LE JOUR OU JE ME SUIS VRAIMENT AIME par Rony Akrich

by Rony Blog

La réponse du premier venu au vu et su d’une critique ou d’un reproche est de se mettre sur la défensive. «Quoi, ne suis-je pas assez bon, serait il meilleur que moi? Comprendrait il la réalité mieux que moi, que sait-il de mes interrogations face a une existence donnée, il n’a jamais vraiment essayé de m’aider, c’est tout simplement un arrogant ». Cette réaction résulte dans la plupart des cas d’une crainte; celle d’un bouleversement, du changement d’un confort acquis avec peine et d’une reconnaissance de nos erreurs, de notre culpabilité. L’accusé rejette le reproche et riposte bien souvent par une contre-accusation qu’accompagne une gestuelle dédaigneuse. L’homme est l’être le plus proche de lui même donc le plus éloigné de sa propre remise en question. Il préfère affirmer que ces reproches ne le concernent pas personnellement et ne rien prendre au sérieux. En outre, il sait que dans de nombreux cas, lui-même, se permet nombres de reproches à autrui dont la teneur et l’origine ne sont pas toujours des plus fiables. Voila donc des faits qui le rassurent pleinement. Un tel comportement est un véritable inconvénient pour qui ne voudrait changer et ainsi ne ferait jamais aucun progrès. Cet homme est verrouillé sur lui-même, il instaure non seulement les aspects positifs de sa personnalité mais aussi toutes ses insuffisances et ses défauts. Il devient le pieu d’une histoire sans lendemains, sans devenir.                

L’homme doit rester ce qu’il est intérieurement, par delà tous les changements qui l’affectent extérieurement; modifications encouragés par les images de soi, les rôles temporaires négatifs que la société l’oblige à jouer. En clair il existe une authenticité de l’être qui serait cachée et trahie par les nécessités et les contraintes capricieuses de la vie sociale, mais qui se révèle dans une position particulièrement gratifiante, constante et répondant à des règles morales et religieuses toujours éternelles.

La vie s’éprouve en moi comme passion, car elle est initialement offerte à elle-même comme sentiment. Ce que la vie recherche c’est naturellement sa propre élévation et l’expansion de son moi qui avec le bonheur reste intimement lié. L’expansion de ce bonheur est le but même de sa manifestation et c’est dans la participation à la pleine expression de soi que nous éprouvons le bonheur. La vie s’aime elle-même en moi et elle cherche sa plus vaste formulation.

Faire retour sur soi n’est pas un acte qui ne fait que stupidement redoubler la perception. La prise de conscience de soi encourage l’éveil. Si je me suis comporté comme un imbécile, si j’ai été violent et que j’en prends conscience, je ne suis plus tout à fait un imbécile ou un violent au sens habituel, je commence à me voir tel que je suis. Mais l’application quotidienne autorise-t-elle la prise de conscience? Avouons que non. C’est un peu comme si dans notre existence journalière la plupart d’entre nous étions dans une sorte de torpeur et qu’il nous fallait quelques instants de lucidité dans notre vie pour casser le rituel de nos traditions. La prise de conscience ne devrait pas être seulement accidentelle. La prise de conscience est un mouvement incessant où elle n’est rien. On ne peut dire en ce sens que l’on s’éveille définitivement, car si c’est pour s’assoupir dans une nouvelle habitude, ce n’est plus une prise de conscience.

Tout homme est capable de réaliser des choses exceptionnelles, nul ne pourrait le faire de la même manière. La responsabilité qui nous incombe donc, est de développer notre esprit singulier et d’éviter de passer a cote de ce qui sommeille en nous et n’attend que le sursaut du réveil.

Le Rav Kook cite un certain nombre de midrashim où nos sages nous présentent la mort par métaphore; l’homme se retrouve devant le tribunal céleste et n’est jugé qu’à propos d’une question essentielle: as-tu pris rendez vous avec toi-même, vous êtes vous rencontré, reconnu, l’avez-vous construit?

Il existe des cas extrêmes où l’homme s’offre aux quatre vents de son environnement, absorbé sans limites par la connaissance et l’information venus d’ailleurs. Il ne tri rien, ne fait aucunement la part des choses, l’infobésité l’entraine vers l’oubli de soi. Il ne sait plus vraiment ce qu’il est ni ce qu’il a, tôt ou tard il arrive à se soustraire à sa propre réalité, à sa propre vérité. Dans une société de surconsommation du tiers, les dommages sont significatifs; perte des sens, perte de la sensibilité, fragilisation psychologique.

La solution proposée par le Rav Kook serait de se muter en sourd ou plutôt de faire la sourde oreille à ce « trop plein » qui génère en moi tant de vide. Tout cela m’empêche d’être à l’écoute du tout moi: de mes envies, de mes besoins, de mes sentiments, de mes pensées et de mes émotions.

Un processus long et difficile, fastidieux et contraignant ! La conception d’une juste relation avec mon être vivant me féconde et me fait re-naitre. Si jamais j’en venais à perdre cela, ce serait comme être déposséder de l’un des leviers indispensables à la pleine expression de ma personnalité. Le Rav Kook rappelle que dans les lois sur les dommages causes à autrui, la perte auditive est considérée comme un homicide. Il rajoute qu’un esprit sourd et hermétique à soi, et donc à autrui, est un esprit inanimé, vide de sens par manque d’altérité.

L’amour de soi et la confiance en soi sont les deux colonnes qui permettent à l’estime de soi d’exister. L’amour de soi nous permet d’accepter nos fissures et nos tares avec bienveillance, quoique sans indulgence, nous autorisant ainsi à nous octroyer une importance alors même que nous avons conscience de nos défauts. La confiance en soi nous convainc que « nous y arriverons » quand une épreuve exceptionnelle se présentera. Elle concerne l’aptitude à « faire », à « agir ». L’estime de soi, elle, appartient au domaine de « l’être ». Lorsque notre regard sur nous-même est dépourvu d’amour, le manque d’estime de soi s’arroge tout l’espace: je vais douter perpétuellement de moi, de mon droit à m’affirmer et à être heureux.

« Aimer son prochain comme soi-même» est tiré d’un verset biblique, tout le monde le connaît mais tout le monde le vit-il dans le bon sens? Souvent nous n’en retenons qu’une partie: aime ton prochain. C’est oublier que tout amour vrai du prochain s’ancre d’abord dans un amour vrai de soi. On ne peut laisser l’amour déborder vers les autres s’il n’est pas réellement présent pour soi-même d’abord. Nombreux sont ceux qui croient qu’autant il est vertueux d’aimer autrui, autant il est coupable de s’aimer soi-même. C’est une erreur de logique qui sous-tend la notion d’incompatibilité entre l’amour des autres et l’amour de soi. Si c’est une vertu d’aimer mon prochain en tant qu’être humain, ce doit en être une de m’aimer moi-même, étant donné que je suis aussi un être humain.

Le précepte biblique signifie précisément que le respect de sa propre intégrité et singularité, l’amour et la compréhension de son propre soi, sont inséparables du respect, de l’amour et de la compréhension d’autrui. L’amour des autres et l’amour de nous-mêmes ne constituent pas une alternative. Au contraire, l’amour de soi se rencontre chez tous ceux qui sont capables d’aimer les autres.  » Il est donc légitime de prétendre que le moi propre doit être objet de notre amour au même titre que toute autre personne. L’affirmation de notre vie, de notre bonheur, de notre croissance et de notre liberté, s’enracine dans notre capacité d’aimer, c’est-à-dire dans la sollicitude, le respect, la responsabilité et la connaissance. Si quelqu’un est capable d’amour productif, il s’aime également; s’il ne peut aimer que les autres, il n’aime en aucune façon.        

Si vous vous aimez vous-même, vous aimez chacun comme vous-même. Aussi longtemps que vous aimerez quelqu’un moins que vous-même, vous ne réussirez pas vraiment à vous aimer, mais si votre amour s’étend à tous également, vous-même y compris, vous aimerez l’ensemble des êtres comme ne faisant qu’une seule personne, et cette personne est à la fois Dieu et l’homme. Aussi est-il grand et juste celui qui, s’aimant lui-même, aime tous les êtres d’une égale façon.

L’amour de soi renvoie à la spontanéité dans ce qu’elle a de vital. Tout être vivant tend à persister dans son être c’est-à-dire à poursuivre ce qui contente ses besoins et ses désirs et à fuir ce qui menace sa croissance. C’est là sa propension spontanée et son inquiétude majeure. C’est dire qu’il ne se contente pas d’éprouver l’ambition de s’entretenir mais il y prend intérêt. Chaque personne étant chargé particulièrement de sa propre conservation, la première et la plus importante de ses attentions est et doit être de se protéger sans cesse, et comment y veillerait-il ainsi s’il n’y prenait le plus grand intérêt? L’amour de soi est donc une diligence à l’endroit de son être. La vie étant le bien propre de chacun, rien n’est plus naturel et légitime que de veiller à la sauvegarder et à la déployer sous forme heureuse. S’aimer soi-même souffre d’avoir le souci de soi, d’aspirer à son propre bonheur, de poursuivre toutes choses en vue de son accomplissement. Or n’est-il pas sain que chacun aime sa vie et tout ce qui l’épanouit? Si ce n’était pas le cas il faudrait faire l’apologie de la haine de soi et on ne voit pas qui pourrait raisonnablement s’y employer. On ne peut rien fonder de bon sur la haine. Celui qui se hait ne peut ni aimer les autres ni être heureux et encore moins être moral. La haine engendre la méchanceté et ne peut se justifier. Il n’y a en effet rien à haïr en soi pour qui se projette librement dans l’existence. L’amour de la vie, l’amour de ce qui l’épanouit sont le signe d’une âme en accord avec la nécessité de sa nature tandis que la tristesse, la souffrance témoignent de son impuissance. Tout ce qui affirme la vie est un bien. La raison ne veut rien contre la nature, elle se préoccupe seulement de dénoncer ce qui la mutile, la diminue aux dépens de ce qui l’augmente.

Chacun peut, en effet, percevoir en lui de nobles élans, un sens de ce qui est élevé et gracieux, un goût de l’infini, une disposition à s’oublier soi-même pour mieux s’accomplir dans l’exigence spirituelle et morale. C’est par là que l’homme peut légitimement s’estimer. Il y a en lui un achèvement objectif. Descartes l’appelle le libre arbitre ou la capacité de disposer de ses volontés; la tradition avec Socrate la nomme l’âme. La perception de ce fondement de précellence à soi fonde l’estime de soi et on ne voit pas comment les plus nobles vertus seraient possibles sans ce ressort affectif. Nul n’est plus enclin à se conduire de manière méprisable que l’homme qui se méprise. Or les menées aménagées au seul ravissement du moi, surtout si elles vont de pair avec l’indignité morale suscitent le mépris de soi-même. Elles ne peuvent être source de contentement de soi-même, ne serait-ce que parce qu’elles attisent le mépris des autres et que l’intersubjectivité est plus naturel que la subjectivité.            

Non seulement l’égoïsme est incompatible avec les vertus morales et politiques mais il ne doit même pas être confondu avec l’individualisme car se savoir et se vouloir un individu ou un sujet autonome ne signifie pas, par principe, se prendre pour un centre et pour un tout. Au contraire, seul peut aspirer a l’autonomie un être de raison et la raison enseigne à chacun de se mettre à sa place dans l’ordre des choses. L’amour de soi bien assimilé inclut l’amour du tout dont on est un élément. Comment pourrait-on s’accomplir dans la perfection de sa nature sans la coopération avec les autres hommes dans de solides liens d’amitié et de justice et sans l’intérêt pris à la préservation de notre mère nourricière, la terre? Les stoïciens montrent ainsi que chez l’homme de raison le souci de soi se prolonge naturellement en souci de la totalité dont il fait partie. Seule l’inconscience peut laisser croire qu’on ne se menace pas soi-même lorsqu’on porte atteinte aux droits des autres. L’injustice produit le conflit, la guerre; la haine, la jalousie, l’envie sont des passions tristes affaiblissant ceux qui les éprouvent. L’homme ne s’épanouit que dans la joie et celle-ci requiert la paix et l’amitié. Christian Bobin~dit cela poétiquement dans son livre « Le Très bas »: là encore il suffit de remplacer Dieu par le tout: « L’amour de soi est à l’amour de Dieu ce que le blé en herbe est au blé mûr. Il n’y a pas de rupture de l’un à l’autre juste un élargissement sans fin, les eaux en crue d’une joie qui, après avoir imprégné le cœur, déborde de toutes parts et recouvre la terre entière ».

Si l’opinion que vous avez de vous-même est défavorable ou dévalorisante, il ya peu de chance pour que votre vie soit riche et harmonieuse. Alors ne vous laissez pas persuader que vous ne valez rien et que vous êtes inutile, ou que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue parce que vous ne rendez service à personne. Nombreux sont ceux qu’une mauvaise «programmation» a amenés à penser qu’ils étaient indignes et qu’ils ne méritaient pas d’être heureux. Nous avons tous vécu de nombreuses formes d’existence et de multiples empreintes douloureuses ont marqué notre corps émotionnel.

Bien souvent, avons-nous été victimes des effets négatifs du manque d’amour pendant notre enfance. Ainsi, l’esprit en garde le souvenir jusqu’à ce qu’il lui soit permis de l’évacuer. Il faut donc commencer par soi-même, prendre un bain d’amour. La bienveillance que nous pouvons ressentir pour nous-même sera déterminante pour pouvoir la partager ensuite avec autrui. Si vous vous sentez abandonné à un triste sort, ou pas assez entouré, alors faites tout ce que vous pouvez pour vous donner de l’attention et de l’amour. Vous avez le choix de vous libérer de tous vos fardeaux et de toutes les misères que vous portez depuis si longtemps. Réconciliez-vous avec tous les aspects de votre histoire de vie et considérez toutes les épreuves que vous avez traversées comme étant bénéfiques.

 « Nous ne devons pas avoir peur de nous regarder en face. Du chaos naissent les étoiles. » Merci Mr Charlie Chaplin.

Le jour où je me suis vraiment aimé, j’ai compris qu’en toutes circonstances, j’étais à la bonne place, au bon moment. Et, alors, j’ai pu me détendre. Aujourd’hui je sais que ça s’appelle … Estime de soi.

Le jour où je me suis vraiment aimé, j’ai pu percevoir que mon anxiété et ma souffrance émotionnelle, n’étaient rien d’autre qu’un signal quand je vais contre mes convictions. Aujourd’hui je sais que ça s’appelle … Authenticité.

Le jour où je me suis vraiment aimé, j’ai cessé de vouloir une vie différente et j’ai commencé à voir que tout ce qui m’arrive, contribue à ma croissance personnelle. Aujourd’hui je sais que ça s’appelle … Maturité.

Le jour où je me suis vraiment aimé, j’ai commencé à percevoir l’abus dans le fait de forcer une situation ou une personne, dans le seul but d’obtenir ce que je veux, sachant très bien que ni la personne ni moi-même ne sommes prêts et que ce n’est pas le moment … Aujourd’hui je sais que ça s’appelle … Respect.

Le jour où je me suis vraiment aimé, j’ai commencé à me libérer de tout ce qui ne m’était pas salutaire, personnes, situations, tout ce qui baissait mon énergie. Au début, ma raison appelait ça de l’égoïsme. Aujourd’hui je sais que ça s’appelle … Amour propre.

Le jour où je me suis vraiment aimé, j’ai cessé d’avoir peur du temps libre et j’ai arrêté de faire de grands plans, j’ai abandonné les méga-projets du futur. Aujourd’hui je fais ce qui est correct, ce que j’aime, quand ça me plaît et à mon rythme. Aujourd’hui je sais que ça s’appelle … Simplicité.

Le jour où je me suis vraiment aimé, j’ai cessé de chercher à toujours avoir raison, et me suis rendu compte de toutes les fois où je me suis trompé. Aujourd’hui j’ai découvert … l’Humilité.

Le jour où je me suis vraiment aimé, j’ai cessé de revivre le passé et de me préoccuper de l’avenir. Aujourd’hui je vis au présent, là où toute la vie se passe. Aujourd’hui je vis une seule journée à la fois. Et ça s’appelle … Plénitude.

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