La tournée officielle du président Biden au Moyen-Orient est conséquente des multiples besoins fonctionnels du gouvernement américain, tout cela répondant aux crises systémiques d’une administration en peine.
La dépression énergétique et nourricière dans le monde entraîne une énorme augmentation des tarifs pétroliers (aux États-Unis il a atteint un niveau record ce mois-ci) et une insuffisance subite de céréales.
Le point sur la situation: une pandémie, une guerre, une inflation qui s’emballe (aux États-Unis, le taux d’inflation a atteint 8,6 %) et des hausses de taux d’intérêt.
Une crise de confiance persistante des États du Golfe et leur réserve certaine à faire preuve de solidarité avec les sanctions occidentales contre la Russie.
Tous les éléments composants les récessions sont actuellement réunis.
On peut craindre de plus en plus que, sans une mutation foncière, le Parti démocrate n’ait à subir une fâcheuse déconfiture lors des consultations de mi-mandat.
Dans ces conditions, la Maison Blanche se voit contrainte de repositionner ses pions en reconsidérant sa politique Moyen-Orientale, et plus spécialement ses liens avec les dirigeants Saoudiens. Ces derniers seraient les maitres d’œuvre capables de diminuer, relativement, l’intensité de la dépression générale concernant les prix des carburants et la hausse de l’inflation. Le président Biden va tenter de convertir les pays du golfe en renforçant l’engagement américain auprès de ces alliés régionaux.
A propos d’Israël, la décision de dissoudre le gouvernement et d’aller aux urnes n’affectera pas matériellement la prochaine visite du président dans la région.
Différemment de tous les autres drames économiques planétaires de ces dernières années, le préjudice présent est plus que sérieux et divers, au vu et su d’évènements extrêmes comme les pénuries de blé et de pétrole, à même de nous frapper de plein fouet très prochainement.
Ceux-ci ne pourront être garantis par la seule assistance financière, principalement du fait d’une mauvaise gestion de l’économie de marché, devenue anarchique, mais aussi, et bien sûr, du fait de la guerre en Ukraine et des dégâts causés par le réchauffement climatique.
De plus, la propension actuelle à présenter une explication plénière associée et organisée entre l’ensemble des acteurs économiques en Europe et aux États-Unis est incertaine face aux divergences entre les différents exécutants sur les politiques à mener contre la Russie.
A vrai dire, il n’y a pas vraiment d’alternative à la Russie!
De nouvelles forces économiques mondiales, au premier rang desquelles la Chine et l’Inde, émergent et commencent à ébranler sérieusement l’hégémonie américaine. De ce fait, la Banque mondiale a réduit son anticipation relative à la croissance pour 2022 à 2,9% essentiellement déduite de l’augmentation des prix des denrées alimentaires, de l’énergie, et de la hausse des taux d’intérêt mondiaux. Une estimation prime chez la majorité de nos économistes: même d’ici 2023, le modèle économique mondial ne pourra guère se rétablir et sortir de la crise, la réalité pourrait même empirer.
De surcroit, l’association des craintes d’une escalade en Ukraine qui intensifiera la crise mondiale de l’énergie et des céréales, avec la possibilité d’une résurgence de l’épidémie de corona, de probables fermetures, de nouveaux dommages aux chaînes d’approvisionnement mondiales et des hausses constantes des taux d’intérêt pourrait entrainer les pays du Moyen-Orient et d’Afrique vers une insoutenable pauvreté face aux hausses de prix incontrôlées, à une crise réelle de la dette et à une pénurie alimentaire avérée.
La guerre se poursuit en Ukraine depuis quatre mois, chaque camp est dans une incapacité à résoudre ce conflit par une victoire militaire ou économique. Chacun campe sur ses positions, de profonds désaccords existent et paraissent infranchissables.
Dans cet état de fait, l’affrontement semble être entré dans une longue et sanglante guerre d’usure. Malgré les sanctions économiques sans précédent imposées à la Russie et l’abandon de centaines de sociétés et d’entreprises à l’économie russe, il est clair que le président Poutine est déterminé à poursuivre la campagne militaire à tout prix, tout en sapant systématiquement la capacité de l’Ukraine à fonctionner en tant qu’État. Il utilise de plus en plus l’énergie et les armes du blé pour accroître la pression sur l’Occident d’une part, et réduire les dommages causés à l’économie russe du fait de l’augmentation des revenus résultant de la hausse des prix (malgré la réduction des volumes d’exportation à certains Pays européens).
Ainsi, la Russie continue de fournir du blé à l’Égypte et d’autres pays de la région et d’Afrique, exige le paiement en roubles pour l’approvisionnement énergétique et n’hésite même pas à arrêter le flux de gaz vers divers pays d’Europe. Il est probable qu’en contre-mesure aux pressions occidentales, la Russie augmente ses exportations d’énergie et de palans de blé vers la Chine et l’Inde, à la lumière des graves pénuries des mois à venir et d’une Europe bien décidée à ne plus s’approvisionner en gaz Russe et condamner ses citoyens au froid lors du prochain hiver.
Les élections américaines de mi-mandat se tiendront en novembre 2022, avec 435 sièges au Congrès (actuellement 221 démocrates et 208 républicains), et 35 sièges au Sénat sur 100 paritaires).
Elles sont une mise en garde pour le gouvernement et signifient le degré de satisfaction du public à l’égard de la performance du président en place. Le soutien moyen au président Biden dans les récents sondages s’élève à environ 40%, l’un des plus mauvais en deuxième année de mandat au cours du dernier demi-siècle. La polarisation politique américaine, les profondes divergences sur des questions foncières telles que l’avortement, la contraception, les mariages homosexuels, le droit des armes, ainsi que la détérioration de la situation socio-économique, ont un effet direct et dévastateur sur le pourcentage de soutien au président. Malgré une large adhésion politique quant à la nécessité de soutenir l’Ukraine et de prévenir l’envoi de forces américaines, la majeure partie de la population ne comprend pas pourquoi devoir nuire à son niveau de vie et en payer un prix si élevé.
La perte de l’une des deux chambres, notamment le Sénat, placera de nombreuses entraves au président pour maintenir son programme dans la seconde moitié de son mandat.
Dès son entrée à la Maison Blanche, Joe Biden avait confirmé la question des droits de l’homme comme l’une des valeurs phares de sa politique tant intérieure qu’extérieure. Dans ce contexte, en février 2021, une porte-parole de la Maison Blanche déclarait que l’administration Biden allait poursuivre son embargo sur l’Arabie saoudite, et que le président ne contacterait pas le régent saoudien, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud. Ceci bien sûr, face à de nombreuses voix au sein du Parti démocrate, des organisations de défense des droits de l’homme et des principales organisations civiques qui considèrent le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane comme une figure illégitime puisque responsable de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.
Un peu plus d’un an s’est écoulé et l’administration américaine se voit contrainte de remanier ses positions concernant ce pays afin d’obtenir des Saoudiens une augmentation de leur production de pétrole, de stopper la hausse des prix des carburants et leur inquiétante inflation. C’est dans ce contexte que le président rencontrera pour la première fois Mohammed ben Salmane au cours du prochain sommet de Riyad.
La rencontre attendue suscite de vives critiques aux Etats Unis, obligeant le président à préciser qu’il n’avait guère l’intention de le rencontrer en tête à tête, mais uniquement lors du « Conseil de coopération du Golfe ». L’administration américaine tente de se focaliser, dans ses déclarations officielles, autour de son engagement pour la sécurité d’Israël, la promotion de la coopération stratégique et sécuritaire avec ses alliés stratégiques contre la menace iranienne, et le fait que cette visite témoigne du don d’ubiquité des États-Unis concernant le Moyen-Orient. Ainsi, l’objectif sera de soumettre les attaques internes à propos de cette rencontre, de régler la crise avec les États du Golfe, de satisfaire la demande de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et d’Israël au sujet d’une nécessaire colonne vertébrale américaine, crédible, face à la menace nucléaire iranienne.
Nonobstant ces proclamations, je pense que le but primordial de ce voyage est d’accroître la production pétrolière de l’Arabie saoudite afin de réduire la crise énergétique mondiale, tout en donnant l’impression (économique et diplomatique) d’empêcher l’érosion de la politique antirusse.
Néanmoins, la question palestinienne insoluble, le dialogue stratégique que Riyad entretient avec Téhéran, le rapprochement des relations économiques entre les Émirats arabes unis et l’Iran, ainsi que l’opposition de l’Irak à tout lien avec Israël, rendent « l’alliance régionale » anti-iranienne, pour le moins, inconcevable.
Dans le même temps, la visite du président Biden pourrait, peut-être, faire avancer les relations bilatérales entre Israël et l’Arabie saoudite.
Ajoutons que l’administration Biden n’a pas vraiment le vent en poupe auprès de la monarchie saoudienne, cette dernière a depuis établi de sérieuses relations avec la Russie et la Chine. Il y aura beaucoup de points d’interrogation sur la capacité de Biden à générer des changements importants dans ses rapports avec l’Arabie saoudite. Dans le cadre de ses efforts de persuasion, l’administration pourrait tenter d’encourager de nouvelles conventions militaires et stratégiques de première importance. Israël devra s’assurer que tout cela ne viole point les principes de son avantage militaire de qualité!
Quant à la question palestinienne, ce sera en principe un sujet secondaire dans l’ordre du jour général de la visite du président dans la région.
Permettez-moi cette parenthèse: au milieu d’une flambée sans précédent de risques géopolitiques mondiaux, le monde prend de plus en plus conscience que l’architecture sous-tendant l’ancien ordre mondial (USA-Dollar) cède la place à une nouvelle configuration des relations internationales et des blocs régionaux. Les pays de l’Est et du Sud établissent leurs propres institutions, alliances d’intégration régionale et systèmes de paiement, qui deviennent une force cruciale dans la transformation de l’économie mondiale.
Les plus grands marchés en développement, principalement les pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) sont parmi les leaders.
En mars dernier, le vice-ministre des Affaires étrangères russe, Sergey Ryabkov, a déclaré que les BRICS formeront la base d’un nouvel ordre mondial:
« Je pense que ces États, totalisant près de la moitié de la population mondiale et représentant une grande partie du PIB mondial, seront parmi les piliers du nouvel ordre mondial émergent.»
Je vous laisse méditer…!!