L’HOMME: SALOP OU RESPONSABLE ? – PAR RONY AKRICH

by Rony Akrich
L’HOMME: SALOP OU RESPONSABLE ? – PAR RONY AKRICH

Une des valeurs foncières du Judaïsme est cet axiome de la Création, principe de la liberté humaine: le Créateur façonna l’homme à Son image, c’est-à-dire un reflet de la lumière Divine sur la pâleur du visage humain. Le pouvoir de l’indépendance pour chaque être et l’autonomie de chaque- un, en tant que créature unique, furent Ses clins d’œil à l’Histoire. Il décida de lui ajouter une dernière touche, des nuées de fraicheur pour une plus grande liberté d’expression et latitude de manifestation.

Fort de tous ces pouvoirs offerts à la suprême créature, l’Homme devenait le garant, le protecteur du devenir de l’individu, surtout celui des moins nantis, des plus défavorisés. Il faut savoir reconnaitre dans les tons grisonnants de l’existence, les calamités de l’indifférence, la négligence face aux injustices et la perte de combativité lorsque les libertés sont spoliées, malmenées.

Inscrire ces droits aux frontons de nos cités est plus qu’une exigence, c’est un devoir!
Gagner ces libertés reste une gageure pour l’Humanité, rien n’est jamais acquis, mais ceux qui en jouissent, éprouvent les pulsations de la vie battre en leur sein et doivent tout autant éviter son érosion.

Gracieuse est la créature créée à Son image, disions-nous! Evelyn Hall écrivait cette célèbre phrase faussement attribuée à Voltaire: « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ».

La totalité de nos devoirs sont des droits que nous devons défendre et protéger même si nous n’aimons pas toujours ce qui se dit ou ce qui se fait. Des Paroles divines, gratifiantes, s’entendent tout du long de la littérature biblique, une manière d’inciter, de motiver. Prenons cet exemple : « Si tu saisis, comme gage, le manteau de ton prochain, au soleil couchant tu devras le lui rendre. Car c’est là sa seule couverture, c’est le vêtement de son corps, comment abritera-t-il son sommeil? Or, s’il se plaint à moi, Je l’écouterai, car Je suis compatissant. » (Exode 22:26,27).

Ces préceptes réfléchissent l’intonation biblique quant à la valeur intrinsèque de chaque être humain. Ceux-là s’entendent d’autant plus à travers cet illustre commandement: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même» (Levit. 19,8), entériné par une assertion, «Je suis l’Eternel ». Autre loi à mettre en parallèle et non moins importante : « Si un étranger vient séjourner avec toi, dans votre pays, ne le molestez point. Il sera pour vous comme un de vos compatriotes, l’étranger qui séjourne avec vous, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte, je suis l’Éternel votre Dieu. » (Levit. 19,34).

Si l’Amour du prochain est notoire, il n’est cité qu’une seule fois quant à l’amour de l’étranger, pas moins de 36 fois. Au cœur de la raison hébraïque, des accents péremptoires affirment une volonté foncière de justice et illustrent l’esprit d’Israël relatif à la dimension divine de toute créature humaine. Une nouvelle inflexion sur la dignité de l’être humain est commentée lors d’une controverse entre deux maitres de la Michna: R. Akiba et Ben Azzai. Le premier pense que le verset du Lévitique19, 8 énonce le fondement biblique le plus essentiel, mais le second contredit cela et propose un autre verset comme règle de base: « Ceci est l’histoire des générations de l’humanité. Lorsque Dieu créa l’être humain, Il le fit à Sa propre ressemblance. » (Genèse 5,1).

Selon Ben Azzai, il y a là deux principes en un verset : primo, l’égalité de tous, secundo, la valeur inestimable de l’être.
Oui, l’hébraïsme cultive le sérieux de l’intégrité pour chaque-un: les serviteurs sont considérés avec bienveillance, les orphelins et les veuves sont soutenus, les immigrés sont défendus et les prisonniers de tout ordre jouissent de droits inaliénables. Le caractère unique de l’Humanité est corroboré par les Maitres du Talmud, ils insistent sur la prépondérance de l’évènement où l’être premier et singulier devient l’être fondateur de l’Humanité: « C’est pourquoi l’homme a été créé unique, afin d’enseigner que celui qui détruit une vie, c’est comme s’il avait détruit le monde, et celui qui sauve une vie, c’est comme s’il avait sauvé le monde. » (Talmud de Jérusalem traité de Sanhedrin ch.4 Mishna 5 et dans le Mishne Torah du Rambam: livre des juges, lois du Sanhedrin, ch12, 7).

La cherté de tous les humains, de chacun d’entre eux, se démontre grâce à cette même valeur en l’être créé, inhérente à chaque créature. Ils sont, dans l’apriori de la création, d’une valeur équivalente et doivent donc être respectés avec une égale dignité. « N’avons-nous pas tous un seul Père? N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés? Pourquoi commettrions-nous une trahison l’un contre l’autre, de façon à déshonorer l’alliance de nos pères? » (Malachie 2,10).

Effectivement, cette empreinte divine étaye l’idée hébraïque d’équité et de probité, elle le proclame pour toutes les créatures, les personnes et les peuples. Durant des siècles, la société patriarcale autorisa le pouvoir hégémonique des pères sur leur progéniture, la féodalité des seigneurs sur leurs vassaux, et le pouvoir des puissants sur les faibles. Les monarchies usèrent et abusèrent de leur statut de « droit divin », elles pouvaient assujettir et opprimer à leur gré, la justice arbitraire avait encore de beaux jours devant elle. La Bible hébraïque et ses exégètes nous instruisent de fondements à même d’infirmer cela et d’associer un meilleur entendement de la justice.

Nous parlons de toute créature humaine et non d’objets. Tout un chacun se doit de considérer l’autre comme lui-même, nos proches participent à cette lutte, ce combat pour un reflet harmonieux de l’image Divine sur le visage de l’Humanité. Admettons-le, bien au-delà de la loi des hommes, il existe une loi morale, fondamentale pour notre société, les hommes sont semblables, voisins, proches ou étrangers, quelle différence?
Le prophète Nathan condamna le roi David car ce dernier trama la mort d’Ouri, son fidèle général, afin d’avoir le champ libre pour épouser Batsheva. (Sam 2, ch.11 à 12). Cet épisode biblique résout la question: nul n’est au-dessus des lois, qui plus est, des lois morales, pas même l’altesse royale!

Les injonctions bibliques soulignent et réitèrent la valeur de la vie humaine, elles nous enjoignent d’aimer le voisin, l’étranger et l’autre. Ces principes moraux mettent en perspective une manière d’être, où les actes, à savoir, les comportements dans le fait et dans le geste, traduisent l’obligeance et la déférence aux préceptes. « Car cette loi que Je t’impose en ce jour, elle n’est ni trop ardue pour toi, ni placée trop loin. Elle n’est pas dans le ciel, pour que tu dises: « Qui montera pour nous au ciel et nous l’ira quérir, et nous la fera entendre afin que nous l’observions? » Elle n’est pas non plus au-delà de l’océan, pour que tu dises: « Qui traversera pour nous l’océan et nous l’ira quérir, et nous la fera entendre afin que nous l’observions? » Non, la chose est tout près de toi: tu l’as dans la bouche et dans le cœur, pour pouvoir l’observer! » (Deut 30,11-14)

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