L’émotion suscite une réponse, la raison éclaire, mais qui prête encore attention à la lumière ?
Nous vivons dans une époque où les émotions dominent, où l’instantanéité prime sur la réflexion, où l’indignation précède toujours l’analyse. Les émotions déclenchent des réactions immédiates, bruyantes, contagieuses. Elles exigent un recul et une nuance. Elles crient, elles frappent, elles rassemblent, voire elles lynchent. Dans une société du clic et du buzz, ce sont les émotions qui font autorité, et non plus la vérité. La raison, quant à elle, ne suscite rien, elle ne contraint pas, elle suggère, elle ne cherche pas à submerger, mais à comprendre, elle n’émeut pas, elle éclaire. C’est précisément cela qui la rend inaudible dans une époque où les images, les slogans, les larmes à la télévision et les colères prêtes à être exprimées nous assaillent. En effet, une société devenue inaccessible à la raison est vouée à l’échec. Les émotions, lorsqu’elles sont laissées sans contrôle, deviennent manipulables. Elles peuvent servir à des fins malveillantes aux mains des puissants ou des démagogues. Elles créent des foules, plutôt que des citoyens, et génèrent des mouvements plutôt que des pensées. Elles favorisent la tyrannie du ressenti par rapport à l’exercice difficile de la pensée critique. Quand l’émotion dicte seule l’opinion, les faits deviennent secondaires, la contradiction devient intolérable, et le débat, impossible. En effet, les émotions provoquent des réactions, mais c’est à la raison que revient la tâche d’éveiller les esprits. Les consciences doivent être ouvertes à la discussion et à l’échange d’idées.