Après ces mois de tumulte, à l’intérieur de moi comme autour de moi, j’ai ressenti le besoin de partir. Quitter le bruit des peurs, la confusion des colères, la chaleur étouffante de la discorde. Avec ma chere et tendre femme, nous avons choisi la Haute Galilée, ces collines d’une beauté grave, d’une patience minérale, pour y trouver un silence apaisant. Nous avons marché côte à côte, sans précipitation, laissant les jours s’étirer.
C’est ici que j’ai compris « la voie » du Tao: cette capacité de la nature à persister sans régner, à prospérer sans combattre, à engendrer la vie sans l’étouffer. Nous avons retrouvé le sens du rythme, un rythme qui s’harmonise avec lui-même, qui donne un but à l’amour. Aimer, c’est se soumettre aux exigences du temps, c’est accepter l’autre tel qu’il est, sans vouloir le modeler. Sur les ondulations de la pente, sous la lueur crépusculaire, mon cœur s’est apaisé, comme une source oubliée retrouvée.
Au bord du lac Kineret, j’ai appris une leçon encore plus subtile. J’ai regardé les vagues se soulever sous l’effet du vent, s’agiter brièvement, puis reprendre leur forme initiale. Lao Tseu enseigne que l’eau est plus forte que la pierre, parce qu’elle cède sans rompre. Le lac de Kineret m’a fait comprendre cette vérité: dans la vie, nous devons parfois accepter d’être secoués, de perdre temporairement notre apparente solidité, afin de pouvoir retrouver notre transparence et notre force.
Ne pas s’endurcir, ne pas se briser, mais s’unir au flux de la vie, tout comme l’eau adopte chaque courbe. Cette connaissance sera cruciale pour l’avenir, car nos demains ne seront pas paisibles. Ils nécessiteront de notre part une grande flexibilité et une capacité à accepter l’imprévu sans être submergés par lui.
Lorsque la famille nous a rejoints, composée de nos enfants et petits-enfants, la voie s’est encore élargie. Face au tumulte joyeux de leurs rires, j’ai réalisé que la sagesse ne signifie pas l’arrêt du mouvement, mais plutôt sa direction appropriée. « La voie » ne fait pas disparaître la vitalité, elle la dirige.
Ces petits-enfants qui couraient sur la rive, libres et confiants, m’ont rappelé que la sérénité n’est pas de tout maîtriser, mais de transmettre la confiance. En effet, ce que nous leur léguons, plus encore que nos mots, ce sont nos attitudes. Nous leur transmettons notre façon de rester présents, de garder la foi, de demeurer justes, même dans la tourmente.
Le « Dao », en désignant le « Dé », ne renvoie pas à une vertu abstraite ni à un code moral immuable. Il évoque plutôt une énergie apaisante qui émerge lorsque nous vivons en harmonie avec le « Dao ». Le « Dé » est comme une lumière qui diffuse sa clarté en silence, une énergie douce qui inspire confiance, un mode d’action juste, sans imposer.
Lao Tseu disait : « Le Dao donne naissance, le Dé nourrit ». La « Voie » (Dao) est la source, et le « Dé » est la manière de la vivre, au quotidien, dans nos gestes, nos paroles, nos regards. Je souhaite transmettre cette énergie, non pas comme une vérité absolue, mais comme une force douce, offerte sans violence, qui pourra les accompagner longtemps.
Ainsi, entre la tendresse partagée à deux et la chaleur de la famille réunie, j’ai vu le chemin s’élargir. J’ai vu la tranquillité se développer dans la simplicité, la joie s’unir à la gratitude, et la sérénité renaître même après des mois de tourmente. Je repars de ce double séjour avec cette mémoire : la terre nous enseigne la persévérance, l’eau nous enseigne la flexibilité, l’amour nous enseigne la fidélité, et la famille nous enseigne la continuité.
Ces quatre sagesses constitueront mon refuge face aux vents qui souffleront. Je veux les partager avec ceux que j’aime en guise de viatique: cultiver la patience, préserver la souplesse, affermir la fidélité, transmettre la continuité.
Car le Dao n’est pas une doctrine abstraite, mais un art de vivre. C’est un mode d’existence qui nous permet de rester centrés et ouverts, malgré les contradictions. Il nous enseigne à rester centrés et ouverts, à ne pas nous laisser submerger par la panique, à agir avec douceur et à reconstruire après une catastrophe. Nos lendemains peuvent être difficiles, mais la « Voie », si nous y revenons constamment, peut nous emmener au-delà de nos craintes.
C’est la vertu du « Dé » que nous devons cultiver: la capacité de diffuser la bonté sans effort, d’inspirer sans écraser, de diriger sans imposer. Je conserve dans mon cœur et mon esprit la phrase suivante, prononcée par Lao Tseu: « Quiconque demeure dans la douceur triomphera toujours. » Que cela soit notre énergie commune pour surmonter les difficultés à venir.