Humanisme suicidaire : l’Occident livre ses Juifs et abdique sa souveraineté. Par Rony Akrich

by Rony Akrich
Humanisme suicidaire : l’Occident livre ses Juifs et abdique sa souveraineté. Par Rony Akrich

L’Occident est en train de payer cher une lâcheté qu’il a longtemps habillée en vertu. Il a confondu la tolérance avec la cécité, l’ouverture avec la naïveté, la paix civile avec le déni. Il a cru que toute colère était une souffrance à écouter, que toute revendication était une injustice à réparer, que toute accusation était une parole “à contextualiser”. Et pendant qu’il s’auto-psychanalysait, un totalitarisme s’est installé dans ses failles : l’islamisme.

Qu’on ne se méprenne pas : il ne s’agit pas de “l’islam” comme foi intime, ni des musulmans comme personnes, dont une immense majorité veut vivre, travailler, élever ses enfants, pratiquer ou ne pas pratiquer, en paix. Il s’agit d’une idéologie, d’un projet de domination, d’une mécanique de sacralisation de la violence. L’islamisme n’est pas une spiritualité : c’est un pouvoir. Il ne vise pas la transcendance : il vise l’emprise. Il ne propose pas une prière : il impose une loi. Et lorsqu’il ne peut imposer par le droit, il tente d’imposer par la peur.

Ce que l’Occident refuse de regarder, c’est que ce totalitarisme a compris mieux que lui la psychologie démocratique. Il sait que nos sociétés craignent plus que tout d’être accusées de « discrimination ». Il sait qu’elles redoutent le scandale moral plus que le danger réel. Il sait que le discours du soupçon, « vous êtes coupables d’exclusion, donc vous devez céder », fonctionne comme une arme de dissuasion massive. Alors il avance. Il avance sous les mots. Il avance sous les « causes ». Il avance sous les victimisations. Il avance sous les intimidations. Il avance sous les menaces. Et il avance, parfois, sous les couteaux.

Le terrorisme islamiste n’est pas un accident : c’est une stratégie. Il s’agit de frapper au cœur, de frapper chez soi, de frapper la vie ordinaire, le marché, la promenade, la fête, la synagogue, l’école, la salle de concert. Frapper là où la civilisation se repose, pour rappeler qu’elle ne peut jamais se reposer. Frapper pour installer une présence invisible : l’angoisse. Et l’angoisse est le début de la soumission. Le terrorisme ne cherche pas seulement des morts : il cherche un climat. Il ne veut pas seulement détruire des corps : il veut désagréger un monde, ronger la confiance, faire vaciller la vie commune, contraindre une société à se regarder comme une proie.

Mais voici le point le plus grave : cette violence ne vient jamais seule. Elle vient avec une vision du monde. Et cette vision du monde transporte une haine spécifique, obstinée, toxique : l’antisémitisme. Non pas une critique politique d’Israël, que l’on peut discuter, mais la vieille haine du Juif, celle qui transforme le Juif en symbole du mal, en cause universelle, en coupable métaphysique. Dans les rues, sur les réseaux, dans certains slogans, parfois jusque dans certaines classes, on voit ressurgir le mécanisme le plus répugnant : le Juif n’est plus un citoyen, il redevient un signe. On le montre du doigt pour régler ses comptes avec l’histoire, avec l’Occident, avec Dieu, avec la frustration sociale, avec l’échec intime. On ne l’attaque pas parce qu’on le connaît, mais parce qu’il sert. Parce qu’il « résume » un monde. Parce qu’il incarne, dans l’imaginaire de la haine, tout ce qu’on veut abattre sans jamais se regarder soi-même.

Si l’on ment sur l’origine des violences, on se condamne à perdre contre toutes les violences. La lucidité n’est pas un luxe rhétorique : c’est une hygiène de survie. Et la première condition de la survie, c’est de regarder la réalité sans fard, sans sélection, sans hypocrisie, sans lâcheté.

Et l’Occident, encore une fois, s’est raconté des histoires. Il a dit : “ce n’est qu’une tension importée”. Il a dit : « ce sont des débordements ». Il a dit : « c’est complexe ». Il a dit : « ne faisons pas d’amalgame ». Mais l’absence d’amalgame ne doit jamais devenir une absence de jugement. Or l’Occident a renoncé à juger. Il a peur de nommer. Il a peur de trancher. Il a peur de punir. Il a peur d’affirmer qu’il existe une différence entre une religion vécue comme chemin intérieur et une idéologie qui veut transformer la cité en champ de bataille. Ce renoncement est une capitulation spirituelle. Car une civilisation se maintient par un minimum de clarté : elle sait ce qu’elle tolère et ce qu’elle ne tolère pas. Elle sait ce qui relève de la liberté et ce qui relève de l’agression. Elle sait ce qui est une opinion et ce qui est une incitation au meurtre. Elle sait faire la différence entre le droit de croire et le droit d’imposer. Et quand elle ne le sait plus, elle devient un terrain.

Or nous sommes devenus un terrain. Un terroir, presque. Un lieu où des jeunes nés ici peuvent être déracinés de leur propre pays par une contre-culture de l’humiliation, de la revanche, du fantasme martyr. Un lieu où la haine se transmet comme une identité. Un lieu où l’antisémitisme devient pour certains une langue politique, un signe d’appartenance, une manière de se sentir puissant en s’acharnant sur plus petit que soi. Et un lieu où les populations autochtones elles-mêmes peuvent être contaminées par cette haine, par imitation, par opportunisme, par paresse morale : parce que l’air du temps se dégrade, parce que l’époque déteste la nuance, parce que l’émotion domine, parce que la foule cherche des coupables simples. La haine n’est pas seulement un acte : c’est une atmosphère. Quand elle s’épaissit, elle finit par devenir une habitude, une norme de rue, une monnaie de prestige dans certains milieux, une manière de se donner une identité à bon compte.

Il faut le dire sans trembler : l’islamisme est un ennemi de la liberté, et un ennemi des musulmans eux-mêmes quand ils veulent vivre librement. Il étouffe leurs vies, sépare les femmes des hommes, transforme la foi en contrôle social, fabrique des communautés sous surveillance morale, remplace la conscience par la police du sacré. Et lorsqu’il exporte cette logique dans les démocraties, il vient tester notre courage : jusqu’où sommes-nous prêts à céder pour « éviter des problèmes » ? C’est ici que la question migratoire, si souvent traitée comme un pur concours de vertu, devient une question de souveraineté. L’humanisme n’est pas la faiblesse. Mais l’humanisme sans frontière, sans exigence, sans mémoire, sans instinct de survie, devient une forme raffinée de suicide moral. Une société peut accueillir, oui. Mais elle doit d’abord se tenir debout. Elle doit posséder une idée claire d’elle-même, de sa langue, de ses lois, de ses mœurs publiques, de ses limites. Sinon, l’accueil ne fabrique pas une communauté : il fabrique des mondes parallèles. Et ces mondes parallèles offrent précisément au jihadisme ce dont il a besoin : des fractures, des zones grises, des colères exploitables, des identités humiliées transformées en carburant, et un récit de guerre sainte prêt-à-consommer.

La réponse doit être une condamnation nette, sans hypocrisie : condamnation du terrorisme, bien sûr, mais aussi condamnation de ses relais, de ses apologistes, de ses demi-mots, de ses justifications, de ses « oui mais ». Car le « oui mais » est l’antichambre du sang. « Oui c’est terrible, mais ils souffrent. » « Oui c’est criminel, mais c’est la colère. » « Oui c’est antisémite, mais c’est politique. » Ce langage est un dissolvant : il dissout la responsabilité, il dissout la frontière entre le mal et l’explication, il finit par dissoudre la victime.

On peut, on doit, distinguer les personnes et combattre l’idéologie. On peut défendre les musulmans contre la stigmatisation et combattre l’islamisme comme projet totalitaire. On peut protéger la liberté religieuse et refuser la conquête religieuse. On peut accueillir sans s’agenouiller. On peut intégrer sans se renier. Et surtout : on peut, on doit protéger les Juifs, non pas comme une minorité “sensible”, mais comme un test moral. L’antisémitisme est toujours le thermomètre d’une civilisation malade : quand il monte, c’est que quelque chose pourrit dans la maison.

Il est temps de revenir à la règle la plus simple : une démocratie n’est pas une thérapie de groupe. C’est un régime de droit. Elle n’a pas à excuser l’inexcusable, ni à comprendre le meurtre avant de le condamner. Elle doit nommer, arrêter, juger, punir. Elle doit couper les circuits de financement, surveiller les réseaux d’endoctrinement, expulser les étrangers prêcheurs de haine, dissoudre les organisations qui appellent à la violence, et surtout réapprendre à dire : ceci est incompatible avec notre vie commune. Car la vie commune n’est pas un slogan. C’est une construction fragile. Et elle ne survit pas à la peur. Si l’Occident veut rester l’Occident, c’est-à-dire un lieu où l’on peut vivre sans baisser les yeux, alors il doit retrouver une vertu oubliée : le courage de se battre et de se defendre.

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