Une grande leçon se dégage de l’Exode : la libération n’est pas le fruit d’une victoire humaine mais un don de D.ieu. Durant la dernière journée du séjour d’Israël en Egypte, durant la dernière nuit, la passivité des Hébreux est totale : ni aux yeux d’Israël, ni aux yeux des Egyptiens, la sortie d’Egypte au matin du 15 Nissan ne peut apparaître comme le résultat d’un succès politique ou militaire. C’est à D.ieu seul que revient le mérite de la libération.
L’idée que D.ieu sera leur unique libérateur a été exposée par Moïse aux Hébreux dès son premier contact avec eux. À ce moment déjà, « ils comprirent que l’Eternel s’était souvenu des enfants d’Israël, qu’Il avait considéré leur misère; ils s’inclinèrent et se prosternèrent.» (Ex 4, 31).
Au cours de la succession des plaies, ce sentiment se renforcera en eux. Mais le programme des dernières journées, tel que le transmet Moïse, doit leur faire prendre conscience de manière frappante qu’ils ne sont absolument pour rien dans un drame inouï dont l’unique rôle est tenu par D.ieu: eux n’en sont que les acteurs relatifs.
Aucune préparation militaire, aucune démarche politique ne leur est demandée. Les seules dispositions que Moïse exige sont d’ordre purement religieux. Sauf ce 10 Nissan où ils devront se procurer un agneau mâle de moins d’un an chez le maitre égyptien et le garder vivant jusqu’au 14, date à laquelle, en fin d’après-midi ils l’offriront en sacrifice. Puis ils badigeonneront du sang de cet agneau le linteau et les montants de leur porte, après quoi il leur sera strictement interdit de sortir de leurs maisons. Ce sera le seul et unique acte probant et courageux de résistance.
Un peuple tombé en esclavage a retrouvé la liberté. C’est une révolution unique dans l’Histoire de l’antiquité, et peut-être dans l’Histoire du Monde. Car il ne s’agit pas d’un peuple asservi, auquel le retrait de l’occupant restituerait l’indépendance, mais d’un peuple venu volontairement s’établir en terre étrangère, tombé là en servitude, et pouvant tout d’un coup partir pour regagner la mère patrie.
Dans les législations antiques qui admettaient l’affranchissement, l’esclave devenu libre faisait peu à peu l’apprentissage de la liberté. Longtemps encore il restait attaché à la maison de son ancien maître, et c’étaient ses enfants seulement qui jouissaient des pleins droits octroyés au citoyen.
Dans le cas de la sortie d’Egypte, non seulement l’affranchissement est massif, mais il coupe toutes les attaches avec le passé.
La liberté saisit les Hébreux sans apprentissage; d’un jour à l’autre, littéralement, ils cessent d’être esclaves pour acquérir l’indépendance.
En quelques semaines, ils passeront de la pire servitude à l’autonomie nationale bien que l’expérience démontrera qu’eux non plus ne pouvaient se passer d’une pédagogie de la liberté.
Leur indiscipline, leur manque de courage et de confiance obligent D.ieu à les éprouver durant quarante ans dans les affres du désert et ce afin de les habituer au futur de leur vie nouvelle, et à la préparation des tâches ingrates en terre d’Israël.
La liberté, don exclusif de D.ieu, doit faire l’objet d’une saisie humaine (qinyan). Les Juifs sortiront d’Egypte mais cela ne suffira guère, il leur faudra inévitablement extraire cette Egypte de leur sein pour y découvrir l’Hébreu. A ce jour, nous ne l’avons toujours pas fait, Projet inachevé!!