Remontant à l’Antiquité avec Jules César, la capture de captifs s’est avérée une tactique rentable dans les conflits jusqu’au 21e siècle. Au milieu des drames humains, cela impose des échanges, des paiements et des changements de politique, ceci fut, encore une fois, évident dans l’accord entre Israël et le hamas.
La prise d’otages est l’une des tactiques de guerre les plus durables. Enregistrée depuis l’Antiquité, cette pratique s’est confirmée efficace pour arracher des concessions politiques, militaires et économiques à ses adversaires jusqu’au 21e siècle.
Dans sa jeunesse, au 4e siècle avant J.-C., le futur roi Philippe 2 de Macédoine fut arrêté et détenu pendant trois ans à Thèbes, une importante cité-État grecque.
En 75 av. J.-C., Jules César fut pris en otage par des pirates ciliciens, il traversait la mer Égée en route pour étudier à Rhodes. Il a été détenu pendant 38 jours et libéré seulement après le paiement d’une lourde rançon.
Dans son autobiographie du 5e siècle, un homme, canonisé plus tard sous le nom de Saint Patrick, patron catholique de l’Irlande, raconta son kidnapping, à l’âge de 16 ans, par des maraudeurs irlandais qui attaquaient la côte ouest de l’Empire romain d’alors, Grande-Bretagne aujourd’hui. Il écrit avoir travaillé comme esclave affirmant s’être échappé six ans plus tard, les chercheurs contemporains se posent quelques questions sur ce récit.
En 1526, âgé de sept ans, le futur roi de France, Henri II, et son frère furent échangés contre la liberté de leur père, capturé par l’Espagne. Ils ont été détenus par l’Espagne pendant quatre ans.
L’auteur de « Don Quichotte », Miguel de Cervantes, fut capturé par les pirates barbaresques en 1575. Retenu comme esclave à Alger pendant cinq ans, il sera racheté pour 500 ducats d’or.
Pendant des siècles, les gouvernements ont donné des otages comme forme d’assurance humaine afin que les traités ne soient pas rompus, pour, éventuellement (mais pas toujours), récupérer leur peuple.
Les otages font partie de l’Histoire humaine depuis ses débuts.
Pendant des années, les pirates barbaresques ont capturé les marins marchands américains qui sillonnaient les mers pour faire du commerce avec l’Europe. Sous la Présidence de George Washington, les États-Unis ont payé une rançon de plus de 642 500 dollars – soit environ un quart du budget américain de l’époque – au Dey d’Alger pour la libération de plus d’une centaine de marins américains retenus captifs.
La question de rançon avait divisé les pères fondateurs. Thomas Jefferson prévenait que les demandes de « rachat » ne cesseraient jamais, tandis que John Adams soutenait que les concessions financières étaient un moyen de sauvegarder le commerce extérieur d’une nation jeune, à court de ressources financières. Les crises répétées avec les pirates nord-africains ont conduit à la création de la marine américaine, l’expression « jusqu’aux côtes de Tripoli » dans l’hymne de la Marine vient de la première guerre barbaresque de 1805.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, certaines des crises internationales les plus célèbres des 75 dernières années ont été centrées sur des otages capturés par des groupes extrémistes ou des mouvements révolutionnaires pour faire pression sur les gouverne-ments. Ils voulaient les faire changer de politique, payer des rançons, obtenir la libération d’alliés emprisonnés ou attirer l’attention du monde entier sur leurs causes.
Les gouvernements ont, à leur tour, été entachés par leur politique de prise d’otages. Les citoyens, vivant dans des pays, des continents ou des océans éloignés de ces crises, imaginaient le traumatisme humain, ils furent passionnés par la captivité des kidnappés, parfois personnellement.
Même si les institutions mondiales l’ont condamnée à plusieurs reprises, la tactique de prise d’otages a trop souvent fonctionné.
En 1949, la Convention de Genève a qualifié la prise d’otages de « violation grave » du droit international.
En 1950, la Commission du droit international, créée par les Nations Unies, a qualifié le meurtre d’otages de « crime de guerre ».
En 1979, la Convention internationale contre la prise d’otages a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies.
En vain !
Ils disposent de peu de moyens pour faire appliquer la loi, hormis les sanctions qui peuvent prendre des décennies avant d’avoir un impact significatif.
Pendant ce temps, le sort plaintif des captifs a poussé les gouvernements à prendre des mesures pour sauver leur vie.
Les prises d’otages se sont multipliées de manière disproportionnée – et tristement célèbre – au Moyen-Orient au cours du dernier demi-siècle.
En 1972, septembre Noir – une branche militante de l’ »organisation de libération de la Palestine » – a pris d’assaut les locaux de l’équipe olympique israélienne à Munich. Elle exigeait la libération de plus de 230 prisonniers détenus par Israël. Onze athlètes Israéliens pris en otage ont été tués lors de l’attaque et l’échec de la tentative de sauvetage par l’Allemagne. Les trois auteurs palestiniens survivants, arrêtés par l’Allemagne, ont été libérés quelques semaines plus tard lors d’un échange d’otages suite au détournement du vol 615 de la Lufthansa par des sympathisants de septembre Noir.
Le cycle, lui aussi, se perpétue souvent.
En 1976, des commandos israéliens ont lancé un raid audacieux pour libérer plus de 100 Israéliens pris en otage sur un vol d’Air France reliant Israël à la France. Il avait été détourné par des membres du « Front populaire de libération de la Palestine » et redirigé vers Entebbe, en Ouganda. Les otages ont finalement été libérés, mais l’un des chefs de l’opération militaire, le colonel Yonathan Netanyahou, fut tué alors qu’il conduisait les otages vers un avion israélien les attendant. Son frère est aujourd’hui Premier ministre d’Israël, l’homme chargé du gouvernement alors que le Hamas a déclenché la plus grande crise de prise d’otages de l’Histoire du pays.
Les efforts de sauvetage sont compliqués, comme Israël l’a découvert lors de ses opérations militaires à Gaza.
En 1980, l’opération « Eagle Claw », visant à sauver les diplomates américains détenus à Téhéran, a échoué de manière désastreuse. À un point de transit dans une région iranienne isolée, baptisé Desert One, deux avions militaires américains sont entrés en collision, tuant nombre de ses forces, entraînant l’avortement de l’opération.
Il y en eut bien d’autres…. trop !
Dans les années 1980, le Hezbollah avait pris en otage des dizaines d’Occidentaux au Liban – certains détenus pendant des années – pour exiger la libération de ses membres, reconnus coupables et emprisonnés au Koweït pour avoir bombardé les ambassades américaine et française. En 1991, le président irakien Saddam Hussein avait , lui, utilisé les étrangers comme boucliers humains – ou « invité étranger », comme il les appelait – après avoir envahi le Koweït afin de décourager une invasion menée par les États-Unis.
Le hamas s’empare des Israéliens depuis près de deux décennies. Guilaad Shalit avait été capturé en 2006, lors d’une attaque antérieure menée de l’autre côté de la frontière par le mouvement extrémiste palestinien. Il a été détenu pendant cinq ans et n’a été libéré après un échange, accepté par Israël. Plus de 1 000 prisonniers palestiniens seront libérés, parmi eux se trouvait Yh’ya Sinwar, un dirigeant du hamas. Il a passé 22 ans dans une prison israélienne et est, dorénavant, largement considéré comme l’architecte des attentats du 7 octobre. Il est également devenu un acteur clé dans la dernière crise mondiale d’échange d’otages qui déterminera le sort de 136 personnes enlevées ce jour-là, toujours prisonnières de ces monstres.
Il y a plus de deux millénaires, Jules César prenait sa revanche. Après sa libération, il ramena une force sur l’île où il avait été détenu, capturant les pirates ciliciens, qui furent emprisonnés puis tués.
Pourtant, la piraterie est restée une pratique au 21e siècle – et la prise d’otages l’est plus encore !
Rony Akrich