Seulement quelques jours après les commémorations du 9 Av, période de deuil commémorant les destructions des deux temples de Jérusalem et la perte de toute indépendance nationale, Tou bé Av apporte le réconfort grâce à l’amour.
Comme pour Hanoucca, Pourim et le 9 Av, cette date relève également d’une décision rabbinique (post-biblique) en ajout au calendrier des fêtes. Tou bé Av se présente au temps de la pleine lune, le calendrier hébraïque étant aussi lunaire, période opportune à l’amour, la fertilité et la romance dans de nombreuses cultures anciennes.
Tisha Be Av est le jour où [la tradition dit] Dieu a déclaré que les Juifs erreraient 40 ans dans le désert (jusqu’à ce que la génération qui a connu l’esclavage s’éteigne),
Tou Be Av est le jour où, 40 ans plus tard, les Hébreux de la génération du désert ont été informés qu’ils pourraient entrer dans la Terre Promise. Dieu a pu leur pardonner ce jour-là, même pour la faute d’avoir construit et adoré un veau d’or.
Selon la Guemara, en ce jour, les «tribus d’Israël furent autorisées à se marier les unes avec les autres» (Taanit 30b).
La fête instituée à l’époque du Second Temple marque le début des vendanges qui prirent fin à Yom Kippour.
D’autres commémorations liées à Tou bé Av sont consignées dans le Talmud :
« Le 14 ou le 15 Av, les Pharisiens (le Judaïsme rabbinique) vainquirent les Sadducéens (l’opposition).
Les membres de la tribu de Benjamin furent admis de nouveau au sein du peuple.
Le roi Hoshea, souverain Hébreu du royaume du Nord, annula les ordonnances du roi Jéroboam interdisant à ses habitants de monter à Jérusalem.
Les Romains permirent aux Judéens d’enterrer leurs morts tombés lors de la bataille de Beitar conduite par Bar Korva. »
La dernière réponse donnée par le texte est celle où Rabbin Yaacov Bar Acha prétend que Tou bé Av marque l’équinoxe d’été, le moment où les jours commencent à raccourcir et la saison sèche approche de sa fin. Selon Bar Acha, Rabbi Yissa declarait que Tou bé Av correspondait aux derniers jours pour abattre du bois de chauffage pour le Temple. Cette tradition – célébrer la fin de la saison de coupe du bois avec des chants et des danses – était encore observée par les paysans syriens dans certaines villes de Syrie au 20ème siècle.
Selon la Meguilat Taanit, le 15 av était le jour du Korban etzim (« offrande des arbres »), au cours duquel les Cohanim, les Leviim et de nombreux profanes apportaient du bois à brûler en grande quantité à l’autel des offrandes; le climat rendait le bois assez sec pour être certain qu’il ne contenait pas de vers (rendu ainsi impropre à un usage saint) et qu’il ne soit plus nécessaire d’en couper en forêt, probablement jusqu’au 15 shvat. Flavius Josèphe mentionne aussi cette fête sous le nom de « fête d’apport du bois » mais donne la date du 14 av.
Les murs de Jérusalem ont toujours été une source d’inspiration pour la romance et l’amour. Des milliers d’années avant d’entendre parler de la Saint-Valentin, la communauté juive a créé un festival de l’amour centré sur Jérusalem pour les futurs couples. Cette coutume est tout à fait conforme à la poésie sensuelle du Cantique des Cantiques, canonisée dans les Écritures hébraïques.
A la lueur d’une pleine lune d’été, des jeunes femmes, vêtues de blanc, dansaient dans les champs à l’extérieur des murs de Jérusalem. Les hommes suivaient dans l’espoir de trouver une épouse. Cette ancienne fête juive de l’amour s’appelle Tou Be Av car célébrée le 15e jour du mois hébreu d’Av (les lettres hébraïques pour « Tou » égalent le nombre 15).
Les futures épouses dansèrent donc à Shilo, une des cités de Samarie et première capitale du royaume d’Israël. Aux temps des premières immigrations, fin du 19ème début du 20ème siecles, des jeunes pionniers Juifs retournèrent en Samarie pour y cultiver la vigne et c’est au travers des vignobles renaissants qu’ils renouvelèrent la tradition des danses et des chants amoureux.
Comme pour les jours fériés, lors des prières publiques, les Juifs s’abstiennent de prononcer toute liturgie de contrition (Tach’anun) pour Tou Be Av, aucune oraison funèbre n’est dite lors des enterrements. Seul cela demeura probant tout du long des siècles d’exil, l’amour, l’allégresse et plus encore, tout avait disparu, et pour cause, dans les méandres de l’enfer diasporique.
Tou bé Av reste une date populaire pour les Juifs puisqu’il est dorénavant autorisé de se marier après l’horrible période des trois semaines d’affliction et de chagrin durant laquelle les mariages étaient interdits.
En Israël, il est devenu le jour des amoureux, une sorte de saint valentin à la sauce hébraïque.
Des festivals de musique et de danse sont généralement organisés pour célébrer la journée, on offre des cartes de vœux, des fleurs et plein d’autres choses à ses proches. Ces rituels traversent l’ensemble de la société israélienne si friande de tels moments où tous peuvent enfin se sourire, s’embrasser et s’enlacer affectueusement.
Ainsi pouvons-nous contrarier les haines gratuites et l’ensemble des désordres de l’Homme!
Dans le Talmud (Ta’anit 4:8), nous lisons que Rabbi Shimon ben Gamliel a dit qu’il n’y avait jamais eu en Israël de plus grands jours de joie que le 15 Av et le Jour des Expiations (yom kippour). Ces jours-là, les filles de Jérusalem se promenaient vêtues de vêtements blancs qu’elles empruntaient pour ne pas faire honte à ceux qui n’en avaient pas. Les filles sortaient dans les vignes et dansaient dans les vignes en s’exclamant :
« Jeune homme, sois vigilant dans ton choix, ne te focalise pas sur la beauté mais sur la famille, Mensongère est la grâce, vaine est la beauté, seule la femme craignant Dieu est à louer » (Michle chap.31) »
Et les garçons de répondre :
«Sortez et admirez, filles de Sion, le roi Salomon, orné de la couronne dont le ceignit sa mère au jour de son hyménée, au jour de la joie de son cœur. » (Chir Hachirim 3)
Rabbi Shimon Ben Gamliel affirme un lien probant entre Tou Be Av et Yom Kippour, c’est troublant !
Pourquoi l’année juive se terminerait-elle par une fête de l’amour ?
La réponse en dit long sur la perspective unique du Judaïsme sur les relations, une clairvoyance qui pourrait améliorer la fréquentation aujourd’hui.
Tou Be Av, comme Yom Kippour, est une question d’introspection et de nouveaux départs concernant nos relations et nos valeurs personnelles. La façon dont la cour a été faite est révélatrice de ce point de vue. Les jeunes filles empruntaient des robes blanches pour que les jeunes hommes ne puissent pas choisir parmi elles selon des préoccupations matérialistes.
Le Talmud enseigne que les femmes fixent les règles: elles exhortent leurs prétendants à choisir non pas selon la beauté, mais par la bonne réputation des familles des femmes et par leur crainte de Dieu.
Aujourd’hui, nous vivons dans un monde conscient du statut et de la mode, un monde de concours de beauté et d’idéaux de beauté fixés par la télévision et les films, et certaines synagogues sont même décrites comme des « marchés de viande » où l’on va regarder la marchandise des célibataires.
Tou Be Av nous dit de regarder sous la surface lorsque nous recherchons un partenaire de vie, tout comme Yom Kippour nous oblige à regarder profondément en nous-mêmes avant que Dieu ne nous accorde une nouvelle vie.
Comme Yom Kippour, le 15 Av est un temps de réflexion et d’introspection, mais au lieu d’être un processus individuel, c’est une expérience mutuelle et partagée entre deux personnes.
Tou Be Av est un grand jour pour les mariages, les cérémonies d’engagement, le renouvellement des vœux ou la demande. C’est une journée pour améliorer les relations actuelles ou redéfinir ce que vous recherchez chez un partenaire. C’est une journée de romance, explorée à travers le chant, la danse, l’offre de fleurs et l’étude.
Rony Akrich