Souccot et nos soldats : la fragilité habitée par la fidélité. Rony Akrich

by Rony Akrich
Souccot et nos soldats : la fragilité habitée par la fidélité. Rony Akrich

Rappelez-vous, frères et sœurs d’Israël, ces soldats de Tsahal, fils et filles de notre peuple, qui, avec abnégation, courage et héroïsme, ont affronté le mal à l’état pur. Rappelez-vous leurs visages jeunes, leurs regards déterminés, leurs cœurs brûlants d’amour pour la vie, pour leur peuple et pour leur terre. Ils n’ont pas combattu pour la gloire, ni pour la vengeance, mais pour la vie même, pour que demeure Israël, pour que son peuple puisse respirer librement sous le ciel de la promesse.

Ils ont porté sur leurs épaules le poids de notre sécurité, de notre mémoire et de notre avenir. Leur sacrifice n’est pas un souvenir figé: il est un feu vivant, un engagement que nous devons prolonger par nos actes, nos paroles et nos prières. Que leurs noms, leurs gestes, leurs sacrifices soient gravés dans nos consciences comme un serment : celui de ne jamais trahir la fidélité ni la gratitude que nous leur devons.

Et pourtant, au cœur de cette mémoire, Souccot vient nous rappeler la vérité de notre condition: la vie humaine est précaire, transitoire, suspendue entre ciel et terre. La vie sous la souccah, frêle abri ouvert aux vents, n’est pas seulement le souvenir d’un passé désertique, elle est le miroir de la fragilité même de notre existence. Elle nous relie à ceux et celles qui, aujourd’hui encore, vivent cette précarité dans sa forme la plus concrète : nos soldats, hommes et femmes, qui veillent jour et nuit aux frontières d’Israël. Eux ne sont pas abrités par des branchages, mais par le courage ; non par une toile, mais par la fidélité. Ils se tiennent debout, portés par la ferveur d’un peuple ancien, celui des Hébreux, dont ils incarnent la promesse et la responsabilité.

Sous nos souccot fragiles, nous partageons avec eux le même souffle : celui de la foi en la vie, de l’amour d’Israël et du refus de plier devant la peur. Ainsi, la souccah devient plus qu’une cabane de feuillage, elle est une tente d’unité, un sanctuaire de mémoire, une prière de gratitude. Chaque feuille qui frémit, chaque rayon de lumière qui traverse la toiture légère, devient un signe : celui que la Présence divine demeure parmi nous tant que nous savons aimer, protéger et remercier.

Ajoutons à notre souvenir le nombre incalculable de blessés, hommes et femmes, marqués à jamais, mutilés dans leur chair, meurtris dans leur âme. Leur douleur prolonge le combat; leur vulnérabilité nous appelle plus que des mots. Nous n’avons guère besoin de simples manifestations d’affection ou de solidarité symbolique: ces gestes ne prennent leur vraie signification que lorsqu’ils s’incarnent dans une participation concrète, physique et active.

Par participation concrète, j’entends des actes tangibles et compatissants: accompagner les blessés et leurs familles, soutenir les centres de soins, offrir du temps comme volontaire, organiser ou financer une aide matérielle et psychologique, soutenir les veuves et les orphelins, participer à des services civiques ou communautaires, prier et veiller, autant de manières de porter la charge de notre peuple. Ceux-là honorent vraiment la fidélité que nous devons aux sacrifiés comme aux vivants.

Mais cette fidélité ne saurait rester symbolique. Elle appelle chaque âme juive, où qu’elle se trouve, à reconnaître sa part de responsabilité dans l’histoire qui s’écrit ici, en Israël. Nul ne peut demeurer spectateur lorsqu’un peuple combat pour sa survie. La Torah elle-même nous enjoint: « ne sois pas indifférent au danger de ton prochain: je suis l’Éternel » (Vayikra 19,16). C’est une loi de conscience: celle de ne jamais détourner le regard de celui qui lutte ou souffre pour que la lumière d’Israël demeure.

Participer à cette fidélité, c’est rejoindre, par la pensée, la parole et l’action, cette révolution silencieuse de l’être hébreu: redevenir responsable, courageux, vivant. Ce n’est pas un ordre, c’est un appel, celui de l’alliance. Et cet appel, chacun l’entend dans le secret de son cœur, là où s’éveille la conscience de ne pas trahir ses frères et sœurs.

Puissions-nous, en cette fête de Souccot, élever nos voix pour bénir nos soldats, vivants et tombés, et pour redire, sous nos abris ouverts au ciel, que la foi d’Israël ne s’éteindra jamais. Car dans la fragilité même de la souccah se cache la plus haute force: celle d’un peuple qui se souvient, qui espère, et qui continue de bâtir sous le regard de l’Éternel.

« Du reste, l’éternité d’Israël ne se démentira point, elle n’est ni versatile ni mortelle, pour qu’elle se rétracte. » (samuel 1 15, 29)

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