Baruk exposait que, selon Loi juive, il serait permis d’offrir des animaux sur la table de la médecine, mais en aucun cas des êtres humains. Concevoir une certaine distance entre l’homme et l’animal demeure essentielle, cela ne contrarie point le fait qu’il faille établir des relations plus morales avec l’espèce. Or la prohibition arbitraire de manger de la viande pourrait dissoudre cette distance.
On raconte que l’un des proches du Mahatma Gandhi devait, pour sa santé, manger de la viande, de suite on sollicita l’honorable maître. Pouvait-on dans ce cas précis enfreindre le fameux interdit hindou d’absorber de la chair animale? Gandhi répondit par la négative. Étonnant humanisme!  Chacun d’entre nous peut adopter un mode de vie végétarien s’il le souhaite, mais nous ne devons jamais oublier que la moralité envers l’Homme précède celle envers l’animal. Une diligence extrême pour l’animal entraine parfois un devenir corrompu chez des individus en mal d’être, elle dépréciera leur sentiment d’humanité. Parmi les responsables nazis certains étaient végétariens, par exemple Rudolph Hess, commandant d’Auschwitz, caressait ses chiens avec affection. Sa barbarie lui était difficilement tolérable, il est possible que ses relations avec les animaux aient été un palliatif réparateur.
Nulle interdiction dans la Torah quant à la consommation de viande animale. Adam, le premier homme, n’en mangeait point et ce n’est que lorsque la dimension éthique de l’Humanité se dégrada, qu’il fut indispensable de parfaire ses devoirs moraux. Il faut centraliser toutes les ardeurs de la conscience morale quasi uniquement sur les relations entre les hommes.
Tout en permettant à l’homme de ne plus être végétarien, la Torah invite l’avenir de l’homme à s’élever vers son devenir. Et ce, par un enseignement dont les idées, les pensées rétabliront un jour tous les hommes en lieu et place de ce jardin mémorable où l’homme s’appelait Adam et la terre Eden.
L’animal n’est pas un outil mais un être vivant vis-à-vis duquel l’homme a des impératifs explicites.
Jusqu’au jour que l’on ne saurait fixer précisément à l’avance, alors seulement, s’étant élevée à un degré de moralité émérite, la conscience humaine aura l’aptitude pour dénouer ses nœuds pragmatiques avec l’animal.
Ainsi devons-nous lire le titre du manuscrit du rav Kook, « Hazon », comme une vision, un idéal. Lorsque la délectation de dévorer de la viande obéira à une aversion non pas d’ordre culinaire mais d’ordre moral, la nature humaine se sera réellement raffinée !
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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