Sans aucun doute, la philosophie est la mère de toutes les sciences humaines !
Néanmoins, aujourd’hui, les études dans ce domaine incluent également celles sur l’art, la littérature, le Judaïsme et les religions, la linguistique, l’histoire et plus encore.
Qui n’a pas entendu l’expression « avec la philosophie on ne va pas au marché…! »
Alors, où va-t-on avec la philosophie ? Avec la littérature, l’art ou tout autre sujet de nos humanités ?
On ne va pas avec elle au marché, c’est vrai, mais est-il possible d’établir avec elle une société humaine, de justice et de paix ?
Depuis que le monde a commencé à réfléchir à la manière dont il mène sa vie commune, il a attaché une grande importance aux vertus intellectuelles des citoyens comme base d’un État prospère, depuis la philosophie grecque.
Par exemple : La compréhension qu’une bonne société repose sur des personnes instruites, une connaissance profonde de la réalité, de larges horizons, un sens des responsabilités et une maîtrise des outils politiques étaient communs à de nombreuses périodes de l’épanouissement humain, de l’ère classique en passant par la Renaissance et les Lumières.
Et aujourd’hui ?
Eh bien commençons, dans le désordre, et lisons ce que Martin Heidegger nous enseigne. Il est probablement le philosophe allemand le plus difficile à comprendre qui ait jamais vécu (et il constitue une rude concurrence avec Kant, Nietzsche et d’autres). Son écriture est complexe, pleine de mots allemands avec un nombre de syllabes à deux chiffres. Mais, en dépit de ce langage lourd et complexe, Heidegger raconte quelques vérités simples sur le sens de nos vies, les maux de son temps et le chemin vers la liberté !
Né en 1889 dans la périphérie agricole de l’Allemagne. Heidegger aimait cueillir des champignons, se promener dans les champs et se coucher tôt. Il détestait la télévision, les avions, la musique populaire et les aliments transformés. Lors de la montée au pouvoir des nazis, il était un partisan d’Hitler et utilisait son appartenance au parti nazi pour progresser dans le monde universitaire. Mais un an après l’arrivée au pouvoir des nazis, Heidegger est devenu sobre, a quitté l’université où il enseignait, sans jamais s’excuser pleinement pour son soutien à Hitler. Le philosophe a passé la majeure partie du reste de sa vie dans une cabane dans les bois, loin de la civilisation moderne. Les moments difficiles de son passé ne l’ont cependant pas empêché d’être et de rester l’un des philosophes les plus importants de la philosophie européenne du siècle dernier et en particulier de la philosophie existentielle (existentialisme), Heidegger diagnostiquait que la société moderne «souffrait » de plusieurs maladies mentales.
Tout d’abord, selon lui, nous avons oublié de remarquer que nous sommes vivants. Bien sûr, en principe chacun de nous sait qu’il est vivant, mais selon Heidegger nous ne sommes pas en contact quotidien suffisant avec le mystère même de l’existence, un mystère qu’il a appelé dans son livre « L’Être et le Temps » comme «DASEIN» ou en français : «être-là» (en allemand SEIN signifie « être » et DA signifie « là »).
Ce sont des instants brefs et rares. Tard dans la nuit ou si l’on est très seul, on se retrouve face à l’étrangeté indigeste de tout :
Pourquoi les choses existent-elles telles qu’elles sont ?
Pourquoi sommes-nous ici, pas là-bas ?
Pourquoi y a-t-il quelque chose et rien ?
Pourquoi le monde est-il ainsi ?
Généralement, en évitant ces questions, nous évitons une confrontation avec ce que Heidegger pose comme l’opposé du « DASEIN » : le néant (en allemand: « DAS NICHT »)
Ensuite, toujours selon le philosophe, nous avons oublié que toute existence et tout être sont en réalité liés. La plupart de notre temps de travail et de notre vie quotidienne nous rendent égoïstes, voire égocentriques. Nous traitons les autres et la nature comme un moyen et non comme une fin en soi.
Mais, de temps en temps, arrive le moment où nous sortons de la zone de confort de nos mères et adoptons une vision du monde plus complexe et plus large. Dans ces moments-là, nous pouvons faire l’expérience de ce qu’il appelle « l’unité de l’être » dans laquelle nous nous concentrons sur le fait que nous, l’arbre, le nuage, le scarabée et l’étrange type de l’appartement d’à côté, existons tous en ce moment et sommes unis de la manière la plus fondamentale pour faire partie de cette existence commune. Ces moments (qui surviennent souvent lors de ses promenades dans les champs) sont très importants et peuvent être utilisés comme moyen de transition vers une forme de générosité plus profonde. Il nous faut surmonter l’aliénation et l’égoïsme, donner une plus grande valeur au peu de temps dont nous disposons dans ce monde… avant que vienne l’inévitable tour du néant.
Enfin, et ce sera troisième problème de la vie moderne identifié par Heidegger, nous oublions d’être libres et de vivre pour nous-mêmes.
Il est vrai, nombreux sont les aspects de notre vie qui ne sont pas soumis à notre choix et nous sommes, selon les mots de Heidegger, « jetés dans le monde » dès notre naissance, dans une certaine situation sociale, au sein de certaines perceptions et contraintes que nous n’avons pas créées.
La philosophie de Heidegger cherche à nous aider à faire face au fait d’être « projeté » dans l’existence en comprenant notre situation.
Selon lui, nous devons dépasser le provincialisme de la psychologie, de la société et de notre profession pour adopter une perspective plus globale sur le monde. Ce faisant, nous pourrons passer de «l’inauthenticité» dans la terminologie heideggerienne, à «l’authenticité»
En d’autres termes, nous commencerons à être nous-mêmes, à vivre pour nous-mêmes. Malheureusement, selon Heidegger, nous échouons lamentablement dans cette tâche la plupart du temps.
L’humanité se contente principalement de se soumettre à une forme d’existence superficielle et socialement dictée qu’il appelle les « eux-mêmes » (par opposition à «nous-mêmes»). Nous laissons le « bruit » de la télévision, des journaux et de la rue nous envahir et déterminer qui nous sommes, chercher où est le bien, où est le mal, comment nous comporter.
Selon Heidegger, nous concentrer sur notre mort inévitable nous aidera à nous éloigner du « eux-mêmes ». C’est en réalisant que les autres ne pourront pas nous sauver du « néant » que nous cesserons de vivre pour eux, cesserons de nous soucier autant de leur opinion, cesserons de consacrer toute notre volonté, notre temps et notre vie à leur plaire.
Dans une de ses conférences données en 1961, on lui demandait comment nous pouvions mieux gérer notre vie. Sa réponse a été simple : nous devons passer plus de temps dans les cimetières ! À suivre…!
Rony Akrich