l'Art d'Aimer!

by Rony Blog


Erich Fromm (1900-1980) en était convaincu : « L’amour n’est pas un sentiment à la portée de n’importe qui.
 » Rompant avec la vision romantique des philosophes du XIXe siècle – qui concevaient l’amour comme un affect passif, au sens où il s’emparait du sujet sans prévenir et prenait possession de lui –, le psychanalyste estimait que l’amour était une « activité ». 
Il était « un “prendre part à” et non un “se laisser prendre », écrivait-il. Quiconque aspirait à connaître l’amour se devait dès lors de le considérer comme un art.
Plus question de s’en remettre au hasard en espérant être touché par les flèches de Cupidon.
Il fallait au contraire, en adoptant une démarche volontariste, apprendre à aimer.
Le désarroi face à l’amour est resté le même. Loin de prétendre donner des recettes miracles, il entendait plutôt signaler les écueils à éviter et suggérer des voies pour accéder à une forme d’union épanouissante, harmonieuse et durable.
Pour passer maître dans l’art d’aimer, il faut « procéder de la même manière que pour apprendre n’importe quel autre art, à savoir la musique, la peinture, la charpenterie ou l’art de la médecine ».
C’est-à-dire commencer par acquérir un ensemble de connaissances théoriques, puis s’attacher avec assiduité à les mettre en pratique.
La plupart des candidats à l’amour commettent généralement trois erreurs.
La première est de croire que « le problème essentiel de l’amour est de savoir comment être aimé alors qu’il s’agit d’apprendre à aimer ».
La deuxième est de « supposer que le problème de l’amour est un problème d’objet et non de faculté ».
La troisième, enfin, est de confondre « l’expérience initiale de “tomber” amoureux et l’état permanent d’être amoureux, ou mieux encore, de “se tenir” dans l’amour ».
L’engouement des premiers temps, n’est pas assimilable à l’amour, Il n’est que le reflet de nos solitudes antérieures.
Ce n’est qu’après, dans la connaissance de l’autre, que l’on peut accéder à l’amour, « qui consiste essentiellement à donner, non à recevoir ».
Fromm insiste à juste titre sur l’importance de surmonter notre narcissisme et notre besoin de dépendance pour accéder à un véritable échange.
L’une des clés de la réussite amoureuse est effectivement d’admettre que l’être idéal (le « bon objet ») n’existe pas, d’apprendre à composer avec ses imperfections et à travailler sur les nôtres.
« Se tenir » en amour, c’est faire inlassablement ce travail. Sinon ce sera l’expérience de la solitude, qui suscitera très vite l’angoisse.
Etre seul signifie être coupé de, sans être du tout en mesure d’exercer mes facultés humaines.
Dès lors, être seul signifie être démuni, incapable de saisir le monde – objets et personnes – activement; cela signifie que le monde peut m’envahir sans qu’il soit en mon pouvoir de réagir.
De plus, elle suscite un sentiment de honte et de culpabilité: sentiment qui s’exprime dans l’histoire biblique d’Adam et Ève.
Après avoir mangé de 1’« arbre de la connaissance du bien et du mal », après avoir désobéi, après leur naissance comme êtres humains – ils virent «qu’ils étaient nus – et ils eurent honte ».
Devenus conscients d’eux-mêmes et l’un de l’autre, l’homme et la femme prennent aussi conscience de leur séparation et de leur différence, dans la mesure où ils appartiennent à des sexes différents.
Mais tout en reconnaissant leur séparation, ils restent étrangers parce qu’ils n’ont pas encore appris à s’aimer l’un l’autre (ce qui est aussi mis en lumière par le fait qu’Adam se défend en blâmant Ève plutôt qu’en essayant de la défendre).
La conscience de la séparation humaine, sans réunion par l’amour – est source de honte. Elle est en même temps source de culpabilité et d’angoisse.
Ainsi donc, le besoin le plus profond de l’homme est de surmonter sa séparation, de fuir la prison de sa solitude.
L’homme, – de tout âge et de toute culture – se trouve confronté à la solution d’un seul et même problème: comment surmonter la séparation, comment accomplir l’union, comment transcender sa propre vie individuelle et trouver l’unicité?

Related Videos