Dans le Talmud, nous trouvons nombre d’expressions concernant l’essentialité des valeurs de solidarité sociale et nationale, le sentiment d’alliance d’une personne avec sa communauté et sa société.
L’une des incarnations les plus probantes de cette vertu a été instruite par le Rambam:
« Celui qui se met à l’écart du peuple, même s’il ne commet aucune faute, mais se sépare du peuple d’Israël, ne pratique pas les commandements au sein d’eux, ne prend pas part à leurs épreuves, et aux jeûnes, mais [au contraire,] suit sa propre voie comme s’il appartenait à une autre nation et non [au peuple d’Israël], n’a pas part au monde futur. » (Halakhot Teshouva, chapitre 3 Halakha 11)
Ainsi, selon Maimonide, si une personne agit comme l’exigent ses devoirs halakhiques, sans se considérer comme partie prenante des événements difficiles qui menacent le peuple, alors elle aura perdu sa part dans le monde à venir. Ces événements, ces troubles et ces crises traversent la société, le peuple et constituent pour elle des heures difficiles et importantes. De la patience, un certain degré de foi et un fort sentiment de loyauté envers ses proches sont requis. Du coup, celui qui, à cette époque, tourne le dos au peuple, à la société, à la communauté, se coupe de son identité nationale.
Ces affirmations sont basées sur des propos talmudiques cités dans la Guemara de Ta’anit page 11 recto:
« Lorsque le peuple d’Israël est plongé dans la détresse et que l’un d’eux se sépare (de la communauté et ne partage pas ses souffrances), les deux anges ministériels qui accompagnent une personne viennent lui poser les mains sur la tête et disent : cet homme, un tel, qui s’est séparé du peuple, ne verra pas la consolation du peuple. »
L’imagerie dramatique des anges posant leurs mains sur la tête du dissident laisse entendre pour celui qui n’est pas prêt à faire des sacrifices pour le bien commun… une punition divine !
Sur le plan psychologique, cela pourrait suggérer, s’il ne fait pas de sacrifices pour son peuple, en cas de nécessité, qu’il ne sera pas en mesure de vraiment se réjouir avec son peuple quand les choses s’amélioreront.
Cependant, le message de solidarité le plus clair vient d’une Baraïta ( une tradition orale juive non incorporée dans la Mishna.):
« Lorsque le peuple est plongé dans la souffrance, une personne ne peut pas dire : j’irai chez moi, je mangerai et je boirai, et la paix soit sur toi, mon âme… une personne devrait être en détresse avec son peuple »
Citant l’exemple de Moshé Rabenou, la Baraïta continue :
« Lors de la bataille contre Amalek, après la sortie d’Égypte, il leva les mains pour aider miraculeusement les Hébreux à triompher au combat. Cela devint, finalement, fatigant, alors Aaron et Hur lui trouvèrent un rocher sur lequel s’asseoir et lui ont soutenu les mains. »
Le Talmud se demande:
« Quel genre de siège est un rocher pour un homme aussi éminent que Moshé? N’aurait-il pas pu lui trouver un oreiller ou un coussin pour s’asseoir ? Moshé a plutôt dit ce qui suit : puisque le peuple d’Israël est plongé dans la souffrance, moi aussi je serai avec lui dans la souffrance. »
La Baraïta se termine par une promesse, presque à l’opposé de la malédiction de l’ange ci-dessus:
« Quiconque est en souffrance avec le peuple méritera de voir le réconfort du peuple. »
Un message ressort clairement de ces divers avertissements, promesses et exemples bibliques: la solidarité nationale, dans les moments difficiles, est vitale. Mais que se passerait-il si, malgré tout cela, l’intérêt personnel ou de caste prévalait et que les gens persistaient à chercher refuge en leur sein propre ?
Le Talmud prévient de manière figurative que :
« La maison même dans laquelle ils cherchaient à s’exclure de la souffrance des autres viendra témoigner contre eux un jour prochain ! »
Plonger dans le chagrin de notre peuple, ou en général, s’identifier sincèrement à la souffrance du monde peut avoir une implication problématique. L’homme pourrait défier le Créateur du monde, rejeter la direction de bonté et d’amour envers le monde, plus encore, rejeter Sa providence ou la réalité de son existence même, en raison de sa grande souffrance.
De nombreuses sources démontrent le principe d’implication face à la souffrance du peuple, toutes sont conscientes de ce problème. Parmi les récits référentiels, le Midrash suivant est souvent cité :
« Qu’est-ce donc? Depuis que je me suis présenté à Pharaon pour parler en ton nom, le sort de ce peuple a empiré, sauver tu n’as point sauvé ton peuple! » (Chemot 5, 23)
Pharaon endurcit son cœur et appesantit les souffrances d’Israël au lieu d’accepter leurs admonestations, Moshe ne peut le supporter. Il participe corps et âme au chagrin croissant d’Israël, et au vu et su des drames et tragédies, récrimine Dieu et s’interroge sur ses vertus.
« Moshé retourna vers le Seigneur et dit: Mon Dieu, pourquoi as-tu rendu ce peuple misérable? Dans quel but m’avais-tu donc envoyé ? (Chemot 5, 22). N’avez-vous pas promis de faire sortir le peuple d’Israël de l’exil égyptien ? »
Ces paroles difficiles éveillèrent l’attribut Divin de Justice contre Moshé, mais il fut absous, car, comme Job à son époque, son cœur était propre et pur. Il n’a pas invectivé uniquement par défi, mais par un profond désir de connaître, de comprendre, par une réelle aspiration pour la rédemption d’Israël, au plus tôt. Par ses mots, Moshé ne s’est pas éloigné des fidèles souffrants, il a seulement renforcé sa contribution et sa coopération avec eux.
La solidarité reste une expression foncière de l’identité hébraïque, à fortiori pour notre époque moderne, celle de la renaissance d’Israël.
Certains dirigeants juifs contemporains ont universalisé ce message, citant cette leçon talmudique pour souligner la responsabilité hébraïque envers la société dans son ensemble, sur des questions relatives à la guerre, la défense ou l’injustice sociale. Il est grand temps, pour ce message de responsabilité communautaire d’être étendu à l’État juif et jusqu’où doit aller cette responsabilité collective ? De telles questions font partie de ce qui devrait faire du Talmud, non seulement un document historique, mais un texte vivant et respirant les réalités présentes!
La réaction du Rav Kook zatsal aux pogroms de 1929, décrite par le Rav Aryeh Levin, donne des frissons à sa seule lecture : le rav est tombé et s’est évanoui, il s’adonna aux coutumes du deuil, il subit de graves tourments psychiques et physiques.
Il n’a jamais ignoré les souffrances vécues avec Israël dans le processus de sa rédemption, mais a toujours souffert de et avec la détresse du peuple. Cependant, il n’ignore pas l’évidence : même si la souffrance apporte la délivrance dans le futur, pour l’instant, notre présent est souffrance, elle est impitoyable, douloureuse et mutile tout ou partie de notre peuple et du monde. Elle doit être traitée comme une cause de chagrin et de torture. Les souffrances d’Israël ne peuvent être ignorées et l’Hébreu véritable doit pouvoir souffrir cette souffrance au nom de son amour pour le peuple, la terre et la Torah d’Israël.
En conséquence je ne peux qu’acquiescer aux propos du Rav David Yossef appellant le public ultra-orthodoxe à ne pas célébrer Pourim dans les rues, au vu et su des violents combats qui sévissent à Gaza, dans le nord, et en Judée-Samarie. Il a déclaré :
« Nous sommes dans une situation où il y a maintenant une guerre ici. Une guerre difficile contre nos ennemis. Alors que chaque jour nous entendons parler de plus en plus de soldats tombant au combat. La situation n’est pas facile du tout. Je pense que cette année, il est très important que chacun célèbre Pourim et observe les mitsvot de Pourim à la maison. Mais en ce qui concerne la publicité de la fête, il faut faire très attention à ne pas montrer de joie et de danse dans les rues de la ville. Soyez très prudent à ce sujet ».
Nos seules et uniques joies seront le retour de nos frères et sœurs raflés le 7 Octobre.
La guérison totale de tous nos blessés.
L’extermination du hamas et notre victoire totale.
Que la mémoire de tous nos frères et sœurs, tombés au combat, soit bénie à jamais!!