La Torah nous demande de construire un Etat, aussi attend elle de nous d’être prêts à en payer le prix.
Dans son Livre des Commandements, Na’hmanide souligne une dimension particulière de la mitsvah relative à Eretz Israël : il est impératif de ne pas abandonner la Terre d’Israël à un peuple étranger, et au contraire, elle doit être rangée dans le cadre d’une souveraineté nationale d’un Etat juif. C’est en vain que l’on rechercherait dans la tradition juive un Sage venant à contredire l’existence d’un tel commandement.
Nous ne pouvons donc douter d’avoir reçu un ordre divin nous demandant d’être présents en Eretz Israël, d’y garantir notre autorité nationale, de bâtir un Etat et, dit Na’hmanide, d’engager une guerre d’indépendance afin de reconquérir notre terre.
Cette profession de foi est commentée de manière similaire dans le Talmud yérouchalmi, on y expose cette période où les Cananéens préférèrent le conflit armé plutôt que de reconnaître la légitimité d’Israël. Yéhochoua se montra alors très ferme : à la guerre nous répondrons par la guerre.
Le Sefer Ha’hinou’h, le Livre de l’Education, ramène une ordonnance qui fut attribué à Rabbi Aharon Halévy de Barcelone, celui ci affirmait que quiconque pouvait combattre contre les sept nations sans se mettre en danger, aurait enfreint une loi de la Torah. Le commentaire du Sefer Ha ‘hinou’h, le Min’hat ‘Hinou’h, s’interroge sur la question de savoir comment est-il possible de faire la guerre contre les sept nations sans se mettre en péril ? Et l’on répond que le danger ne doit pas être perçu au plan personnel, mais à l’échelle nationale.
Que sommes-nous capables de donner à notre pays ? Chacun de nos soldats répond avec simplicité, dans un quotidien où la rigueur climatique, la fatigue, la tension du danger, conduiraient naturellement vers le repli sur soi. Eux ont choisi de développer, au cours de longues années de formation et d’aguerrissement, cette capacité à agir collectivement, à s’épauler dans les épreuves, à se protéger mutuellement. Ils allaient vers la grandeur sans la rechercher. Simplement parce que leur cœur les poussait vers ce rôle qui s’inspire du meilleur de la Nation et de l’idéal d’Israël.
L’injonction de conquérir sa terre est liée à un impératif certain du don de soi. D’une manière ou d’une autre, nous espérons une fin satisfaisante pour notre terre mais malheureusement la paix n’est pas une réalité prochaine.
Tout au long des siècles, la terre d’Israël n’a été préservée puis revivifiée que parce que des Juifs ont été prêts à donner leur vie pour cette cause. La construction de notre Etat passe à travers le dévouement des juifs! Il ne s’agit pas seulement d’une donnée théorique. Habiter sur notre terre, c’est le fondement de notre vie, et l’unique moyen concret de construire notre nation.
Servir son pays, aux ordres des autorités politiques élues pour décider du bien commun, notre soldat a lui confiance en elles et se nourrit de l’exemple de ceux qui l’ont précédé. Autres temps, autres guerres, autres sacrifices, toujours avec le sentiment qu’Israël le requiert et que son avenir en dépend. Filiation de ceux qui, toutes origines mêlées, ont trouvé dans la complicité des combats le meilleur de l’âme humaine: l’abnégation, la solidarité, le goût de l’effort, l’aptitude au sacrifice, le respect et l’humilité au service de la collectivité.
Soudaine prise de conscience de ce qu’il y avait de grand dans l’engagement de nos enfants et qui nous pousse dans ces moments de deuil au recueillement total. Des Israéliens, derniers d’une longue lignée, tombés au nom de valeurs qui dépassent l’intérêt individuel! Rude rappel pour ceux qui dépriment dans un environnement miné par les petits égoïsmes et le jeu nauséabond des bassesses sectaires. La grandeur d’un peuple se nourrit de la preuve, renouvelée sans cesse, de sa capacité à payer le prix de la liberté.
Je me répète et réitère, que tout au long des siècles, la terre d’Israël n’a été construite que parce que des Juifs ont été prêts à donner leur vie et il est impossible de concevoir autrement la construction d’une nation. En cas de conflit entre la vie de la nation et la vie des individus, la collectivité a le pas sur le particulier et la vie du peuple. Ainsi, les paroles de Nahmanide, loin d’être hypothèse d’école, ont reçu confirmation au cours des cent ans de sionisme qui ont vu la création de l’Etat d’Israël et toutes ses réalisations.
Le don n’est pas seulement un devoir « moral », c’est encore plus radical. Le don se situe dans l’intériorité vivante, dans le rapport de soi à soi qui fait que la vie est proprement vivante au sein de sa Manifestation. Le don n’est pas la représentation d’une nécessité « intellectuelle ». Le don se situe en deçà des calculs et des représentations de l’intellect, le don appartient au cœur. Le don véritable découle de l’amour. C’est en ce sens seulement que le comportement idéal est fondé sur le don. Le secret du don est aussi d’être une ouverture proposée à l’ego qui permet justement d’éclore l’égoïsme.
Il est dans la nature même de la vie de toujours s’octroyer à elle-même et de quérir sa propre croissance. C’est indubitablement en cela qu’elle est vivante, parce qu’inlassablement se donnant dans son épreuve de soi et pour son propre enrichissement. C’est pour cette raison transcendante et fondamentale que donner est une joie ; car donner c’est aller dans le courant qui porte la vie, qui supporte la vie.
La Torah est, on le sait, une Torah de vie: « Voici les commandements que l’homme doit accomplir pour vivre « pour vivre et non pour mourir ». De cette réaffirmation du principe de vie, les Sages ont déduit qu’en cas de danger, l’application d’un commandement est provisoirement suspendue. La Torah donne par exemple le droit et le devoir de profaner le shabat pour sauver une vie humaine.
Une telle législation entraîne un corollaire: en cas de menaces d’attentats terroristes contre des vies juives, il ne faudrait pas céder au chantage de l’ennemi et ne pas lui donner les territoires qu’il réclame, en l’occurrence aujourd’hui, la Judée, la Samarie et Jérusalem. En clair, si des millions de Juifs doivent profaner le shabat pour sauver la vie d’un nourrisson, il va de soi qu’il ne faut en aucun cas renoncer à l’Etat d’Israël car sa disparition mettrait en danger la vie humaine?
Le métier de nos soldats, dont on passe souvent voire toujours sous silence l’engagement, le courage et l’abnégation, est de risquer leur vie dans l’accomplissement de leur mission au service de notre pays, c’est-à-dire de vous et nous. Il est question certes de livrer bataille et donc de risquer sa vie s’il n’est pas d’autres moyens, pour prendre possession d’Israël. Il ne s’agit en aucun cas de se suicider. Josué avait préparé le peuple à l’éventualité d’une guerre et avait évalué les chances de réussite. Il en a été de même pour les guerres d’Israël pour lesquelles les risques ont été calculés et estimés supportables. Vivre en Israël et s’y maintenir, confronté à des antisionistes notoires et criminels, ce fait au prix d’une guerre de défense qui comporte en soi des dangers.
Un soldat s’engage pour son pays, et non pour une politique. La politique varie, son engagement reste, prêt au sacrifice suprême pour la terre et le peuple d’Israël. C’est pourquoi, quelle que soit la politique menée, l’abnégation du soldat mérite le respect. Ce qui n’empêche d’ailleurs pas la critique de la politique qui a abouti à ce sacrifice, mais c’est une autre histoire, à chacun ses responsabilités. Les grandes gueules qui ont la raillerie si facile devraient examiner les choses avec un peu plus de décence; combien d’entre nous sommes disposés à risquer notre vie pour une cause qui nous dépasse ?
Les arguties des sentencieux pèsent bien peu face au sacrifice volontaire d’un homme et, au fond, n’apparaissent que pour ce qu’ils sont: des loques camouflant, au choix, l’inconscience, la bêtise ou la lâcheté. Que vaut un pays pour lequel nul n’est prêt à périr ? Si l’existence de l’homme n’avait rien qui le surpasse, si l’objectif des hommes était leur continuation optimale, quelle chagrin, quelle langueur, quelle consternation.
Rappelons nous ces douloureux propos de Marc Bloch:
«Je le dis franchement : je souhaite, en tout cas, que nous ayons encore du sang à verser : même si cela doit être celui d’êtres qui me sont chers (je ne parle pas du mien, auquel je n’attache pas tant de prix). Car il n’est pas de salut sans une part de sacrifice; ni de liberté nationale qui puisse être pleine, si on n’a travaillé à la conquérir soi-même.»
Et Marc Bloch n’était pas de ces intellectuels d’autant plus farouches qu’ils restent bien au chaud dans les salons : il est mort fusillé par les Allemands.
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