Peut-on être religieux sans être spirituel ou spirituel sans être religieux ?
L’idée est simple : le judaïsme est comme le manuel d’instructions du Créateur, et quiconque souhaite faire fonctionner la « machine » en douceur suit ces instructions. La spiritualité, quant à elle, est littéralement l’esprit des choses. Ainsi, il est possible de poser des actes religieux sans spiritualité, tout comme une personne peut fonctionner selon les instructions, sans jamais se connecter à son moi intérieur ni reconnaître son essence personnelle.
La spiritualité représente le sens des choses, l’âme, l’intériorité. Un être spirituel est en quête constante de perfectionnement. Il examine ses motivations, essaie de faire un examen de conscience de ses actions et, surtout, reste honnête avec lui-même et avec les autres. La spiritualité implique une ouverture aux idées nouvelles et une volonté de se déplacer partout pour réaliser les principes auxquels on croit. Elle incarne tout ce qui nous rend humains, en tant qu’Homo sapiens.
Au début de mon cheminement, j’étais pleinement intégré parmi les religieux normatifs, mais je rencontrais rarement la spiritualité espérée. La religiosité m’a rendu pratique, axé sur des rituels déconnectés d’une véritable profondeur. Certes, les tefillin tentaient de me lier aux hauteurs célestes, l’étude de la Torah et les commandements visaient à me fortifier dans ma foi, et mes prières aspiraient à une sérénité divine. Pourtant, une spiritualité profonde et authentique restait insaisissable.
Je m’étais conformé aux lois, acceptant ma nouvelle identité au sein de la communauté des croyants. Je croyais en une sorte de « peut-être ». Je suis devenu un fervent adepte de l’orthopraxie, suivant les règles sans les remettre en question, sans exiger de moi une véritable introspection. Je ne critiquais pas l’esprit des conventions établies.
Lorsque je me suis réveillé après une réanimation cardiaque à l’hôpital Hadassah, j’ai soudain ressenti moins le besoin de religiosité et plus le besoin de vivre intensément le sens profond des choses, ce que Kant aurait appelé le « noumène ». Le « quoi » et le « pourquoi » sont devenus mes alliés, tandis que le « comment » me conduisait au doute. Mon ontologie personnelle de l’âme, du monde et de Dieu s’est tissée en moi.
Je suis devenu un être spirituel, conscient de lui-même, véritable dans son essence, en perpétuelle évolution. Ainsi, ma spiritualité humaine s’est libérée, même si elle n’était plus nécessairement empreinte de religiosité conforme aux canons habituels.
Il existe de nombreuses religions à travers le monde, et la plupart possèdent leurs propres textes spirituels. En tant qu’élève de plusieurs d’entre elles, j’ai découvert des éléments précieux dans chacune. En termes simples, l’objectif de la religion est de cultiver le désir et la capacité de ressentir la présence divine dans la vie d’une personne. C’est le but de tous les enseignements et rituels, que ce soit dans les grandes institutions ou dans l’intimité d’un foyer.
Ce désir et cette capacité doivent nous conduire à la sagesse que le Créateur a placée dans chaque cœur humain. En d’autres termes, on croit que la religion peut renforcer la spiritualité. Mais cela n’est possible que si nous restons pleinement ouverts à l’élément spirituel de la religion, car c’est ce qui améliore l’harmonie de l’être.
Si nous sommes religieux sans être spirituels, nous progressons à peine. En fait, cela peut engendrer de nombreuses perturbations. Si la religion enseigne ou encourage le jugement envers soi-même et envers les autres, cela perturbe souvent l’âme. En revanche, la spiritualité favorise la compassion envers soi-même et autrui.
Cependant, cette quête peut aussi nous amener à refouler certains aspects de nous-mêmes que nous pourrions juger indignes d’acceptation. Une religion qui impose une confiance aveugle aux sages ou aux textes sacrés, sans écouter les impulsions de notre âme, peut nuire à notre harmonie émotionnelle.
Bien sûr, les avis extérieurs peuvent être utiles, mais uniquement si la personne qui les reçoit y adhère sincèrement. De même, les textes sacrés ont leur utilité, mais leurs interprétations doivent être intégrées et transformées par l’intellect, le cœur et l’âme de chacun, et non imposées comme des vérités définitives par une autorité extérieure.