Aucun passage biblique ne sépare l’essence corporelle de l’homme de son esprit. La personne se définit d’emblée par sa présence au monde et donc par son existence corporelle et sa capacité relationnelle. Nul étonnement donc devant l’absence de mépris du corps dans les sources juives anciennes. L’exégèse et la pratique juive traditionnelle fixent à la vie quotidienne et aux jouissances corporelles certaines limites qu’il conviendra de respecter, mais aucun jugement radicalement mauvais n’est porté sur le corps en tant que tel dans le judaïsme normatif. En créant l’homme, Dieu l’a doté d’une nature charnelle et lui a révélé une législation à respecter afin de se montrer digne de son Créateur. L’accomplissement des six cent treize préceptes, positifs et négatifs, de la Tora présuppose un corps sain et bien traité.
Pratiquement, la Bible interdit de se mutiler, de se blesser, d’affaiblir sa force par des conduites acétiques, et de façon générale de mettre un tant soi peu sa santé en danger, même si ces attitudes étaient mues par des aspirations spirituelles. Et s’il est vrai que certains maîtres vécurent de cette manière, ils furent très peu nombreux, et ils restèrent célèbres pour leurs enseignements, jamais pour leur conduite. Un verset biblique peut résumer cette exigence de vie : « Et vous ferez très attention à vos personnes ». De là, la tradition déduit que toute activité qui agirait pour le bien de la personne serait louable, alors que toute celle qui nuirait à la santé physique ou psychologique de l’individu serait condamnable.
« Celui qui a une foi faible croit que tant que l’homme s’efforce de renforcer ses positions dans le monde pour lutter contre le mal qui y survient, d’accroître la science, la puissance, la beauté, l’ordre, l’intelligence, il s’éloigne de la sainteté. C’est pourquoi certains, qui ont la vue courte, tout en se croyant proches de Dieu, s’opposent au progrès du monde et détestent la culture, les sciences, la structure politique en Israël et chez les autres peuples. Mais tout cela constitue une grave erreur et un manque de foi. La connaissance véritable perçoit la présence divine en chaque étape de l’amélioration de la vie, individuelle ou collective, spirituelle ou matérielle. Elle apprécie les choses en fonction de leur utilité ou les critique pour leur caractère néfaste, ainsi aucun mouvement n’est entièrement négatif dès lors qu’il œuvre à la création de quelque chose, matériel ou spirituel. Il se peut qu’il y ait en lui des aspects déficients mais, pris dans son entier, il est une partie de la création divine en constant développement. » (Rav A.I. aCohen Kook)
Le Rav Kook insiste beaucoup pour que l’homme religieux élargisse le champ de ses idées générales et libère son imagination et son affectivité « grâce à une connaissance du monde et de la vie, à la richesse de ses sentiments dans toute son existence ». L’intérêt pour « toutes les sagesses du monde, pour toutes les doctrines de vie et pour toutes les expressions culturelles », même dans leurs manifestations profanes, ne porte pas préjudice à la sainteté, il aide l’homme à accéder « a la porte de la grandeur divine ».
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