Manifeste pour un Israël fidèle à lui-même! Par Rony Akrich

by Rony Akrich
Manifeste pour un Israël fidèle à lui-même! Par Rony Akrich

Ce texte ne s’adresse pas aux ennemis d’Israël : ils ne comprennent que le langage de la haine. Il s’adresse à ces âmes perdues dans la confusion d’une morale molle, à ces Israéliens qui, croyant parler au nom de la paix, en sont venus à désarmer leur propre esprit. Ceux qui, sous couvert d’humanisme, ont oublié l’Histoire ; qui ont troqué la vigilance pour la culpabilité, la fidélité pour la docilité, la conscience pour la bonne conscience. À vous, héritiers amnésiques d’un peuple millénaire, qui préférez être aimés plutôt qu’être justes. Vous parlez encore d’éthique, mais vous en avez perdu la racine ; vous prononcez le mot “paix”, mais vous avez oublié qu’il vient du mot shalem, “entier”, et qu’aucun peuple mutilé de son âme ne connaîtra jamais la paix.

Israël traverse aujourd’hui une crise qui n’est pas politique mais spirituelle : celle d’un peuple qui a cessé de croire en lui-même. L’humanisme occidental, né de la culpabilité chrétienne et de l’universalisme abstrait des Lumières, a remplacé la lucidité hébraïque. La compassion s’y fait sans discernement, la paix sans justice, la morale sans vérité. Mais Israël n’est pas une ONG morale : il est une aventure prophétique. Il ne fut jamais appelé à être aimé, mais à être exemplaire dans sa manière d’affronter le réel. Notre histoire n’a pas commencé à Oslo, mais à Hébron ; elle ne s’achèvera pas à Bruxelles, mais à Jérusalem.

Pour Berl Katznelson, le sionisme n’était pas un refuge mais une guérison, non une fuite de l’Histoire, mais le redressement de sa verticalité. Cette guérison est aujourd’hui menacée par une dégénérescence intellectuelle : le refus du tragique, l’oubli du destin, la haine de la force légitime. L’Hébreu biblique, qui savait allier justice et courage, s’est mué chez certains en pacifiste sentimental, en humanitaire déraciné. Ils croient aimer la vie, mais ils en nient la condition : le combat pour la préserver.

Ce ne sont plus les ennemis extérieurs qui nous minent, mais les prêtres intérieurs du doute. Des ONG locales – B’Tselem, Shovrim Shtika, Yesh Din, importent le lexique postcolonial forgé en Europe pour le retourner contre Israël. Leur arme n’est pas la kalachnikov mais la caméra : ils ne visent pas les corps, mais la légitimité. Ils transforment le soldat hébreu en bourreau et le terroriste en victime sacrée.

Theodor Herzl, dans Altneuland (1902), lança cette prophétie : « Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve. » Mais les prophètes modernes de la soumission morale inversent cette parole : si vous osez vouloir, c’est un crime. Ils rêvent d’un Israël inoffensif, domestiqué par les juges et les chroniqueurs, où la souveraineté devient suspecte et la défense une faute.

Menachem Begin, dans La Révolte, fit de la dignité et de la liberté l’axe du combat hébreu – non pour implorer, mais pour vivre en hommes libres. Et pourtant, certains de ses héritiers spirituels mendient aujourd’hui l’approbation des chancelleries étrangères. Ils ont remplacé la liberté par la reconnaissance, la souveraineté par la réputation. Jabotinsky avertissait déjà, à Varsovie en 1936, qu’un peuple qui renonce à sa dignité finit par la perdre. Mais l’élite culturelle israélienne préfère l’estime de Berlin à la fidélité d’Hébron. Elle monte des pièces où l’on pleure sur les bourreaux, où la compassion devient complicité, où la faiblesse se déguise en vertu.

Les juges, quant à eux, se prennent pour des prêtres d’un universalisme abstrait, oubliant la vision de Ben-Gourion : pour lui, la souveraineté d’Israël n’était pas un simple mécanisme d’État, mais une charge quasi sacrée, une présence du peuple dans l’Histoire.

C’est une guerre subtile : celle des mots. Nos ennemis ont compris que l’arme décisive n’était plus le fusil mais le discours. Ils ont conquis les universités, les médias, les consciences. Ils ne disent plus : « Effacez Israël », ils disent : « Soyez humains. » Ils ne disent plus : « Quittez la Judée », ils disent : « Respectez les droits. » Ils ne disent plus : « Vous êtes coupables d’exister », ils disent : « Réfléchissez à votre privilège. » Et beaucoup, parmi nous, reprennent ce lexique empoisonné. Ils croient parler au nom de la justice, mais ils récitent le catéchisme d’une civilisation qui n’a jamais voulu notre survie. La véritable occupation, aujourd’hui, n’est pas territoriale : elle est linguistique. Quand un peuple adopte les mots de ceux qui veulent le dissoudre, il se condamne à s’excuser d’être encore debout.

Le prophète Amos avertissait : « Mais que la droiture soit comme un courant d’eau, et la justice comme un torrent qui jamais ne tarit. » (Amos 5:24). Mais la justice hébraïque n’est pas celle des tribunaux moralisateurs : elle est alliance, non repentance. Elle ne cherche pas à plaire, mais à persister dans le juste.

On nous accuse de messianisme comme d’un crime. Nous le revendiquons comme une fidélité. Le messianisme n’est pas un délire mystique : c’est la conviction qu’un peuple peut infléchir l’Histoire à la lumière d’une promesse. Rav Kook voyait dans le retour à Sion le commencement d’un processus messianique concret – parfois inconscient, mais irrésistible dans sa dynamique historique (Orot). Ce mouvement, Herzl l’a incarné dans la politique, Ben-Gourion dans l’État, Katznelson dans le social, Begin dans la dignité. Tous savaient qu’Israël ne pouvait se contenter d’exister : il devait signifier. Nous ne croyons pas au miracle qui suspend la réalité ; nous croyons au miracle qui l’habite. Notre messianisme est concret : il plante, bâtit, défend. Il ne sépare pas le glaive de la parole, ni la prière de la décision. Comme le dit le Psaume 149 : « Que les louanges de Dieu soient dans leur bouche, et le glaive à deux tranchants dans leur main. » (Psaume 149:6). Ce n’est pas la schizophrénie d’un peuple violent et pieux ; c’est sa vérité : la sainteté sans courage n’est qu’illusion, et la force sans mémoire n’est que barbarie.

Il faut en finir avec cette maladie morale qu’est la honte de soi. L’exil nous a enseigné la prudence, mais il a aussi inoculé le réflexe de l’excuse. Nous avons appris à baisser la tête pour survivre, et certains n’ont jamais su la redresser. Mais l’Hébreu revenu ne demande pas la permission d’exister. Il n’attend pas qu’on le tolère ; il assume de déranger.

Ben-Gourion le rappelait : la vocation d’Israël n’a jamais été la normalité, mais l’exemplarité morale et historique. Et Bialik, dans Dans la ville du massacre (1903–1904), ne sanctifie pas la rhétorique de la vengeance : il appelle à un sursaut moral à la hauteur du sang répandu. Nous ne sommes pas revenus pour être normaux ; nous sommes revenus pour être justes. Et la justice, parfois, exige la fermeté. Notre vocation n’est pas la modestie morale, mais la droiture spirituelle.

Depuis Moïse jusqu’à Herzl, depuis les prophètes jusqu’à la Déclaration d’Indépendance, un même fil se tend : celui d’un peuple convoqué à faire du monde un lieu de justice vivante. Mais la justice hébraïque n’est pas la morale universelle des salons : elle est enracinée, incarnée, historique. Elle ne se pense pas sans la terre, sans la langue, sans la mémoire. Le retour à Sion n’est pas une réparation géographique, mais une résurrection spirituelle. Ben-Gourion affirmait que le sionisme n’avait de sens que s’il produisait une humanité nouvelle. Cette humanité n’est pas un projet mondialiste : c’est une intensification de la vie, ici, entre la mer et le Jourdain, dans cette géographie où le divin rencontre la poussière. Nous ne cherchons pas à être universels – nous cherchons à être exemplaires. Et si le monde veut apprendre de nous, qu’il vienne voir comment un peuple peut se tenir debout sans renier sa source.

Ce manifeste n’est pas un programme politique ; c’est un rappel ontologique. Nous ne discutons plus d’opinions : nous parlons de survie spirituelle. Nous affirmons que la souveraineté d’Israël est une dimension du sacré dans l’Histoire. Que la fidélité à notre vocation est notre seule légitimité. Que la paix véritable ne viendra pas de négociations, mais de la clarté retrouvée de notre mission.

Nous appelons à un sursaut de conscience : à redevenir Hébreux, c’est-à-dire debout, responsables, intransigeants avec le mensonge. À reprendre la parole prophétique là où le bavardage humanitaire l’a étouffée. À rappeler au monde, sans arrogance mais sans trembler, que notre existence n’est pas un accident, mais un signe.

« Ce n’est ni par la puissance ni par la force, mais c’est par mon esprit, dit l’Éternel des armées. » (Zacharie 4:6).

Ce souffle, il ne s’impose pas, il se respire. Respirons-le à nouveau. Et que ce manifeste ne soit pas un cri, mais une marche.

Nous ne nous excuserons plus.

Nous ne quémanderons plus.

Nous ne justifierons plus notre droit d’exister.

Nous ne voulons pas plaire : nous voulons durer.

Nous ne voulons pas être normaux : nous voulons être justes.

Nous ne voulons pas être aimés : nous voulons être fidèles.

Et c’est pourquoi, oui, nous sommes messianistes – comme Herzl, qui voulut ce que nul ne croyait possible ; comme Ben-Gourion, qui fit naître un État au milieu du désert ; comme Katznelson, qui rêva d’une nation réparée de l’exil ; comme Rav Kook, qui vit dans chaque fermier de Galilée un signe de rédemption ; comme Begin, qui refusa de plier devant les empires ; comme Jabotinsky, qui rendit au mot “honneur” sa résonance hébraïque.

Nous sommes leurs héritiers, non leurs élèves.

Et nous dirons à notre tour, d’une voix ferme, sans colère et sans honte :

il est temps de redevenir Hébreux.

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