Contre-nature par Rony Akrich

by Rony Akrich
Contre-nature par Rony Akrich

Les excursionnistes venus paître et se repaître lors des journées de Hol amoed ont laissé derrière eux salissure et souillure dispersée à travers tout le pays. La joie et le plaisir inhérents aux congés laissent un goût amer, l’humain-déchet est passé par là, il poursuit sa route narcissique et nauséabonde, il continue de déféquer sur le beau, le bien et le bon. Dans de nombreux endroits du pays, en particulier dans les sites naturels, les quantités de déchets, de dégâts et de saletés sont affligeantes pour notre nature, des bouteilles en plastique, des milliers de sacs en plastique de différentes couleurs, des emballages de collations, des papiers, des restes de nourriture sont éparpillés. Les bougres soulagés ont rejoint leurs cages citadines et déjà préparent leurs prochaines forfaitures.

L’œuvre créatrice, dans sa totalité, associe, en son sein, la force morale et une quête de l’absolu, il en est ainsi de chaque créature, de chaque élément.
La nature, sous toutes ses formes et expressions, révèle le dessein Divin. Selon le Zohar, la création, comme les noms Divins, est le reflet des attributs de la volition Divine, un je ne sais quoi d’amour intrinsèque.
L’amour de ce tout nait de l’amour de toutes les créatures.

De nos jours, l’Humanité est beaucoup plus consciente des merveilles de la création, de la géniale réviviscence de la nature, une véritable symphonie pour chaque variété, chaque organisme, chaque propriété et chaque environnement. Une lutte pour la vie s’engage et mène à la reproduction et à la régénération des espèces. Pourtant, les hommes ont pris le parti de la destruction et de la dévastation des richesses de notre Terre.

Une célèbre histoire circule à propos du regretté Rav Arié Levin (1885 à 1969), l’un des personnages les plus emblématiques de Jérusalem. Un jour, lors d’une promenade avec son maitre, le Rav Kook, le rav Levin arracha une fleur au passage. Le Rav Kook lui dit:

« Toute ma vie, je ai pris soin de ne jamais arracher un brin d’herbe ou une fleur inutilement, ils avaient encore la capacité de croître ou de fleurir. Vous connaissez la leçon de nos maitres, pas un seul brin d’herbe ne pousse ici sur terre qu’il ne possède un ange lui commandant de croître. Chaque germe, chaque graine raconte un rien spécifique, chaque pierre murmure un message enfoui dans le silence, chaque créature dispense sa mélodie. » Reb Levin conclut: « Ces paroles de notre grand maître, prononcées avec un cœur pur et saint, restèrent profondément gravées dans mon cœur. Depuis ce jour, je ressentis un sentiment de compassion pour toutes choses. »

Nous devons nous inquiéter, nous morfondre de ce lent ravage de notre environnement, les solutions ne relèvent pas seulement d’une possible nouvelle législation internationale. La seule issue, à mon humble avis, reste manifestement notre système de valeurs morales ainsi que notre exigence éthique. La question essentielle sera donc de traduire ces enseignements et permettre, à tous, une reconstruction plus harmonieuse de l’être psychologiquement responsable au sein de sa société. La Bible Hébraïque et l’ensemble de la littérature juive reconnaissent certainement la création humaine et l’évolution constante d’une bonification des communautés et des cultures, élevées aux sept lois de Noé. Toutefois ce témoignage de l’Humanité ne lui assure nullement un quelconque pouvoir à dévaster le reste de l’univers Divin.

Exigeons une prise de conscience, une détermination foncière, face à un péril écologique de plus en plus probant pour notre civilisation présente et future. Engageons-nous, chacun de nous, à modifier et corriger nos habitudes et nos comportements consuméristes, peut-être, ainsi, notre société s’engagera-t-elle pour le meilleur et non pour le pire.

Si les leçons et études hébraïques nous enseignent énormément à ce sujet, le récent contexte d’Israël, redevenu souverain et indépendant, doit pouvoir éduquer ses citoyens à ce sujet.
Rendre aux individus le sens des responsabilités vis-à-vis de la nation et de l’environnement.
Les amener à comprendre et entendre le sens des limitations à la consommation.
Eliminer l’avidité excessive.
Générer un équilibre légitime à la bonne et efficace marche de notre monde.

Cela se réalise, au niveau des connaissances acquises, par l’énoncé de rêves d’absolu et de cohérence, par des présentations de cas concret. Ces concepts, en occurrence avec l’impératif évoqué plus haut, nous entrainent dans une autre dimension, celle où le signifié du mot dépasse le seul sens des lettres de la Loi.
Sachons soutenir toute initiative sérieuse concernant la défense de notre milieu naturel.
La mise en place de nos aspirations sera fortement soutenue et corroborée grâce à une législation Toranique actualisée aux grandes questions de la modernité et du retour d’Israël dans le concert des nations.

Les sources bibliques justifient et témoignent de l’obligation de l’homme à protéger la nature: «Car la terre est à moi» (Lév. 25:23).
Le texte nous enseigne, précédemment, que la création n’est guère assujettie à l’usage despotique de l’homme, mais lui est offerte aux seules fins de « la servir et de la défendre » (Genèse 2:15).

On aurait pu traduire, selon d’autres versets, la nécessaire domination de l’homme sur la nature, une autorité démesurée sur son univers:
« Dieu dit: ‘Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail; enfin sur toute la terre, et sur tous les êtres qui s’y meuvent’. » » (Gen. 1, 26)

Et dans un autre verset: « Dieu les bénit en leur disant ‘Croissez et multipliez! Remplissez la terre et soumettez-la! Commandez aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, à tous les animaux qui se meuvent sur la terre’! » (Gen. 1,28)

Non point, car un peu plus loin le texte devient à jamais explicite: « L’Éternel Dieu prit donc l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le soigner. » (Gen. 2,15)

Notre maitre, le Rav Kook, entend de manière déterminante et clairvoyante ce sujet:
« Il ne peut y avoir aucun doute, pour toute personne cultivée et réfléchie, que la «domination» mentionnée dans la Bible (Gen. 1,26 et 28) puisse traduire une quelconque dictature de l’homme-tyran. Il ne peut dominer son peuple et ses serviteurs afin de jouir de ses seules envies et assouvir ses lubies égoïstes. Dieu nous préserve d’une telle infamie législative, esclavagiste, à jamais gravée dans le monde de Dieu, qui est bon pour tous et dont la miséricorde s’étend à tout ce qu’Il a créé, comme il est écrit: « la bonté aura une durée éternelle » (Ps. 89,3).

Faisons l’effort d’énoncer la mémoire écologique ordonnée à l’homme, depuis son origine, penchons-nous enfin sérieusement sur le texte biblique, la philosophie hébraïque et la pensée ésotérique. Il s’agit d’entendre et de comprendre cette part plénière du tissu relationnel entre Dieu, l’Humanité en général, Israël en particulier, et l’ensemble de la nature créée. Sur ces questions, les résolutions du monde juif, ne furent que très rarement homogènes, elles reflètent, en réalité, la nature polysémique de nos traditions, de nos textes et des différentes conceptions et appréciations des commentateurs comme des paroles Divines.

Aujourd’hui, nos savants et nos sages tentent de définir un comportement plus hébraïque face aux grandes questions contemporaines affectant la préservation de notre environnement.
La menace est énorme car les technologies, les sciences et la consommation, conçues sur le modèle mécaniste, ont généré une utopie moderniste. Elles approchent le mieux et le meilleur sous l’aspect du dominateur et du tyran, sans foi ni loi pour leur Nature si exclusive. Comme lors d’un conflit, elles mènent à la déprédation des biens, à une perpétuelle barbarie dressée au combat contre son propre univers. Nos nations dénaturées se débarrassent des us et coutumes où l’homme savait encore s’apprécier comme le terreau de la Terre. Le mot humilité vient de cet ‘humus’ de l’être face à la Terre.

Rony Akrich

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