L’UNITE DES HEBREUX EN QUESTION (3/3) – Par Rony Akrich

by Rony Akrich
L’UNITE DES HEBREUX EN QUESTION (3/3) – Par Rony Akrich

Certes, ces différences ne peuvent être balayées, ni même minimisées, mais la réponse bienséante, face à des opinions divergentes, demeure davantage la discussion que le pugilat.S

Se rencontrer et partager de cette manière n’exige pas l’octroi de l’authenticité, ni la reconnaissance d’une ouverture intellectuelle. Tout ce qu’il faut, c’est un désir d’être ensemble, la volonté de s’écouter les uns les autres et la capacité d’exprimer son désaccord d’une manière attentionnée et constructive.
Les Juifs, dans leur grande majorité, poursuivent, bienheureusement, cette voie et tentent d’y persévérer, sans se soucier des titres provocateurs et subversifs à la une des medias israéliens.

Assurément nous nous dirigeons vers une époque où le Judaïsme exilique, celui-là même né au lendemain des royaumes déchus d’Israël, se fractionnera en nombres de croyances tentaculaires.

« La Bible ne nous parle pas des Juifs, elle nous parle des Hébreux. Le Juif c’est un Hébreu en exil, mais l’exil a duré tellement longtemps qu’on a fini par inverser les évidences d’identité, et à considérer comme normale une identité anormale, qui a toujours eu vocation à être provisoire et qui est destinée à disparaître. Le Juif est un Hébreu à l’indice de telle ou telle nation, alors que l’Hébreu est un Juif à l’indice de l’universel. Le Juif doit retrouver les racines de son identité, qui ne sont pas juives mais hébraïques. Pour cela il doit rentrer chez lui, au « pays des Hébreux », en terre d’Israël. » (Rav Leon Yehuda Askenazi)

Cette menace est réelle.
Si nous n’apprenons pas à parler les uns avec les autres de manière respectueuse, si nous ne pouvons pas exprimer les domaines importants dans lesquels nous différons avec dignité et compassion, nous briserons l’unité du peuple.Publicité 

Il y a une différence entre l’unité et l’uniformité.
Nous n’avons jamais été un peuple uniforme (nous nous soucions trop de Dieu, de la Torah, des Mitsvot et du Tikkoun Olam pour être indifférents sur ces points). Mais nous avons pu maintenir l’unité malgré nos discordes. Cette nécessité est encore, et toujours, à l’ordre et au goût du jour.

Sur le plan personnel, cela signifie que pour le bien de Sion, je ne peux pas autoriser ma passion, pour l’Hébraïsme renaissant, à diffamer les chemins de vie de mes compatriotes Israéliens. Le fait d’avoir rencontré un foyer spirituel et un havre intellectuel est une faveur pour laquelle je rends grâce à l’ensemble de nos maitres d’hier et d’aujourd’hui, des Sages audacieux manifestant une expression réfléchie et généreuse à mon âme, en nous révélant ce nouvel être Hébreu.

Mais cette reconnaissance béate doit m’inciter à admettre d’autres formes de Judaïsme procurant ces mêmes bienfaits à mes concitoyens israéliens. Je devrais donc me réjouir en leur nom, sans être obligé d’être d’accord avec leurs théologies, sans avoir à adhérer à leurs politiques et sans avoir à faire taire ma dissidence.
Néanmoins, pour le bien de mon âme, j’ai besoin de reconnaître les autres formes du bien quand je les vois.

Au-delà de nos désaccords, nous nous sommes tous retrouvés ensemble au Sinaï il y a longtemps.
Et dans le futur messianique, le peuple d’Israël, tout entier, sera rassemblé : Tous ensemble ou pas du tout.
En attendant, nous devrions peut-être travailler un peu plus fort pour nous traiter tous ensemble avec un minimum de dignité, de retenue et, j’ose dire, d’amour ?

L’Amour d’Israël est un commandement après tout !
Toutes les sociétés exigent un certain degré d’harmonie et de bonne volonté. La cohésion sociale est essentielle à la prospérité et au succès. Pour le peuple d’Israël, toutefois, l’unité n’est pas simplement un moyen d’atteindre des objectifs matériels.
L’unité sociale est une valeur beaucoup plus grande, un objectif en soi.
Notre plus haute aspiration est de mériter la proximité avec Dieu, et cette Présence ne réside en Israël qu’en vivant dans la paix et l’harmonie. Comme les Sages l’ont enseigné :

«Quand mon Nom est-il invoqué en Israël ? Quand ils seront unis » (Sifre VeZot HaBrachah 346).

Il existe une seconde différence entre l’unité recherchée par le peuple d’Israël et celle des autres nations.
Une société peut être unifiée de deux manières : en actes et en pensées.   « L’harmonie dans l’action » désigne des actions concrètes visant à aider ses voisins ou à contribuer à la nation dans son ensemble. « L’harmonie dans la pensée » signifie préoccupation pour ses concitoyens et amour pour son peuple.

Toutes les nations ont besoin de ces deux formes, mais seule une coopération concrète est essentielle à la réalisation des objectifs matériels d’une nation.

Pour les Hébreux, cependant, la paix est une condition préalable à la présence de Dieu et à une providence originale, et cette paix dépend, principalement, de l’unité dans le cœur.

Ainsi, pour Israël, «l’unité de pensée» est l’objectif ultime, alors que «l’unité d’action» est un moyen de l’entériner et de l’assurer.
Comment la cohésion nationale est-elle reliée à la loi du don annuel d’un demi-shekel par personne, c’est à dire d’une d’action homogène ?

La collection de ces pièces était un véhicule permettant d’unir le peuple en faits et gestes. L’argent servait à subvenir aux besoins spirituels de la nation – à fournir les offrandes quotidiennes du Temple – ainsi que ses besoins matériels – les fonds restants étaient utilisés pour entretenir les remparts et les tours (Shekalim 4, 1–2).

Lorsque les nations s’unissent pour un objectif commun, telle la constitution d’une armée ou la collecte d’impôts, elles organisent un recensement afin de déterminer la contribution de chaque individu à l’effort collectif. Ce recensement ne contredit en rien la finalité de leurs efforts unifiés, le but ultime restant le bénéfice de chaque individu.

Dénombrer les Hébreux, les compter (en Hébreu ‘Safar’) par tête, revient à limiter leur nombre, à amoindrir leur valeur puisque cette action implique l’application d’un chiffre à chaque homme et à chaque femme. Ceci est contraire à la vision biblique : le chiffre efface la particularité de chacun qui, s’unissant en chacune des tribus, constitue un seul peuple. L’homme n’est point un numéro mais un être à part entière, créé à l’image de Dieu.
Ainsi, le recensement introduit la division du collectif, son morcellement et la brisure de l’unité réalisée en Egypte avec le sacrifice pascal. Le recensement est en principe organisé afin de superviser l’étendue de la mainmise sur un territoire. Le roi David ordonne le recensement d’Israël pour évaluer le nombre de soldats dont il peut disposer (II Sam. 24, 9). C’est alors qu’il «fut saisi de remords après ce dénombrement, et il dit au Seigneur : J’ai gravement péché par ma conduite. Et maintenant, Seigneur, daigne pardonner le méfait de ton serviteur, car j’ai agi bien follement ! » (II Sam. 24, 10).

César Auguste organise un recensement de tout le monde qu’il gouverne. Quirinius, le gouverneur romain en poste en Syrie (6-12 de notre ère), l’organise en son nom, et la province de Judée entre dans sa juridiction. Le recensement est donc synonyme d’assujettissement à un pouvoir extérieur. En tant que tel, il est en général prohibé dans le Tanach’.

La contribution du demi-sicle sert à «racheter» («rachat de son âme») celui qui le donne. La conscience de ne constituer qu’une partie de l’Unité du peuple destine l’homme à se rapprocher de son semblable.

Tout homme, riche ou pauvre, offre au Temple la même somme d’argent. Cette base unitaire du demi-sicle évite toute discrimination sociale, qui se doit d’être bannie de l’enceinte sacrée du Tabernacle et du Temple.

Le Beit haMikdach, constitue le lieu de Paix par excellence où les différences sociales disparaissent au profit du dialogue et du service rendu à Dieu.
Les hommes doivent, non seulement, atteindre la connaissance supérieure, celle de l’égalité du genre humain, mais aussi l’idée de l’imperfection de notre être qui nécessite la présence de l’autre.

Nous ne sommes que la moitié de notre semblable !
Un Hébreu offrant un demi-sicle a besoin d’un autre Hébreu pour qu’ensemble, ils offrent un sicle complet.

Le demi-sicle enseigne donc l’importance de la complémentarité mutuelle et d’une vie sociale vécue dans l’égalité.

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