Donald Trump a parlé. Comme toujours, il a parlé fort. Face aux caméras rassemblées à La Haye, lors du Sommet de l’OTAN, le président des États-Unis, quelques mois seulement après son retour à la Maison-Blanche, a revendiqué, sans sourciller, la victoire contre l’Iran. Devant les journalistes, Trump fut emphatique, grossier, arrogant. Il parla comme un acteur de mauvais théâtre, engoncé dans sa propre mise en scène. Son ego était démesuré, son ton méprisant, sa posture injurieuse à l’égard de tous ceux qui avaient réellement combattu. Aucune reconnaissance pour les vies israéliennes perdues. Aucun mot pour ceux qui ont payé le prix du silence stratégique américain des premiers jours. Ce n’était pas un chef d’État en conférence, c’était un narcissique en croisade pour sa propre légende. Il s’est présenté comme un maître orchestre d’un conflit auquel d’autres avaient contribué, comme un stratège isolé qui avait dirigé une bataille que d’autres avaient menée. Pour lui, seuls les Américains étaient des héros. Le reste n’existait pas. L’armée israélienne, les pilotes, les services de renseignement de Tsahal, le Mossad et les commandos au sol ont disparu de la mémoire collective. Douze jours de conflit, d’anxiété, de violence et de résistance israélienne se sont effacés, noyés sous les paroles triomphales d’un président en quête de gloire. Ce que Trump offre au monde, ce n’est pas une analyse, mais une représentation. Il s’importe peu que l’armée israélienne ait intercepté, désamorcé et détruit des centaines de missiles balistiques iraniens. Que le Mossad ait mené des opérations secrètes en Turquie et en Europe dès avril pour perturber l’approvisionnement des Pasdarans ne le préoccupe pas (Haaretz, 14 juin 2025). Le renseignement militaire israélien ayant localisé en temps réel les sites de lancement dispersés au Kurdistan iranien, au Khouzistan et dans la région de Tabriz, cela lui importe peu. L’essentiel est que l’attention soit portée sur lui. Peu importe qu’il ait demandé un cessez-le-feu alors que les missiles s’abattaient sur Israël dès 5 h. Peu importe qu’au cœur de ce chaos, Israël se soit défendu seul, sur le plan militaire, diplomatique et moral. Les caméras avaient besoin d’un « vainqueur » ; Trump s’est désigné lui-même. Nier que l’intervention militaire américaine, en particulier la frappe aérienne ciblée du dimanche matin menée par les bombardiers furtifs B-2 Spirit, a contribué de manière significative à la destruction des installations nucléaires souterraines iraniennes serait manifestement injuste. Ces avions ont lâché des bombes perforantes capables de pénétrer jusqu’à 60 mètres sous terre, selon les agences de renseignement israéliennes et américaines. Elles auraient neutralisé au moins deux sites clés liés à l’enrichissement de l’uranium. Cependant, on doit absolument le souligner : cette frappe aérienne est survenue tardivement, alors que l’État d’Israël était seul sur le terrain depuis onze jours et faisait face à des vagues de missiles ennemis. Israël a dû protéger sa population et supporter l’essentiel du combat, contrairement aux États-Unis qui ont agi en dernier recours. Israël a porté le fardeau de cette bataille sur ses épaules, dans son ciel et dans sa chair. Au-delà de ce spectacle ridicule, un malaise plus profond qui émerge : l’effacement volontaire de la réalité. Quelques personnes, notamment dans la presse occidentale et dans les ambassades, ont commencé à louer « l’esprit de combat de l’Iran », allant jusqu’à parler d’un « affrontement équitable entre deux puissances ». Cependant, on doit impérativement souligner que ce conflit n’a absolument pas été équitable. On devrait plutôt parler d’une campagne délibérée et massive de tirs de missiles balistiques — et non de simples roquettes artisanales — directement visant des zones urbaines israéliennes. L’Iran a délibérément tiré plus de 780 missiles balistiques. Ces missiles incluent des modèles comme les Shahab-3, Sejjil et Zolfaghar. Certains possèdent des têtes précises, d’autres des charges à fragmentation. Cela vise à maximiser les pertes humaines (Unité de communication de l’IDF, 16 juin 2025). Ces projectiles n’étaient pas improvisés, mais visaient délibérément des zones civiles israéliennes : Rishon LeZion, Bat Yam et Be’er Sheva. Un projectile a directement frappé l’hôpital Soroka, à Be’Er Sheva, entraînant l’évacuation de plusieurs services sensibles, notamment la maternité et les urgences pédiatriques. Ces frappes n’étaient pas des dommages collatéraux ou des erreurs de trajectoire. Elles reflétaient plutôt une stratégie délibérée visant à semer la terreur, à briser le moral national israélien et à faire plier la société. Le plus grave n’est peut-être pas là. En effet, pendant que les puissances occidentales applaudissent la « désescalade », le régime iranien, lui, recommence déjà. On a ainsi compté 43 arrestations dans les provinces du Lorestan, du Sistan-Balouchistan et du Kermanchah depuis la trêve (Hengaw Organization for Human Rights, 23 juin 2025). À Téhéran, trois journalistes ont disparu après avoir évoqué les frappes israéliennes sur des centres de commandement militaire. À Mashhad, Ispahan et Qom, la police a arrêté plus de 70 manifestants, accusés d’atteinte à la sécurité de l’État (Amnesty International, rapport du 24 juin 2025). On connaît le sort qui leur était réservé : tortures, procès expéditifs, condamnations à mort. Le régime des mollahs est revenu à ses méthodes. La peur a repris ses droits. Les tortionnaires ont repris leur activité. Et le président américain, sous les projecteurs, ne prononce pas un mot sur ces exécutions. Il ne dit rien non plus sur les femmes battues à Evin. Il garde aussi le silence sur celles qui, il y a deux ans, criaient « Femme, Vie, Liberté » dans les rues de Téhéran. On n’en entend plus parler depuis.
Je rédige ces lignes non comme un observateur distant, mais comme un homme qui vit en Israël. Chaque matin, je suis réveillé par les sirènes, je serre les dents quand les enfants se précipitent dans les abris, je vois les nuages de fumée noire s’élever au-dessus des villes que j’aime. Je les écris en tant que témoin, car j’ai vu, de mes propres yeux, les visages marqués par la tristesse, les silences dans les hôpitaux, les regards éteints de ceux qui ont tout perdu. Mais j’ai surtout vu le courage, celui de nos soldats. Notre unite nationale puissante et resiliente, un peuple tout entier, qui, malgré les coups durs, ne se laisse pas abattre. Alors, non, je ne peux pas me taire lorsque le président américain, fraîchement installé à la Maison-Blanche, s’invente une victoire sur notre dos. Je ne peux pas rester silencieux lorsque les médias occidentaux louent la « ténacité » iranienne, mais passent sous silence nos pertes, nos blessures et le traumatisme de nos enfants. Et je ne peux pas me taire lorsque, hors des caméras, le régime des mollahs commence déjà à pourchasser et à faire taire ses propres citoyens, y compris des femmes, des étudiants, des poètes et des journalistes. Je ne suis pas naïf ni cynique, je sais que la politique est faite de mensonges, de négociations et de manipulations. Chacun de nous doit assumer sa part de responsabilité, nous devons éviter de devenir des complices. En effet, le silence, surtout s’il est bien habillé, peut devenir un mensonge. C’est pourquoi je prends la plume., c’est pourquoi j’écris, comme un rappel pour ceux qui ont perdu leur voix. Demain, l’Histoire ne doit pas être réécrite par ceux qui détiennent les micros, mais célébrer ceux qui ont su résister. En effet, en Israël, nous savons que, parfois, rester silencieux équivaut à trahir.