Le « Tronc commun » (programme LIBA) est un plan élaboré par le ministère de l’Éducation nationale.
Il comprend des matières ayant vocation à être une base commune pour tous les établissements d’enseignement élémentaire, tout en prévoyant un soutien financier pour la réalisation de ces études.
Les principaux opposants à ce programme sont les ultra-orthodoxes, qui expriment une opposition catégorique à l’intervention dans les programmes de leurs établissements d’enseignement.
L’État d’Israël est caractérisé par de nombreuses divisions, se reflétant dans la religion, la démographie et les classes économiques et sociales. La pensée derrière ce plan de base pour l’éducation provient de ces nombreuses disparités présentes parmi les enfants des différents secteurs.
Un comité consultatif propose une redéfinition des objectifs dans ce domaine, ainsi qu’un changement du concept éducatif qui pourrait les fédérer tous. Dans leur rapport ils citent le célèbre ‘Janusz Korczak’ disant:
«Réparer le monde signifie réparer l’éducation.»
Ils utilisent ce principe comme fondement pour corriger le système éducatif en Israël au 21e siècle. Selon eux, la réforme est nécessaire, puisqu’il est aujourd’hui possible de distinguer des inégalités substantielles entre les secteurs, et il est essentiel d’unir les différentes sphères sous un même parapluie éducatif.
Les principes du programme détaillés dans le rapport du ‘comité Dovrat’ portent sur le renforcement de l’éducation publique et, partant, sur la réduction des lacunes créées dans le système éducatif.
Le comité note que l’éducation publique joue un rôle central dans la création d’une infrastructure culturelle, et de valeurs, commune pour tous les citoyens.
Là où il y aura une amélioration de l’éducation publique, la cohésion sociale s’accroîtra.
De plus, en raison de la réalité sociale et économique en Israël, le rôle du système éducatif est de créer ce « tronc commun », afin que tous les enfants, quel qu’ils soient, aient les mêmes opportunités. Le plan de base symbolise l’ambition du gouvernement israélien de créer une égalité initiale des chances entre les enfants israéliens. Selon les auteurs du programme, il est possible, si l’on comble ces lacunes, d’ouvrir les portes du devenir à tous les enfants sans tenir compte de leur origine ou leur croyance.
En pratique, ce plan a rencontré de nombreuses objections. L’opposition provient précisément des secteurs dans lesquels le plan était censé apporter des améliorations, principalement les secteurs arabes et ultra-orthodoxes. Certes, les écarts créés à la suite de l’immigration en provenance de Russie et d’Éthiopie sont également notés, mais l’accent semble être mis sur le grand décalage creusé au fil des années entre l’éducation publique juive et l’éducation ultra-orthodoxe et arabe.
La religion est un facteur de division dans la société israélienne.
Outre la distinction entre les différentes religions, juive, musulmane, chrétienne et druze, chacun de ces groupes témoigne également d’un fossé entre religieux et laïcs. Dans la population juive, majoritaire dans la société israélienne, il existe nombres de clivages politiques, religieux et de différenciation sociale et culturelle. Ces divergences sont particulièrement problématiques dans la création de valeurs similaires entre tous les citoyens du pays. La lutte acharnée pour empêcher les étudiants ultra-orthodoxes d’étudier le « tronc commun » est un crime contre la société israélienne dans son ensemble. Il faut préserver l’état des choses, disent-ils ou selon le propos, erroné, du Hatam Sofer (1762 – 1839) bien avant la Shoa: « Toute nouveauté est interdite par la Torah! »
Néanmoins, de plus en plus de travailleurs de terrain et de dirigeants locaux du secteur ultra-orthodoxe comprennent que le manque d’études de base les oblige à rester pauvres, rétrogrades et les empêche d’entrer sur le marché du travail.
C’était la dernière heure d’école, entre 17h00 et 18h00. Peut-être même plus tard. Après une longue journée d’école, débutant par la prière du matin à 7 heures du matin et se poursuivant par l’étude du Talmud toute la journée, la discipline des élèves est particulièrement laxiste me raconte Davidi. Nous utilisons cette dernière heure tous les jours pour organiser une émeute de classe devant des enseignants impuissants.
« Dans l’établissement où j’ai étudié pendant quelques années, l’une des Yeshivots particulièrement pieuse de Bnei Brak, il n’y avait presque pas de parascolaires. Je ne me souviens que des études de base en calcul, pas même des fractions, pas d’anglais, pas d’histoire, pas de science. Seulement des études du «sacré». L’enseignant de la matière «profane» savait pertinemment, et par avance, qu’il n’obtiendrait aucun soutien de la direction pour obliger les élèves à étudier le calcul. Je ne me souviens même pas d’un examen sur le sujet, personne, par ailleurs, ne se souciait des notes.
Le professeur Stern était tellement découragé qu’au lieu d’enseigner le calcul, il nous lisait des livres de Charles Dickens.
Je vais te dire à quoi ressemble le parcours scolaire de chaque garçon ultra-orthodoxe appartenant au courant dominant : H’eder (équivalent de l’école primaire) avec presque pas de matières profanes en semaine puis la « petite yeshiva » avec seulement des études religieuses puis la « grande yeshiva », le mariage et les enfants. S’extraire d’un tel cycle est extrêmement difficile. Un effort substantiel est nécessaire pour parvenir aux compétences d’apprentissage et combler les lacunes accumulées au fil des années. »
La lutte des ultra-orthodoxes pour empêcher les études de base pour leurs enfants est un crime – non seulement contre la société israélienne dans son ensemble, qui ne sera pas en mesure de financer les coûts sociaux d’un public aussi vaste et pauvre à l’avenir, mais surtout contre cette jeunesse dont certains veulent entrer sur le marché du travail mais sont bloquées et contraints de rester pauvres et en arrière-plan.
De plus en plus de personnel de terrain et de dirigeants locaux de ces secteurs le comprennent. C’est la raison pour laquelle il a même été possible de mettre en avant la proposition, avec le soutien du Admour de Belz, de financer des établissements d’enseignement hassidiques en échange de résultats en mathématiques, en anglais et en sciences naturelles – dans des tests qui seront menés sous la supervision du ministère de l’Éducation.
Pour contrecarrer cela, une véritable levée de boucliers parmi les maitres d’œuvre de l’inertie orthodoxe et créant une terrible anarchie chez leurs brebis La conclusion est évidente: il n’est plus possible de formuler de nouvelles orientations avec les dirigeants politiques ultra-orthodoxes. Ils sont pleinement déterminés à préserver le statu quo. Au lieu de cela, l’État devrait initier de plus en plus de processus, les ignorant et offrant une voie d’échappée, une voix audible, pour ce public.
Une telle décision a été prise, par exemple, lorsque la filière orthodoxe d’État fut créée par le ministre de l’Éducation Shai Piron en 2014.
Malgré une lutte agressive des chefs de file contre elle, elle réussit à prendre son élan et à se développer dans des villes comme Jérusalem et Beit Shemesh ainsi que dans d’autres provinces. Certes, il ne s’agit encore que de 3%, environ, d’étudiants, mais il y a de plus en plus de demandes.
Afin de favoriser l’afflux de travailleurs, l’État doit assouplir les barrières et permettre la création de plus en plus d’institutions de ce type.
Dans certains endroits, les autorités locales, en raison de pressions politiques, l’empêchent. L’État doit s’impliquer sur cette question et s’assurer que le taux de croissance de ces étudiants vers le marché du travail sera plus élevé, et lorsque l’offre sera là, la demande viendra de la région.
La filière de l’enseignement public pour les écoles élémentaires n’est que la première étape. La prochaine devrait être la « petite yeshiva ». L’accent mis sur un haut niveau d’éducation dans ces établissements est moindre, bien qu’il soit peut-être encore plus important que dans les écoles élémentaires. Ces dernières années, de plus en plus d’institutions secondaires ultra-orthodoxes ont été créées qui permettent aux garçons un parcours d’études de yeshiva combinant des études religieuses avec un réel programme profane, au grand dam des rabbins et des dirigeants ultra-orthodoxes.
L’objectif de l’État devrait être d’augmenter la budgétisation et l’aide à ces institutions afin qu’elles puissent se développer et offrir une éducation de meilleure qualité à un public plus large.
L’État doit cesser de creuser dans le marécage politique h’aredi. Il y a un échec démocratique aigu dans la politique ultra-orthodoxe qui ne permet pas aux voix sur le terrain de se faire entendre, le souverain, dans ce cas, ne représente pas le peuple. Le moment est venu de bousculer la fourmilière et de créer de plus en plus de faits probants sur le terrain même, ainsi l’offre de filières d’enseignement public s’accroîtra et cheminera vers l’enseignement primaire et post-primaire.