Le ‘judaïsme’ est honorable tant qu’il énonce des ambitions et des idées généreuses sur les concepts et les questions essentielles de l’existence.
Mais nous souffrons trop souvent de voir cette ‘religion’, comme beaucoup d’autres, ne pas accepter la controverse d’où qu’elle vienne et attaquer toute émancipation de l’opinion. Certaine de l’unicité de sa foi, une foi unique, incomparable et sacro-sainte, elle restera l’interprète exclusif de l’Authenticité divine.
La ‘religion’ s’appréhende comme une révélation dévoilée aux humains par le Créateur dont la totale main mise transparait au travers des nombreux écrits sacrés, indubitables et bien évidemment compris par les seuls maitres inspirés.
Eux seuls sont mandatés à traduire et à expliquer l’utilisation des lois et des commandements, la religion s’affirme comme conceptrice de l’être humain et revendique naturellement le droit à la génération politique et morale de la société.
Cette exigence adjure les hommes à devenir croyants et faire en sorte qu’ils se soumettent aux représentants sur Terre de l’Autorité divine.
Ainsi le confessionnel et le culte s’instituent en appareil d’état spirituel et temporel transcendant le jugement des hommes: la théocratie ne pouvant se fondre dans la démocratie.
Lorsque la religion devient fondamentaliste, elle redoute toute remise en question de son pouvoir sur l’âme de ses fidèles ainsi que sur les organisations politiques et doctrinales, elle n’accepte aucune opposition au nom de la Vérité absolue car elle seule en est le dépositaire.
L’autorité qui lui est conférée et dont dépend sa légitimité lui permet de refouler et de briser les mécréants et autres infidèles contestataires qui incarnent, à ses yeux, le Mal absolu.
C’est son appréciation du bon, du bien et du beau qui légitime la ruine avec ou sans conversion forcée des opposants ainsi que le combat mené contre ces derniers. Ceux qui accepteront le saint pugilat jusqu’à l’abnégation suprême, au nom de la justice divine sur terre, seront affublés du titre de saints et d’éminence.
Nous constatons que certaines ‘religions’, afin de s’affirmer, sont entraînées vers un fanatisme totalement suranné là où il leur est impossible d’engager un débat pertinent, là où il faut persuader d’un idéal par essence transcendante.
La conscience religieuse, les convictions des hommes et des peuples révèlent perpétuellement des ambitions morales et collectives à l’échelle de l’Humanité: amour, sûreté, félicité, résurrection, liberté etc.
Or ces buts doivent forcément se rencontrer et s’associer, s’il y avait opposition cela réclamerait de notre part une mise en garde, un appel à la conciliation même si cela présage d’une situation tendue.
La religion est un appareil de pouvoir, il lui faut s’accorder avec la mutation des civilisations pour en maitriser les développements et assurer sa prédominance sur les esprits. Interpréter et ouvrir nécessairement les écrits sacralisés que constitue sa foi à la discussion rationnelle et à un effort d’actualisation en son sein.
Avec le fanatisme il y a péril en la demeure pour les gardiens d’une telle foi. Elle se revendique comme seule propriétaire des doctrines salutaires, naturelles et incontestables; si jamais sa sphère d’influence venait à être compromise ou bien qu’elle ne sache plus quoi répliquer aux changements sociologiques et financiers des communautés sur lesquelles elle aspire à imposer sa tutelle spirituelle, cela entrainerait pas à pas mais inévitablement sa dérive fondamentaliste.
La retraite de l’intolérance religieuse annoncerait son éloignement de la vie politique et sociale et son transfert vers les sphères uniques de la vie privée. Ou bien elle déciderait d’adopter une attitude prête à relever le défi d’une évolution qui se manifesterait par une correction, dans un sens favorable, des nouvelles aspirations populaires et nationales. Et pourtant, nous savons pertinemment qu’une religion d’opinions autonomes sans limites d’excellence, ni ascendant sur les consciences est rationnellement impossible.
Tout culte œuvre de l’intérieur entre la nécessité d’obéissance à la souveraineté divine et cléricale et le besoin d’un changement bienfaiteur. Contester ce conflit est précisément le signe d’une impuissance fatale pour elle, et ce malgré d’inlassables tentatives pour bannir, dans une brusquerie outrancière, d’un égoïsme exaltant et plein de tourments, une réalité humaine aux espoirs légitimes.
Des sociétés et des individus aspirent au changement et à une plus grande faculté d’être.
Le fondamentalisme doctrinal draine ses adeptes indubitablement vers l’abominable intégrisme, d’un pouvoir religieux on bascule vers une religion de pouvoir.
On rejette toutes conciliations, toutes négociations comme administration judicieuse des oppositions, établissant la violence sans limites, au nom du Dieu tout puissant, comme l’unique méthode d’opération possible.
Nous voilà donc au présent des visages hideux de la détermination au sacrifice suprême et «valeureux» d’autrui et de soi, exalté au-delà des souhaits d’une entente, d’un vécu et d’une reconnaissance mutuelle des bienveillances et des cœurs, qui érigent toutes les sociétés et toutes les individualités.
Un univers sans controverse ne peut être qu’un univers défunt et aspirer à un tel univers c’est cultiver et vouloir la disparition de soi et des autres.
Une religion n’est vénérable qu’animée et émancipatrice, c’est à dire à la faveur de la vie où le zélote devient abject.
Le fanatisme de l’insoutenable, je veux dire du fanatisme à la raideur livide et malhonnête est la façon d’honorer l’émotion dévote en ce qu’elle a de «vivant».
Nos communautés nationales, libérales et démocratiques, deviennent un danger fatal pour tous les intégrismes classiques qui contestent toute expérience sur eux-mêmes, en eux-mêmes et hors d’eux- mêmes.
Le combat contre l’intégrisme politico-religieux n’est pas un label de suprématie de notre éducation et encore moins de notre érudition, car il croise tous les savoirs et les confessions à des niveaux différents selon les conditions matérielles et psychologiques ainsi que les équilibres du moment.
Selon l’étymologie, l’éducation signifie par le latin « educare », « nourrir », dans une seconde acception par « educere », « conduire hors de ». L’acception «nourriture» peut être imaginée comme la «Somme des savoirs» de l’Humanité (savoirs pluriels, non exclusivement scientifiques, mais également philosophiques, artistiques et religieux) à transmettre d’une génération à l’autre. Mais pour qu’il ne s’agisse pas simplement d’une reproduction qui vise à inculquer un contenu, il faut encore que cette nourriture permettre à l’Etre humain de grandir de manière libre et créatrice dans sa dimension spirituelle. Comme Nietzsche le disait, il ne s’agit pas de faire de la génération nouvelle l’avorton tardif d’un passé glorieux qu’elle devrait répéter religieusement.
C’est la vie qu’il convient de nourrir avec soin pour lui permettre de grandir, comme l’arbre doit être nourri à sa racine qui, de la jeune pousse, deviendra le tronc majestueux.
D’ailleurs, de manière ironique, « educere » pointe dans cette direction. Conduire « hors du monde », sortir de l’ornière, hors d’un monde qui n’est que répétition du passé sans recréation du présent. L’éducation doit s’entendre comme un chemin, une aventure, une conquête qui est d’abord celle de soi-même.
Les intégristes de l’orthopraxie sont des ‘fratricides’ dont les infirmités, dès lors qu’elles s’associent à une idéologie religieuse et fondamentaliste organisée, doivent être jugées comme des forfaitures contre la société et le peuple des Hébreux et qualifiées comme tels.
Ne prenons plus de gants avec «l’idéal» appauvri, effronté, avec ses partisans atrophiés, manipulés et autres larves mutantes, nauséabondes.