On se souviendra des paroles attribuées à Alexandre le Grand, cet immense conquérant frappé par une simple bactérie:
« Sur le point de mourir, Alexandre convoqua ses généraux, et leur communiqua ses dernières volontés, ses trois ultimes exigences:
– Que son cercueil soit transporté à bras d’hommes par les meilleurs médecins de l’époque.
– Que les trésors qu’il avait acquis (argent, or, pierres précieuses…) soient dispersés tout le long du chemin jusqu’à sa tombe.
– Que ses mains restent à l’air libre, se balançant en dehors du cercueil à la vue de tous.
L’un de ses généraux, étonné de ces requêtes insolites, demanda à Alexandre quelles en étaient les raisons.
Alexandre lui expliqua alors ce qui suit :
– Je veux que les médecins les plus éminents transportent eux-mêmes mon cercueil pour démontrer ainsi que, face à la mort, ils n’ont pas le pouvoir de guérir.
– Je veux que le sol soit recouvert de mes trésors pour que tous puissent voir que les biens matériels ici acquis, restent ici-bas…
– Je veux que mes mains se balancent au vent pour que les gens puissent voir que, les mains vides nous arrivons dans ce monde, et les mains vides, nous en repartons quand s’épuise pour nous le trésor le plus précieux de tous: LE TEMPS. »
Il ne fait aucun doute que nous marchons bille en tête vers la dissolution de la société ancienne.
Le vieux monde a survécu malgré toutes ses tentatives de circonvolutions politiques, sociales, économiques et religieuses.
Rien ne sera plus comme alors!
Le vieux monde est choqué par un petit virus terrorisant l’univers plus que le changement climatique à long terme.
J’avoue ma faiblesse pour l’analyse qui dépeint, de manière prophétique, la pandémie comme le symbole d’un nouveau monde. Peut-être, cette fois, sortirons-nous de l’ivresse de la modernité et entrerons-nous au sein d’un ensemble mélodieux, harmonieux et savoureux. Finies les futilités de ces biens consuméristes corrosifs de l’âme humaine!
Plus jamais victimes de ce néolibéralisme dédaignant la dignité humaine!
L’enclume n’est plus. Adieu aux marteaux postmodernes dénués de convictions!
Reprenons les rênes, devenons les maitres d’œuvre, un nouveau jour moins sombre nous attend.
Nulle crainte l’ami! Rien de très nouveau sous le soleil!
N’oublie jamais ces cultures millénaires, ces civilisations mémorables, elles naquirent, vécurent et un jour s’éteignirent.
Tournons le dos à demain, soyons un peu à contretemps, sans trop d’espèces tapageuses et invalides. Ébauchons le tracé affable de nos destins. Jouissons du moment sans fin. Percevons les hors-saisons, les silences bouleversants, l’esprit primesautier et apprenons à aimer l’amour.
La tyrannie de l’horloge nous avait imposé la routine monotone: réussir cet avenir jalonné de dates, prêt à ne pas être et surtout ne pouvoir devenir.
Utilisé à bon escient, le temps ne se prend pas mais s’offre et s’octroie.
Voltaire écrivait:
«Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage, qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta Bonté qui nous a donné cet instant! » (Traité sur la Tolérance ch.23)
En mourant, nous n’emportons aucun bien matériel avec nous, bien que les bonnes actions, je pense, soient une sorte de lettres de créances. Le Temps est le bien le plus précieux que nous ayons parce qu’il relève de la finitude. Nous pouvons posséder plus d’argent, mais pas plus de temps. Quand nous offrons du temps à autrui, nous lui cédons une part de notre vie que nous ne pourrons aucunement rattraper, notre temps est notre vie, celle d’un amour gratuit.