Je trouve plus juste, plus honnête d’intituler cette journée de commémoration: « journée du souvenir de l’holocauste… » et non de cette appellation mortifère: ‘jour de l’holocauste’. On pourrait penser que certains sont nostalgiques de cette identité victimaire!
Alors ma mémoire s’éveille et se souvient des premiers camps de concentration d’Egypte, des hébreux condamnés à une première solution finale.
J’aimerais tant comprendre, élucider un tant soit peu le drame…
Il y a trop de ressemblance entre Louksor, Suze, Séville et Berlin pour que cela relève d’un simple et pur hasard.
Dès les premières images je suis soudain confronté avec l’état d’esprit craintif, d’individus qui tout au long de l’histoire préfèreront une existence minable face aux humiliations plutôt que de lutter avec la mort en défendant la liberté.
Pensée d’un matérialisme vulgaire, utilitaire et sans idéal, méprisables personnes qui choisiront d’avilir les vertus de l’être au profit de leurs appétences primaires. Une multitude blasée devenue indolente et qui non satisfaite de subir les violences des gardiens égyptiens, prendra le temps de se quereller entre frères, de se frapper; des médiocres ne pouvant même pas offrir un semblant de dignité, incapables de faire front tous ensemble face à l’oppression.
Ces esclaves fréquentent la peur au quotidien, l’appréhension des impératifs, mais aussi la crainte des punitions s’ils n’exécutent pas, s’ils paraissent obéir ou inciter aux plus infimes démonstrations de soulèvements. Mentalité traditionnelle pour générer des dénonciateurs très présent en Egypte et qui ne se gênerons point pour trahir, par exemple, les faits et gestes d’un Moïse jugé rebelle au Pharaon. C’est au sein de ce ghetto grouillant de la province de Goshen que se dévoile la silhouette du microcosme concentrationnaire, avec ses « kapos », ses renégats, mais aussi avec ses géants de l’histoire.
Les résistants considèrent la libération des masses hébraïques et la soumission au projet divin comme essentielle et primordiale. Ainsi les sages-femmes condamnaient par le pouvoir à « tuer tous les nouveau-nés mâles», ne le perpètrent pas, et se rebellèrent vaillamment contre le Pharaon qui les manda en découvrant leur insubordination. Elles eurent l’ingéniosité d’objecter un argument de poids qui les sauva d’une mort certaine: « les femmes des Hébreux sont très résistantes, elles enfantent toutes seules, sans l’aide de sages-femmes ». Mais elles prirent aussi un malin plaisir à défier modestement l’autorité: « elles ne sont pas comme les femmes égyptiennes », épouses effrayées et par trop délicates, pour assurer une progéniture digne de ce nom.
Courageuses héroïnes, elles souffrent en leur âme et conscience de la sous-estimation accordée à l’existence humaine, d’une barbarie capable de s’en prendre jusqu’au nouveau née. Elles connaissent le commandement Divin, plus impérieux que toutes les injonctions du Pharaon, il faut prospérer et engendrer, devenir ce peuple qui une fois libéré et réhabilité sur sa terre ancestrale apportera une nouvelle identité morale à l’humanité. Quel combat, pour quel projet!
Au moment où l’ordre le plus abject de la solution finale du problème Hébreu est donné; noyer les petits garçons dans le Nil, plus d’une famille prend peur et se décourage. Les couples vont abandonner toute vie conjugale et divorcer. C’est justement dans ce moment-là que certains se souviennent de la raison foncière du mariage, tel que nos ancêtres le comprenaient et qui exige de cette alliance une consécration où donner la vie est un acte obvie de résistance. Malgré les menaces, assurés et confiants en la promesse divine, ils confirmeront leur pérennité en mettant au monde les futurs héros du premier printemps de la liberté pour l’homme. D’autres s’engagent également, dans une résistance sans appel car soucieux de la dignité du peuple. Les maîtres de corvée, nommés par les Pharaons parmi les israélites sont de violents défenseurs du procès des hébreux. Ils tentent de distribuer pareillement la besogne, ne craignent pas de négocier avec le Pharaon, ils consentent à être les victimes innocentes de punitions requises par leurs supérieurs égyptiens, pour empêcher que la condamnation ne s’applique à l’encontre de leurs frères. Cet esprit de révolte, le plus épique, sera personnifié par Moïse, lui seul parmi les enfants d’Israël avait osé lever la main sur un égyptien, mais contrairement à ses frères il avait grandi dans les couloirs du pouvoir où lui furent inculqués le courage et la dignité.
La naissance du peuple d’Israël est un accouchement difficile, on ne doit pas seulement aider mais aussi provoquer l’extraction du bébé. Dieu lui-même intervient dans l’histoire égyptienne, arrachant les hébreux au cordon asphyxiant d’une vie et d’une culture stériles. La naissance est toujours un moment pénible où seule l’apparition du nouveau-né résout et console nos doutes et interrogations. Les épreuves traversent nos existences et engendrent des individus surpassés, elles ne sont pas là pour témoigner de la quantité de foi en Dieu mais plutôt mesurer nos capacités à révéler notre être profond. C’est en acceptant de se confronter aux exigences de son destin que l’homme comme le peuple pourra dévoiler sa véritable nature potentielle.
L’Éternel génère les difficultés indispensables à la prochaine et nouvelle dimension de l’histoire d’Israël, nul besoin de s’en effrayer ni d’en nier l’importance mais d’y puiser les ressources nécessaires aux lendemains plus enchanteurs. Nous devons assumer ces épreuves de vie car si jamais il nous venait à l’idée de nous y refuser, les conséquences en seraient plus terribles et les douleurs plus atroces. Les crises, inhérentes à notre renaissance, traversent les mêmes étapes que le développement de l’homme, Les événements ne façonnent pas sa personnalité, seules ses réactions et sa résolution à décliner les verbes de son histoire bâtiront son être en devenir. Bien après la sortie du pays d’Egypte, la naissance se poursuit et exige de lui l’abandon des mauvaises habitudes prises durant les années d’exil et d’oppression.
Lorsque l’opportunité est donnée à l’individu d’œuvrer pour le peuple comme pour lui-même et qu’il esquive cette implication, il s’agit là d’un délit grave. Il n’y a pas ici d’incompatibilité entre le libre arbitre de l’homme et le déterminisme d’une histoire voulue par le Créateur, celle-ci se réalisera d’une manière ou d’une autre pour le meilleur de notre univers.
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