L’enosh s’en va-t-il en guerre? Par Rony Akrich

by Rony Akrich
L’enosh s’en va-t-il en guerre? Par Rony Akrich

L’ordre de l’après-Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide a commencé avec la consolidation de l’idéologie libérale de l’internationalisme occidental basée sur les principes fondamentaux de l’État de droit, de l’économie de marché, des droits de l’homme, de la paix et du commerce mutuel comme moyens d’éviter un retour aux guerres sanglantes.

Mais au cours des deux dernières décennies, cet ordre a finalement subi diverses transformations par les fondateurs mêmes de l’idéologie libérale à travers les guerres brutales et sans fin en Asie de l’Est et de l’Ouest. À la lumière des conflits de coalition occidentale menées par les États-Unis au Vietnam, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie et maintenant en Ukraine, on ne voit plus de discipline avec les aspirations au maintien de la paix ou aux droits de l’homme.

Dans cette organisation dirigée par les États-Unis, le monde a été témoin de l’émergence de concepts tels que l’intervention humanitaire armée et la violation de la souveraineté de pays, comme nous l’avons souligné, sous prétexte de défense préventive ou de construction d’un État-nation. La stabilisation du chaos et des tueries brutales ont été le seul résultat de l’occupation de ces pays.

Les appellations utilisées par les États-Unis et leurs vassaux pour la Chine et la Russie sont les exceptions à cette hiérarchie internationale libérale, cela parait tout à fait normal et accepté par l’oncle Sam.

Cet ordre n’est point.

Il a plutôt ouvert la voie à des guerres sans fin dans les pays riches en pétrole, à des agressions économiques, des sanctions contre des pays émergents comme la Chine, l’Inde et la Russie. Bien sûr, ces attaques visent à assurer la survie de cet ordre mondial américain, dépérissant, en générant des troubles économiques et sécuritaires pour New Delhi, Pékin et Moscou.

Les États-Unis divisent à nouveau les pays du monde en amis et adversaires et, avec leurs alliés européens, poussent d’autres pays à se joindre à eux pour protéger l’existence de l’internationalisme libéral, ou bien ils seront la cible de sanctions économico-politiques des plus sévères. En général, l’Occident a préparé le terrain de telle manière que nous serons, à moyen ou long terme, témoins d’une confrontation entre la main mise américaine décadente et le complexe Russo-Chinois, là sont les principaux rivaux du régime mondial en mutation.

En fait, contrairement aux affirmations occidentales, la paix de Kant, basée sur la coopération entre les nations, a cédé la place à l’idéologie néoconservatrice. Peu importe qui dirige la Maison Blanche, l’idéologie structurelle a transcendé tout individu, ou branche du gouvernement, elle est devenue la véritable politique étrangère des États-Unis et du bloc occidental. Depuis l’administration Bush, les pays sont amis, ou ennemis.

Cette situation présente une ressemblance frappante avec le récit de Thucydide sur la guerre du Péloponnèse. Il considérait la guerre entre Sparte et Athènes comme inévitable parce que Sparte craignait la puissance émergente d’Athènes. Des universitaires ont également discuté de cette guerre et exprimé leurs inquiétudes quant au fait que les États-Unis sont pris dans le « piège de Thucydide » face au nouvel ordre international en gestation. Cela signifie que le conflit entre les États-Unis et la Chine est finalement inévitable. Les premiers et leurs alliés sont désespérément préoccupés par la puissance émergente de la Chine, ou la montée du Dragon d’Asie de l’Est, alors que les experts avertissent constamment, l’Occident est en guerre avec la Chine, et cela se transformera probablement en un véritable conflit.

Mais alimenter la peur d’une guerre avec la Chine n’est qu’une propagande vide de sens.

Les États-Unis n’ont ni le pouvoir, ni la volonté, de déclencher une guerre, surtout si les choses ne sont pas prévisibles. Le cas de l’Ukraine montre leur incapacité à affronter directement une puissance militaire mondiale. Pékin est bien conscient que l’économie et la richesse de la Chine font partie des atouts de l’Occident et toute mesure prise pour lui nuire se retournera contre eux.

Peu importe comment, et où, ils sont entraînés dans la crise, Washington et l’Europe considèrent la Russie comme une menace militaire et la Chine comme une menace économique et de haute technologie. Par conséquent, pour commencer, le bloc occidental cherche à ouvrir et à creuser un gouffre entre Pékin et Moscou dans leur coopération stratégique. Ensuite, il entend rendre précaires, pour la Chine, les capacités économiques garanties de l’Asie et de l’Océanie, espérant créer un frein à son développement économique et pousser Pékin à consacrer une partie de son budget de développement à des affaires militaires ou des tensions avec d’autres pays.

Quelle que soit l’issue de la crise ukrainienne, le bloc occidental tente de dépeindre la Chine comme la plus grande menace pour l’Occident et le monde entier. Pour la première fois dans son histoire, l’OTAN a pris pour cible la Chine. Lors du sommet de Madrid (28 au 30 juin), l’Alliance atlantique a présenté le pays de Xi Jinping comme un « défi » pour sa « sécurité future ». Quelques jours plutôt à Elmau en Allemagne, les dirigeants du G7 avaient sévèrement critiqué les autorités chinoises, employant une terminologie nettement plus musclée qu’à l’ordinaire.

Elle n’est, sans aucun doute, plus une puissance émergente pour le diktat américain de l’après-guerre froide mais désormais un concurrent sérieux pour le monde occidental. Le pays a maintenant le pouvoir national et la technologie pour créer un bloc économique et même militaire avec ses partenaires contre l’internationalisme libéral. Alors que les États-Unis et la plupart de leurs alliés européens sont plus encore endettés que leur richesse nationale, la Chine, propriétaire des plus grandes réserves mondiales et de la haute technologie, devrait dépasser les États-Unis d’ici 2030 et devenir la plus grande économie de l’Histoire de l’Humanité.

Il semble de plus en plus nécessaire de revoir l’agencement du monde car il est remplacé et réécrit à partir de zéro. La Chine a réussi à adapter ses objectifs stratégiques aux changements structurels mondiaux de la politique internationale. Pendant la crise du coronavirus, Pékin a également montré au monde qu’il pouvait maintenir sa puissance commerciale mondiale et, simultanément, protéger la vie de son peuple.

Bien sûr, la Chine ne cherche pas à instaurer une nouvelle autorité monopolaire, le développement et les progrès souhaités ont été réalisés dans l’ordre actuel, mais le bloc occidental craint de voir la Chine être le seul pays capable de remplacer l’internationale américaine, transformé sans ambition politique et sécuritaire et agression.

En fait, l’agression américaine contre la Chine à travers l’Ukraine et la Russie vise davantage à freiner le développement économique de la Chine et à fixer une ligne rouge quant au sort du devenir mondial qui s’écroule. Ainsi, la victoire dans la crise ukrainienne est un facteur clé pour maintenir l’ordre existant ou empêcher en fin de compte l’effondrement de l’OTAN et de l’organisation transatlantique.

Les alliés de Washington en Asie du Sud-Est, dont l’Australie, le Japon et la Corée du Sud, craignent qu’un changement dans l’aménagement mondial n’encourage la Chine à reconquérir sa patrie du 19eme et du début du 20eme siècle. Ils craignent que Pékin ne tente de regagner sa souveraineté historique sur Taïwan puis se dirige vers Hong Kong et la mer de Chine méridionale pour établir une nouvelle ligne de front dans la région indopacifique.

Dans tous les cas, l’Ukraine et Taïwan sont désormais au centre des enjeux géopolitiques et les conflits continueront sûrement jusqu’à ce que l’un des nouveaux blocs mondiaux domine l’autre. La question de savoir si le monde fera à nouveau confiance aux États-Unis après les décisions scandaleuses de Trump et Biden concernant le retrait d’Afghanistan, ou s’il se penchera vers la Chine, sera bientôt dévoilée, dans un avenir assez prévisible.

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