Ces kippot qui redorent le blason des Hébreux. Par Rony Akrich

by Rony Akrich
Ces kippot qui redorent le blason des Hébreux. Par Rony Akrich

Beaucoup, parmi les officiers combattants, sont originaires de la yeshiva Bnei David implantée à Eli.
Il s’agit du programme préparatoire phare d’Israël pour les Juifs orthodoxes sionistes religieux destinés à servir dans les rangs de Tsahal (l’armée israélienne).
Créé en 1988, Bnei David est devenu le fer de lance d’une lignée d’établissements similaires dans tout le pays. Les effets n’ont guère tardé à se faire sentir : une augmentation éclair du nombre d’hommes religieux enrôlés dans le corps des officiers et les unités de combat de Tsahal. En 1990, selon les recherches menées par Ariel Finkelstein, seulement 2,5 pour cent des licenciés de la formation d’officier d’infanterie étaient diplômés de l’enseignement sioniste-religieux, en 2015, ce taux atteignait 37,6 pour cent, soit une multiplication par 15 en 25 ans !! Dans certaines unités de combat, ils représentent jusqu’à 50 pour cent des nouveaux officiers, soit environ quatre fois leur chiffre représentatif dans la population israélienne.
Couplée à une baisse parallèle du nombre de soldats de combat et d’officiers issus de familles laïques, cette tendance à la hausse change radicalement le visage de Tsahal.
La plupart des Israéliens respectent les sionistes religieux, ces Juifs orthodoxes voient l’État comme pièce maîtresse de la rédemption annoncée par les Prophètes d’Israël, pour leur volonté et leur abnégation à défendre la nation.
Pourtant l’islamo-gauchisme séculier, qui sévit aussi en Israël, craint de voir leur vision du monde venir à changer le caractère de l’armée, traditionnellement une « armée populaire » laïque, où les jeunes de tous bords ont forgé des liens durables au cours de leur service obligatoire de deux à trois ans. Ce bouleversement pourrait aussi influencer l’État d’Israël lui-même.
L’une de leurs préoccupations est la suivante : si Israël acceptait un accord de paix avec les palestiniens, cette influence démesurée des soldats religieux pourrait compliquer l’évacuation des « colonies israéliennes en Cisjordanie » par Tsahal.
« Il y a eu une sorte de vide dans lequel le camp sioniste-religieux est entré », explique Amos Harel, auteur du « nouveau visage de Tsahal » et correspondant militaire chevronné du journal de gauche, Haaretz.
« Il existe des tendances troublantes au sein de la démocratie israélienne et de l’État d’Israël qui commencent à affecter la manière dont l’armée se comporte. Mais ces craintes ne se sont pas encore avérées. »
Pendant des décennies, Tsahal a été dirigé par des sionistes laïcs, qui sont allés de gloire en gloire – notamment lors de la guerre israélo-arabe de 1967. Israël avait alors récupéré ses territoires ancestraux de Yehuda-Shomron (de Judée et de Samarie), les hauteurs du Golan, la péninsule du Sinaï et sa capitale éternelle, Jérusalem, en six jours, sous le commandement de Yitzhak Rabin, Ouzi Narkiss, Moshe Dayan et bien d’autres.
Toutefois, en 1973, le jour de Yom Kippour, le jeune État israélien a été bouleversé par une attaque-surprise coordonnée par l’Égypte et la Syrie. Envers et contre toutes les erreurs du moment, Israël réussira, en trois semaines, à repousser ses ennemis. Néanmoins, la débâcle du renseignement et de la gestion politique hantera Israël pendant des décennies.
Alors que Tsahal et les agences de renseignement réorganisaient leurs moyens, en hommes et matériels, afin de se prémunir d’une autre surprise militaire de ce type, les sionistes religieux entendaient une nécessité différente. Au siège intellectuel du sionisme religieux à Jérusalem, le rav Tzvi Yehuda Hacohen Kook ‘zatzal’ encourageait ses étudiants à enseigner au peuple d’Israël un sens plus fort de la mission spirituelle. Le sionisme politique avait fourni le corps de l’État, désormais, pensait-il, la Foi d’Israël se devait de construire son âme, celle du retour des Hébreux. L’un de ses élèves, Elie Sadan, dont l’unité avait été l’une des premières à traverser le canal de Suez pendant la guerre de 1973, une manœuvre décisive pour la victoire, sous le commandement du Général Arik Sharon, a très vite compris que pour jouer un rôle essentiel au sein de l’État, les sionistes religieux devraient assurer sa défense, s’engager dans l’action militante et devenir responsables devant tous, un commandement de la Loi juive.
Contrairement aux ultra-orthodoxes, les sionistes religieux n’avaient pas revendiqué une exemption générale du service militaire, mais rares étaient ceux qui servaient alors dans les unités de combat de Tsahal ou le corps des officiers.
« Je ne pense pas que l’on puisse avoir l’audace de dire quelque chose sur l’État si l’on ne prend pas part à sa responsabilité », déclare le rav Elie Sadan, s’adressant à ces étudiants dans le Yishouv (village) d’Eli en Judée Samarie.
En 1988, alors qu’une douzaine de familles juives seulement habitaient sur cette colline balayée par les vents, lui et le Rav Yigal Levinstein ont cofondé “Bnei David” dans un bâtiment industriel d’un étage, les étudiants vivaient, quant à eux, dans des caravanes.
Deux ans plus tard, Rav Sadan a étendu ce modèle d’académie préparatoire à l’armée vers la communauté laïque. Il existe aujourd’hui près de 36 établissements de ce type, dont environ un tiers sont religieux, des jeunes de 18 ans viennent étudier à plein temps pendant un an avant de s’engager pour 3 ans minimum.
Selon une étude réalisée en 2008 par “l’institut national de sécurité”, 80 pour cent des étudiants prépa-yeshiva entrent dans des unités de combat et 20 pour cent deviennent officiers, soit le triple du taux national. La prépa de “Bnei David”, présente des chiffres exceptionnellement élevés : plus de 40 % des 2 600 diplômés, depuis 1988, sont devenus officiers.
Bnei David signifie « fils de David » le Roi d’Israël biblique vénéré à la fois comme guerrier et poète. La yeshuva-prepa se présente comme une sorte de “West Point” pour les sionistes religieux, combinant des études rigoureuses des textes bibliques et talmudiques accompagnés de conférences données par des Rabanim et des officiers de carrière, et un entraînement physique intensif, au quotidien.
Pour les jeunes de 18 ans, la préparation est intense.
Bnei David souscrit à l’idéologie du rav Kook et de son vénéré père : défendre la souveraineté d’Israël sur l’ensemble de son territoire, ses terres bibliques, et s’opposer aux compromis territoriaux en faveur de la paix.
Pour de nombreux diplômés, ce caractère décisif découle de leurs croyances religieuses. À la veille de l’opération “Tsuk Eytan” en 2014, le commandant de la brigade Givati, Ofer Winter mobilisa ses officiers et leur affirma, par une missive, que l’Histoire les avait choisis pour affronter « l’ennemi terroriste, les gazaouis », en les engageant à entrer dans la bande de gaza avec « l’esprit des guerriers Hébreux se lançant à l’assaut, au-devant de tous ».
La lettre de Winter a suscité un vif débat en Israël.
Certains ont loué sa foi et son courage, mais d’autres l’ont accusé de mélanger l’idéologie religieuse avec sa mission militaire – qui consistait à détruire les tunnels et à arrêter les tirs de roquettes du hamas.
« La mission ne vient pas de Dieu, elle vient du chef d’état-major et du gouvernement », explique l’ancien psychologue de Tsahal Reuven Gal qui oublie et fait abstraction de l’essence même du retour d’Israël sur sa terre. Le chef de la direction du personnel de Tsahal a toutefois défendu Winter, affirmant que la lettre reflétait une tradition des commandants qui s’appuient sur leur vision du monde pour inspirer les soldats.
Nombre de soldats laïcs disent apprécier l’engagement des soldats religieux, leur volonté de servir dans des postes de combat et d’officier, d’autant plus que le recrutement laïc à ces postes a diminué. « Je pense que c’est vraiment très important d’avoir des gars comme ça parce qu’aujourd’hui, ce n’est pas une chose que l’on peut tenir pour acquise », déclare Tomer, un ancien soldat du sud du Liban, assis dans un café branché de Tel-Aviv.
Durant son mandat, le Président israélien Reouven Rivlin rendit visite à Eli, traversant une mer de jeunes hommes enthousiastes jusqu’à une salle comble. Le rav Sadan à ses côtés, qui avait dans une récente interview télévisée, affirmait qu’Israël n’était pas prêt à avoir un chef d’état-major religieux. Le Président a contesté l’affirmation du rabbin « Je suis certain que dans un avenir pas si lointain, un chef d’état-major religieux sera nommé au sein de Tsahal », a déclaré M. Rivlin, ajoutant qu’Israël était même prêt à avoir un Premier ministre religieux. « Cependant, il sera nommé à ce poste non pas parce qu’il est religieux, mais plutôt parce qu’il est talentueux. »
Le commentateur politique de la Douzième chaîne, Amit Segal, a déclaré que 45 % des morts, dans cette guerre, appartenaient, de près ou de loin, au monde sioniste religieux. Tout comme Israël salue les Druzes pour leur sacrifice, en conséquence de quoi, il serait de bon aloi de revoir la loi sur l’État-nation que la communauté druze trouve offensante.
Il faudrait également reconnaître le sacrifice payé par le sionisme religieux.
Certes on peut contester cela, assurer qu’examiner la liste des morts, les fractionner en secteurs ne fait que maintenir les opposions dans le pays ! C’est ce qui a, très certainement, contribué à la décision du hamas de frapper à ce moment-là ! Le pays était si gravement fracturé, comme encore aujourd’hui !
Toutefois ces statistiques macabres méritent d’être spécifiées pour deux raisons.
La première : concéder et tenter de reproduire ailleurs les valeurs transmises au sein du camp religieux sioniste : l’amour de la terre, du pays, du peuple et de la Torah d’Israël, et la volonté de se sacrifier pour le collectif.
La deuxième raison pour laquelle il convient de mentionner le nombre de sionistes religieux tombés au combat est importante : au fil des années, certaines parties de cette communauté ont été diabolisées comme des “messianistes” et des “fascistes”. Le rabbin Yigal Levenstein, l’un des directeurs de la yeshiva “Bne David” a littéralement été chassé de Tel-Aviv, quelques semaines avant le 7 octobre, sous la huée des manifestants qui criaient : « casse-toi fasciste! Retourne dans ta colonie, ta place n’est pas ici! »
Au moment où j’écris ces lignes, le 22 -ème élève de cette académie vient de tomber à gaza.
Comme l’a dit Amit Segal : « des années durant, une campagne de diffamation et de calomnie contre le sionisme religieux et les colons a tenu le haut du pavé médiatique – par exemple contre Eli – elle est un poison, elle doit être fermée [et] même détruite. »
Le temps est venu de faire acte de contrition, penser à demander pardon.
Comme l’a récemment écrit le journaliste d’investigation de l’émission Uvda, Yair Eizenberg sur X : « Je m’excuse auprès de la communauté religieuse sioniste dans laquelle j’ai grandi et que j’ai souvent critiquée. Je m’excuse d’avoir rejeté ce que je considérais comme son militarisme et sa sanctification du deuil au cours de la vie. »
Se référant métaphoriquement à la communauté religieuse sioniste comme à une « usine », il écrit : « Je remercie l’usine qui s’est chargée d’éduquer une merveilleuse jeunesse, prête à payer de sa vie pour protéger la mienne. »
A nous aussi de crier haut et fort notre reconnaissance, notre fierté ! Toda!

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